Tony Elumelu : vers un siècle africain
Les économies mondiales subissent une transformation profonde, et l'Afrique, riche de son potentiel, est appelée à jouer un rôle central dans ce nouvel ordre mondial. Portée par une jeunesse dynamique, des ressources naturelles abondantes et une révolution numérique en marche, l'Afrique pourrait devenir un moteur de croissance et d'innovation, un avenir à bâtir avec des partenariats équitables et respectueux, selon Tony Elumelu, Président de Heirs Holdings et fondateur de la Fondation Tony Elumelu.

Par Tony Elumelu, Président de Heirs Holdings et United Bank for Africa, et fondateur de la Fondation Tony Elumelu
Les économies mondiales connaissent une transformation profonde, façonnée par des changements géopolitiques, culturels, démographiques, technologiques et une dynamique commerciale volatile. Les certitudes anciennes ont disparu ; de nouvelles certitudes restent à émerger.
Trop souvent négligé, l’avenir du monde sera de plus en plus influencé par l’Afrique et les Africains
Où se situe l’Afrique dans ce nouvel ordre mondial ? L’Afrique, un continent riche en potentiel, avec sa population jeune, ses ressources naturelles et son esprit d’entreprise dynamique. Trop souvent négligé, l’avenir du monde sera de plus en plus influencé par l’Afrique et les Africains. Comment le monde peut-il s’associer à l’Afrique pour exploiter les immenses opportunités qui s’offrent à elle, pour un bénéfice mutuel et durable ?
La Banque africaine de développement prévoit une croissance moyenne du PIB africain de 4 % par an au cours de la prochaine décennie, principalement portée par l’entrepreneuriat et l’innovation. Avec un taux de pénétration d’Internet atteignant 45 % en 2023, l’Afrique connaît une révolution numérique, ouvrant de vastes perspectives de connectivité et de commerce. La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) vise à créer un marché unifié des biens et services sur tout le continent et, selon le FMI, devrait stimuler le commerce intra-africain de 52 % d’ici 2025. Les modèles commerciaux traditionnels, qui ont souvent exclu ou marginalisé l’Afrique, doivent évoluer. La ZLECA représente une étape décisive vers une redéfinition de la dynamique commerciale. En réunissant 55 pays au sein d’un marché unique de 1,3 milliard de personnes, la ZLECA pourrait ajouter 450 milliards de dollars au PIB africain d’ici 2035.
Cette initiative est essentielle pour mettre en place les infrastructures nécessaires à un développement accéléré. Rien qu’en 2022, les startups technologiques africaines ont levé un montant record de 5 milliards de dollars, un chiffre qui continue d’augmenter, témoignant du dynamisme du paysage entrepreneurial du continent. La technologie révolutionne le commerce et les économies d’une manière inimaginable il y a dix ans. Les innovateurs africains créent des solutions adaptées à nos défis spécifiques. Les plateformes de paiement mobile ont transformé les systèmes financiers, permettant à des millions de personnes d’accéder aux services bancaires. Les plateformes de commerce électronique brisent les barrières commerciales traditionnelles.
Ces statistiques illustrent l’immense potentiel que l’Afrique offre, notamment en matière d’entrepreneuriat, pilier de la croissance économique du continent. Les petites et moyennes entreprises (PME) représentent environ 80 % de l’emploi en Afrique, tandis que le secteur agricole a le potentiel de devenir une source majeure d’exportations alimentaires.
Pour exploiter pleinement ces opportunités, la croissance économique de l’Afrique doit être équitable
Cependant, pour exploiter pleinement ces opportunités, la croissance économique de l’Afrique doit être équitable : les Africains doivent tirer une réelle valeur de leur chaîne d’approvisionnement en matières premières en y participant, les obstacles aux exportations agricoles doivent être supprimés, l’impact du changement climatique reconnu par les pollueurs ; et inclusive : bénéficier aux femmes, aux jeunes et aux communautés marginalisées. Avec plus de 60 % de sa population âgée de moins de 25 ans, la jeunesse africaine représente un vaste réservoir de talents et de créativité. Pourtant, les femmes entrepreneures sont confrontées à des obstacles particulièrement importants pour accéder aux capitaux, aux marchés et aux réseaux, tandis que nos jeunes sont aux prises avec des taux de chômage élevés. Pour tirer pleinement parti de la technologie, nous devons nous attaquer à la fracture numérique. Les investissements dans les infrastructures à haut débit, la culture numérique et la cybersécurité sont essentiels pour garantir que la technologie stimule une croissance équitable. L’électricité doit atteindre les foyers et les entreprises africains.
La Fondation Tony Elumelu a démontré comment l’innovation et l’exécution peuvent transformer des vies, grâce à son approche unique de création d’une prospérité partagée, une approche qui a permis à des millions de personnes d’améliorer leur sort. Notre philosophie de l’africapitalisme incarne cette vision, soulignant le rôle essentiel du secteur privé, et notamment des entreprises africaines, dans le développement économique et social.
Depuis 2010, la Fondation Tony Elumelu a investi plus de 100 millions de dollars en financement direct pour concrétiser les projets de plus de 21 000 jeunes entrepreneurs africains sur tout le continent. Parmi ces bénéficiaires, 12 000 sont des femmes. Ces innovateurs ont créé plus de 800 000 emplois directs et indirects et généré plus de 4,2 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Grâce à notre plateforme numérique exclusive, TEFConnect, nous avons permis à 2,5 millions d’Africains d’accéder à la formation, et notre programme a contribué à sortir plus de 2 millions d’Africains de la pauvreté, démontrant ainsi le pouvoir transformateur des entrepreneurs africains.
Avec le catalyseur de l’entrepreneuriat, nous pouvons, ensemble, construire des économies résilientes capables de résister aux incertitudes mondiales et aux vents contraires nationaux
Notre initiative a démontré qu’avec le catalyseur de l’entrepreneuriat, nous pouvons, ensemble, construire des économies résilientes capables de résister aux incertitudes mondiales et aux vents contraires nationaux.
À la Fondation Tony Elumelu, nous avons non seulement investi, mais aussi noué des partenariats. Ces partenariats ont été fructueux, car ils ont reconnu la capacité d’exécution unique que nous avons créée et ont démontré qu’une approche africaine est souvent la meilleure approche pour le développement de l’Afrique. L’Afrique a besoin de davantage de partenariats, dans les domaines de l’énergie, des infrastructures et des ressources, mais pour que les partenariats mondiaux prospèrent, ils doivent être fondés sur des principes d’équité et de respect mutuel. Soutenir le commerce et l’entrepreneuriat africains doit être considéré comme un investissement dans la stabilité et la prospérité mondiales. Le modèle traditionnel donateur-bénéficiaire doit évoluer vers un modèle d’objectifs partagés et d’efforts collaboratifs.
Alors que nous nous tournons vers ce qui peut être, et sera démographiquement, un siècle africain, nous devons tous veiller à ce que la voix de l’Afrique soit entendue, que les besoins légitimes de l’Afrique soient satisfaits, que des partenariats soient établis de manière équitable et significative, et que l’entrepreneuriat, en tant que fondement de cet avenir brillant, prospère.
Source : World Government Summit