Forum Makutano 2023 : une Afrique « sans frontière » se dessine depuis Abidjan
Le Forum Makutano s’est délocalisé, quittant Kinshasa et la région Afrique centrale pour s’ouvrir à l’Afrique de l’Ouest par le choix d’Abidjan, la capitale économique ivoirienne, où se sont réunis pour cette édition, un très grand nombre d’acteurs du secteur privé du continent et des décideurs des politiques publiques. La réflexion autour des paradigmes de développement du continent africain a été une fois de plus au cœur des échanges.
Par Issiaka N’GUESSAN
« Se rencontrer » (Makutano, en langue Swahili, NDLR) pour se parler et mener la réflexion autour des enjeux du développement de l’Afrique, a été une fois de plus, au cœur de la 9è édition de ce Forum conçu par Nicole Sulu. Un rendez-vous de haut niveau qui a permis de mettre des acteurs du secteur privé du continent en contact direct avec les décideurs des politiques publiques. Il s’agissait ni plus ni moins, de mettre sur la table ces écueils qui plombent l’essor du continent dans un contexte assez dynamique, marqué notamment par la mise en œuvre de la Zlecaf.
La ZLECAF dans les esprits
Aujourd’hui, que ça soit du secteur privé comme du secteur public, on est unanimes à reconnaitre que pour que les avantages de la Zlecaf profitent aux entreprises privées, la liberté de circulation des personnes et des biens doit-être une réalité. C’est d’ailleurs l’avis de Jean Louis Billon, Groupe ivoirien Sifca. Pour lui, avoir une zone de libre-échange entre les Etats Africains, avoir des infrastructures communes est la seule condition pour avoir des échanges interafricains très dynamiques ».
A ce défi, s’ajoute celui des infrastructures et d’une communication très agressive qui permettrait aux populations et aux décideurs publics d’être mieux imprégnées des dispositions communautaires.
« Régler la problématique des infrastructures et de l’interconnexion »
Aujourd’hui, même si la mayonnaise n’a pas totalement pris, des initiatives commencent à connaitre un certain succès, mais elles restent encore faibles. C’est pourquoi d’ailleurs, le premier ministre de la RDC, Jean Michel Samano Koundé sur l’importance pour l’ensemble des pays Africains, d’entreprendre une marche accélérée vers le développement durable pour intégrer, transformer le paysage économique du continent. Pour cela, il estime nécessaire de « régler la problématique des infrastructures et de l’interconnexion, œuvrer pour la diversification [des] économies pour l’industrialisation et le développement des chaînes de valeurs. L’avenir du monde se joue ici en Afrique de par son potentiel, sa jeunesse et le dynamisme de sa population », a-t-il indiqué.
D’ailleurs, dans cette dynamique d’intégration, la Côte d’Ivoire et la Rdc ont décidé d’y aller concrètement. Par exemple, désormais, leurs ressortissants n’ont plus besoin de visa pour voyager entre les deux pays.
Rdc-Côte d’Ivoire, axe pilote de la Zlecaf ?
Le « salon de conversation » organisé par Nicole Sulu en Côte d’Ivoire est assez symbolique de ce que devrait être l’intégration. « La Côte d’Ivoire inspire l’Afrique économique », a-t-elle indiqué.
Par exemple, aujourd’hui, la Rdc s’est inspirée de la Côte d’Ivoire pour digitaliser son Trésor Public. La Côte d’Ivoire, a son agriculture qui représente 22% du PIB et emploie 40% de la population active. A contrario, en RDC, l’agriculture c’est 20% de la richesse nationale et emploie une personne sur deux. L’ambition de la Côte d’Ivoire, transformer son cacao à 100% d’ici à 2030…autant d’expertises et d’expériences que la coopération entre les deux pays devrait permettre de mettre à profit.
Booster les échanges
Déjà estimés à près de 7.2 milliards FCFA en 2022, contre 6 milliards FCFA en 2021, les échanges entre les deux pays sont pourtant loin d’avoir exploité le potentiel. D’ailleurs Patrick Achi, premier ministre ivoirien, est convaincu qu’il est possible de mieux faire.
« Pour fabriquer de véritables acteurs du secteur privé, forts pour répondre aux besoins du marché national, mais être capable également de répondre au marché du continent et au-delà, tous les pays du monde ont vu leurs acteurs publics marcher main dans la main aux côtés de leurs secteurs privés pour les aider, les accompagner, les pousser dans les moments difficiles, comme dans les meilleurs », a-t-il appelé.
Pour y arriver, il faudra cependant songer, en priorité, à relever le défi du financement. Si l’on en croit Guillaume Liby, banquier et économiste au Cabinet William Khamey Advisors, spécialisé dans l’analyse macroéconomique et financière, « le taux de crédit à l’économie est très faible en moyenne entre 20 à 40% contre plus de 100% dans les pays industrialisés. Les entraves administratives sont nombreuses. »
Poursuivant, M. Liby soutient que « les marchés sont étroits et les capacités logistiques entre les pays sont très peu efficientes », estimant que « les disparités monétaires entraînent des coûts de transaction élevés qui découragent le commerce entre les pays. »