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Benoît Koukebéné « Pour le Congo »

D’origine modeste, Benoît Koukebéné, né en 1943 dans le village de Loubetsi dans la région de Niari, dans ce qui fait encore partie de l’Afrique équatoriale française et deviendra la République du Congo en 1960, ancien ministre des Hydrocarbures, vit en exil à Paris depuis le renversement de Pascal Lissouba. Après ce qu’il qualifie de « putsch électoral », il se mobilise pour le départ de Denis Sassou N’Guesso, lequel « tue en silence ».

« Âmes sensibles s’abstenir », prévient l’opposant congolais Benoît Koukébéné. Sur l’écran, des corps criblés de balles, d’autres mutilés, des foules qui fuient… « Au Congo, on massacre, on bombarde, on tue en silence ! » Des propos lâchés sans concession, le 14 avril 2016, à Paris, alors que l’opposant congolais organisait une conférence de presse.

 

Après des études d’ingénieur et de mathématiques en France, il entre chez Hydro Congo, la compagnie nationale d’hydrocarbures

 

En exil dans la capitale française depuis le coup d’Etat qui a renversé le Président Pascal Lissouba, Benoît Koukébéné n’a jamais cessé de se battre pour le Congo. Natif du village de Loubetsi, dans la région de Niari, le 22 février 1943, Benoît Koukébéné est un fils de l’école républicaine. « A une époque où le Congo avait une République, une école. Mes parents n’avaient pas de moyens, sans cela je ne serais jamais allé au collège et connu le parcours que j’ai eu, nous confiait-il lors d’une interview à ANA, le 20 mars 2016 (lire l’interview intégrale ) Eux, envoient leurs enfants étudier à l’étranger, donc ça leur est égal… » « Eux », allusion à Denis Sassou N’Guesso et à son clan. « Aujourd’hui, il y a des coupures électriques intempestives à Brazzaville. Malgré cette manne qui s’estime à des millions de dollars ». Une manne dont il est à l’origine. Après des études d’ingénieur et de mathématiques en France, il entre chez Hydro Congo, la compagnie nationale d’hydrocarbures, au sein de laquelle il gravit les échelons jusqu’à prendre la direction de la section recherche et production. De là, il va conseiller les autorités en place avant d’être nommé, en 1993, ministre des Hydrocarbures. Il entreprend alors la renégociation des contrats pétroliers avec les firmes internationales, donnant lieu à de nouveaux contrats qui garantissent 33%, contre 17% jusque-là, de la production, et donc des fruits de l’or noir, à l’Etat. Une nouvelle source de richesse pour le Congo qui va lui permettre de s’affranchir de la dette publique qui avait culminé à 27% du PIB, réduite dès lors d’un quart. Ce, jusqu’au coup d’Etat de 1997 qui aboutit au renversement de Pascal Lissouba et à l’arrivée au pouvoir de Denis Sassou N’Guesso. « Grâce à ces accords, le pays a augmenté ses recettes pétrolières alors que, entretemps, le prix du baril a grimpé, jusqu’à atteindre les 100 dollars quand, à notre époque, il tournait autour des 12-15 dollars. Une aubaine, rappelle Benoît Koukébéné. Sauf que, comme toujours, quand l’argent arrive brutalement, sans y avoir réfléchi, il est dépensé effrontément. Ils se sont enrichis sur le sang du peuple. Ils ont tué. Ils ont oublié qu’ils avaient un Etat à gérer et que cela implique des responsabilités, des enfants qui doivent aller à l’école, des personnes à soigner, des villes à entretenir, avec de l’électricité… Aujourd’hui, il y a des coupures électriques intempestives à Brazzaville. Malgré cette manne qui s’estime à des millions de dollars ».

 

« Le gouvernement de Brazzaville bombarde pour consolider la fraude électorale, intimider les opposants, maintenir à distance la presse libre, et imposer un état de fait aux chancelleries occidentales »

 

Resté actif, malgré son exil, Benoît Koukébéné s’est impliqué pendant la dernière campagne électorale présidentielle, soutenant la coalition de l’opposition réunie autour de la candidature du général Mokoko. Sauf qu’à l’issue d’un processus électoral contesté, Denis Sassou N’Guesso a été reconduit dans ses fonctions le 16 avril à Brazzaville. « Depuis le lendemain des élections, on compte des centaines de morts et des milliers de déplacés. Le gouvernement de Brazzaville bombarde pour consolider la fraude électorale, intimider les opposants, maintenir à distance la presse libre, et imposer un état de fait aux chancelleries occidentales. Pourquoi les critères qui ont prévalu à Srebrenica ne valent pas pour le Congo ? » Allusion aux tueries qui se multiplient dans le sud du pays depuis plusieurs années et que l’opposant qualifie de « génocide ». « Qui osera dire que nous ne sommes pas en face d’un crime de masse ? Dans mon pays, les portes sont closes pour y massacrer à huis clos ! Seules vos plumes peuvent mettre fin aux souffrances des populations congolaises imposées par une vieille tyrannie abjecte et corrompue », adresse-t-il aux journalistes. « J’en appelle à la mobilisation immédiate des grandes ONG du monde pour assister victimes et déplacés », alors qu’une rencontre avec les ONG était prévue à Paris dans les jours qui ont suivi la conférence de presse. « J’ai sollicité le suffrage de mes concitoyens, je ne pensais pas commettre ainsi un crime de lèse-majesté, déclare le général Mokoko, joint difficilement par téléphone. D’après nos résultats, je peux vous dire, que je suis arrivé largement en tête ». Après avoir usé les recours auprès des institutions nationales, entre les mains du pouvoir en place, Mikoko en appelle à des manifestations pacifiques et à la communauté internationale, laquelle brille par son silence dans ce dossier. « On constate beaucoup de timidité qu’on ne comprend pas ». Signalant tout de même avoir reçu un courrier des autorités françaises réaffirmant les dispositions de l’Union Africaine et de l’Organisation Internationale de la Francophonie, qui rejettent toutes options antidémocratiques pour se maintenir au pouvoir, y compris la modification de la Constitution. Ce qui a pourtant été le cas au Congo Brazzaville. « L’Union Européenne n’a même pas voulu envoyer d’observateurs électoraux », preuve de ce simulacre électoral, souligne l’opposant. « Le problème incombe aux Congolais, conclut-il. A nous de faire ce qu’il faut. Ce n’est pas aux autres de le faire à notre place ». Il inclut dans la mobilisation les diasporas congolaises, en France comme ailleurs. « Mon message est clair : il faut qu’il parte ! »

 

Combatif mais responsable

 

Une détermination sans faille qui est celle d’un homme « combatif mais responsable », selon maître Éric Pantou, avocat au barreau de Paris, également opposant au régime congolais. « Même s’il vit en France depuis deux décennies, Benoît Koukébéné n’a jamais coupé contact avec son pays ». Aujourd’hui, plus que jamais, il se mobilise « pour une alternative crédible au Congo ». Et de conclure : « C’est un des acteurs majeurs de l’opposition politique congolaise ». Un homme déterminé à peser dans l’avenir de sa patrie.


 

Par Dounia Ben Mohamed

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