Côte d’Ivoire : la Bourse des matières premières bientôt sur les fonts baptismaux
Des matières premières agricoles comme le maïs, la noix de cajou brute, la noix de cola fraîche ne seront plus vendus au détriment des producteurs mais en tenant compte du besoin du marché qui sera régulé par la Bourse.

Par Issiaka N’guessan, à Abidjan
Le 7 juin, en conseil des ministres, la décision est actée de lancer la Bourse des Valeurs Agricoles ivoiriennes ! « Le Conseil a adopté une communication relative à la mise en route de la phase pilote pour l’opérationnalisation des activités de la Bourse des Matières Premières Agricoles (BMPA) », avait soutenu le porte-parole du gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly, ministre de la Communication et de l’Economie numérique.
Après des années de sensibilisation des acteurs de la filière anacarde (noix de cajou), et de travaux menés en sous-main sans une grande communication par la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM), le gouvernement a décidé de passer à la phase active. Mais, ce ne sera plus uniquement une Bourse pour les cultures de rente.
La noix brute de cajou, le maïs et la noix de cola fraiche pour démarrer
« Le Gouvernement a décidé de mettre en place une BMPA intégrant aussi bien les cultures de rente que les cultures vivrières, à savoir un marché organisé, en ligne avec les standards internationaux, en vue de corriger les distorsions observées des marchés, de fluidifier la circulation des produits agricoles et d’améliorer les revenus des producteurs », a fait savoir le Conseil des ministres.
Cette décision fait « suite aux conclusions probantes de l’étude de faisabilité, qui a permis de déterminer le potentiel et d’établir les conditions de fonctionnement d’un tel marché en Côte d’Ivoire, une phase pilote des opérations de la BMPA est prévue pour démarrer au second semestre de l’année 2023, pour une période de 24 mois. »
La même source précise que pour cette période d’essai, « les matières premières choisies pour le démarrage de la BMPA sont la noix brute de cajou, le maïs et la noix de cola fraiche. »
Premier producteur mondial de cajou et de cola
Avec une production de noix de cajou brute de 1 024 000 tonnes en 2022, la Côte d’Ivoire demeure le 1er producteur mondial de cette noix. Dans les années 80, pour prévenir la désertification et ses effets néfastes, la politique de reforestation avait inclus l’anacardier dans les régions du Nord du pays. C’est à partir de 1995 que la valeur marchande des noix a commencé à être valorisée, allant crescendo d’année en année. Malheureusement, avec la rébellion et la grave crise postélectorale de 2010-2011 qui ont ébranlé le pays sur 8 ans, les producteurs de noix de cajou ont été parmi les plus lésés. Du fait des faux frais auxquels les acheteurs Indiens, Vietnamiens et autres étaient assujettis, le producteur agricole n’a jamais su tirer le meilleur prix bord champ des efforts de production. Pour la campagne de commercialisation de l’année 2023, le prix bord champ au producteur était de 315 F/Kg contre 305 F/Kg en 2022. Entre temps, au Ghana voisin, qui produit un peu moins que la Côte d’Ivoire, le prix au producteur est plus rémunérateur. Toute chose qui favorise une forte contrebande et un trafic illégal qui fait perdre des tonnes de produits et des devises à l’économie ivoirienne.

Pour la noix de cola dont le pays est également 1er producteur mondial, avec au moins 260 000 tonnes en 2017, il en est le 1er exportateur pour un chiffre d’affaires estimé en 2017, à 150 milliards FCFA. Jusqu’à présent, la filière évoluait dans l’informel, l’essentiel de la production exportée vers des pays africains dont le Sénégal, la Gambie, la Mauritanie.
« Le maïs est la céréale la plus cultivée, après le riz, avec une production moyenne annuelle d’environ 600.000 tonnes. »
La société de fourniture d’engrais Yara présente sur le marché agricole ivoirien, indique qu’en Côte d’Ivoire, le maïs est la céréale « la plus cultivée après le riz « avec une production moyenne annuelle d’environ 600.000 tonnes. »
Le maïs est consommé fortement dans les régions du Nord du pays, mais sert également à l’alimentation du bétail bovin et des volailles. Le terrorisme qui sévit dans des grandes régions productrices du Nord Mali et du Burkina Faso, a réduit considérablement les productions de maïs dans ces pays limitrophes. En Côte d’Ivoire, fait savoir Dr Miaman Koné, économiste rural, président de l’organisation agricole Yeya négoces, « il n’y a plus de variétés semencières ».
En attendant de pouvoir officier en roue libre, la « phase pilote sera exécutée par la BRVM dans le cadre d’une convention de mandat de gestion ». Il s’agit « à terme, que la BMPA permette, non seulement d’offrir une référence de prix de base des négociations sur les contrats commerciaux, à l’échelle nationale et internationale et d’avoir une meilleure maîtrise des cours de nos produits agricoles, mais également de capter des ressources importantes pour le financement du secteur, au bénéfice de l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur agricole. »
Sur les enjeux et perspectives pour les différents acteurs, Guillaume Liby, dirigeant du Cabinet conseil et de stratégie économique et financière William Khamey Advisors et Country Manager de Grofin en Côte d’Ivoire, indique que les bourses physiques des matières premières ont été créées pour standardiser le commerce de ces produits. Il pense que la transformation totale sur place des matières premières agricoles en produits industrialisés est une urgence.