Edito : Révolution numérique en Afrique, nouveau moteur de la croissance africaine
Par Edith Brou, CEO Africa Contents Group/BuzzyAfrica.com
50% de la population Africaine a moins de 25 ans et la jeunesse rime avec innovation. Depuis plus d’une dizaine d’années, une énergie motrice et passionnelle, telle un rouleau compresseur, conduit la révolution numérique dans tous les secteurs d’activité sur le continent. De 4.514.400 utilisateurs en 2000, le continent africain est passé à 345.676.501 en 2017 (chiffres internet Worldstats), signe d’un énorme changement des habitudes et d’une maturité du marché africain.
Avec 81% de la population africaine abonnée au mobile, l’Afrique subsaharienne est la région la plus dynamique du monde en téléphonie. Le développement fulgurant du mobile money au détriment des usages bancaires en est la preuve palpable. De nombreux services se sont développés autour de ce nouveau secteur : envoyer de l’argent à quelqu’un, même dans des zones reculées du continent, payer ses factures, régler ses frais de transport. De nouveaux marchés s’ouvrent : l’assurance, l’épargne ou le micro-crédit… Ne dit-on pas que chaque problème d’un africain est une idée de business ?
Les startups africaines, moteur de cette révolution numérique
Cette révolution numérique est encore plus visible avec le foisonnement des startups qui proposent des solutions toutes plus innovantes les unes que les autres et qui facilitent la vie des populations africaines. En 2015, le nombre d’usagers de services bancaires mobiles en Afrique était évalué à près de 100 millions d’utilisateurs. Environ 12% des adultes détiendraient, en Afrique subsaharienne, un compte bancaire mobile qui n’est relié à aucun compte bancaire classique. Une véritable claque pour le secteur bancaire principalement dans cette région du monde. Mais nous sommes encore loin du cashless…
Les africains, longtemps privés des joies de l’accès au e-commerce, peuvent désormais, depuis leurs smartphones principalement, faire leurs emplettes dans une large gamme de choix. Cette facilité de paiement a d’ailleurs eu un effet de « booster » dans le développement du secteur. Eu égard aux nombreuses plateformes qui existent maintenant en Afrique. Avec Jumia devenue la première licorne de l’Afrique, Souq qui a obtenu des investissements de 275 millions de dollars et C-Discount qui a fermé ses opérations au Cameroun, au Sénégal et en Côte d’Ivoire, il va sans dire que 2017 sera une nouvelle année déterminante pour le développement du commerce électronique en Afrique.
La santé n’est pas en reste avec des initiatives numériques telles que Doctix (une startup basée au Mali et qui facilite la prise de RDV des patients chez leur médecin), WapiMed (une appli mobile qui est un portail multi-service), JokkoSanté (une appli mobile sénégalaise qui mutualise les besoins et disponibilités en médicaments de ses abonnés) ou encore Doctor Gratis (basée au Nigéria, une appli mobile de conseils médicaux). Des pays comme le Kenya ou le Rwanda expérimentent déjà le fonctionnement des villes intelligentes à travers l’usage des drones médicaux pour la livraison de poches de sang dans les zones rurales. Au niveau des états africains, la digitalisation semble être de plus en plus au cœur des préoccupations.
L’impact social est visible
Bien sûr quand la volonté politique y est, l’e-gouvernance s’installe dans les habitudes des citoyens africains pour qui le besoin a toujours été latent. Depuis Internet, on peut donc faire établir un extrait de naissance, demander un casier judiciaire, créer son entreprise ou payer ses impôts. Plus de file d’attente et donc du gain de temps. Et en la matière, des pays comme le Rwanda ou la Tunisie font figures de modèles à suivre et à copier.
Par exemple dans la capitale rwandaise, grâce à la plateforme très populaire « Kigali Permit System », les habitants peuvent accéder à l’ensemble de leurs services municipaux sur Internet parce que toutes les procédures ont été dématérialisées. Les administrés peuvent payer en ligne leurs impôts locaux, obtenir un permis de construire, un titre de propriété, un extrait de naissance, etc.
Tout ceci a d’ailleurs un impact sur le secteur de l’emploi car les besoins des entreprises en profils spécialisés dans le numérique et dans la technologie sont croissants. Une véritable « chasse » aux profils expérimentés est en cours. Chaque jour, je reçois des messages d’entreprises en quête de personnes expérimentées et jeunes dans ce secteur. Pour combler ce manque, de nombreuses formations et écoles sont disponibles dont le projet 10.000 codeurs de OBJIS, Simplon, SheIsTheCode et l’école ESATIC en Côte d’Ivoire, Webforce3 with Jokkolabs au Mali ou Ecole 42 en Afrique du Sud.
L’Afrique sera digitale ou ne sera pas !
Malgré tout ce chamboulement socio-économique et cet apparent dynamisme, des efforts restent encore à faire au niveau de la couverture internet, de l’accessibilité, des coûts, de la volonté politique dans nos pays africains. L’industrie du mobile a déjà transformé les sociétés et les économies de l’Afrique subsaharienne, mais il y a encore de la place pour davantage de croissance et d’innovation si les bonnes conditions sont réunies.
Pourtant avec environ deux milliards d’habitants vers 2030, il est probable que l’Afrique soit finalement cette locomotive de la croissance mondiale. Les défis à relever sont énormes mais la croissance est présente et perdure même avec la chute des cours du pétrole. Cette croissance, même si elle est inégalement répartie, touchera de plus en plus de monde et donnera plus d’impact à cette révolution numérique pour une amélioration notable du pouvoir d’achat des populations.
* Edith Brou, CEO Africa Contents Group/BuzzyAfrica.com, est aussi une Youtubeuse, Blogueuse et une web-activiste.
Auteur : Edith Brou // Photo : Edith Brou © DR