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Déclaration de Kampala sur le PDDAA : bâtir des systèmes agroalimentaires résilients et durables en Afrique

La Déclaration de Kampala sur le PDDAA, adoptée en janvier 2025, définit un plan pour une agriculture africaine durable et résiliente. Dr. John M. Ulimwengu, expert en développement agricole, analyse les enjeux clés de cette déclaration et plaide en faveur d’une action collective, de l’inclusivité et des investissements pour répondre aux défis futurs du continent.

Dr. John M. Ulimwengu*

Un plan pour la transformation agroalimentaire

L’Union africaine (UA) a franchi une étape décisive dans la résolution des défis agroalimentaires de l’Afrique avec la Déclaration de Kampala sur le PDDAA (Programme détaillé de développement de l’agriculture en Afrique). Annoncée lors du Sommet extraordinaire sur le PDDAA Post-Malabo, qui s’est tenu du 9 au 11 janvier dernier à Kampala, en Ouganda, cette déclaration constitue un plan directeur pour des systèmes agroalimentaires durables, résilients et inclusifs. Avec une population africaine qui devrait atteindre 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, la déclaration souligne l’urgence de moderniser les systèmes alimentaires pour répondre aux besoins croissants et aux défis environnementaux.

S’appuyer sur les stratégies précédentes

La déclaration s’appuie sur un héritage de stratégies agricoles, notamment la Déclaration de Maputo de 2003 et la Déclaration de Malabo de 2014, renforçant la vision à long terme de l’Afrique visant à transformer l’agriculture en moteur de croissance économique, de sécurité alimentaire et de durabilité. La Déclaration de Kampala élargit cette vision en intégrant des technologies de pointe, l’intégration régionale des échanges commerciaux et l’inclusivité pour relever les défis complexes du secteur agroalimentaire du continent.

Engagements pour transformer les systèmes agroalimentaires

La Déclaration de Kampala sur le PDDAA s’engage à augmenter la production agroalimentaire de 45 % d’ici 2035

La Déclaration de Kampala sur le PDDAA s’engage à augmenter la production agroalimentaire de 45 % d’ici 2035, à réduire de moitié les pertes post-récolte et à tripler les échanges commerciaux intra-africains de produits agricoles. Cette transformation s’aligne sur l’initiative de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), qui vise à renforcer le commerce et la coopération régionale. En mettant l’accent sur des pratiques agricoles durables, le renforcement des systèmes d’intrants et la promotion de l’innovation technologique, la déclaration vise à améliorer la productivité tout en préservant l’environnement. Ces mesures intégreront également les petits exploitants agricoles, les femmes et les jeunes dans les chaînes de valeur pour promouvoir une croissance équitable.

Accent sur l’investissement et le financement

Un objectif de mobilisation de 100 milliards de dollars d’investissements publics et privés d’ici 2035

Pour atteindre ses objectifs ambitieux, la déclaration met l’accent sur des investissements substantiels dans les systèmes agroalimentaires. Elle fixe un objectif de mobilisation de 100 milliards de dollars d’investissements publics et privés d’ici 2035. De plus, elle exige qu’au moins 10 % des dépenses publiques annuelles soient consacrées à l’agriculture, garantissant des réinvestissements dans les infrastructures, la recherche et le renforcement des capacités. Les partenariats public-privé joueront un rôle crucial pour stimuler l’innovation, améliorer l’accès aux marchés et encourager la croissance des entreprises agroalimentaires.

Priorité à la sécurité alimentaire et nutritionnelle

La déclaration donne également la priorité à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, visant à éliminer la faim dans tous les États membres de l’UA d’ici 2035. Elle s’engage à réduire de 25 % le retard de croissance, l’émaciation et l’obésité, tout en garantissant que 60 % de la population puisse se permettre un régime alimentaire sain. L’accent mis sur les cultures traditionnelles et indigènes, associé à des politiques de nutrition renforcées et à une sensibilisation des consommateurs, vise à lutter contre la malnutrition et à promouvoir des régimes alimentaires durables. Par ailleurs, les investissements dans la surveillance des maladies, les services vétérinaires et la pêche durable soulignent une approche holistique des systèmes alimentaires.

Promouvoir l’inclusivité et la croissance équitable

L’inclusivité est un thème central de la déclaration, qui vise à autonomiser les groupes marginalisés tels que les femmes, les jeunes et les populations vulnérables. D’ici 2035, elle prévoit de réduire de 50 % l’écart de rendement entre les hommes et les femmes agriculteurs et de garantir qu’au moins 30 % des femmes, des jeunes et des groupes vulnérables soient impliqués dans les chaînes de valeur agroalimentaires. L’accent mis sur l’accès aux ressources productives telles que les terres, le crédit et la technologie est complété par des initiatives qui créent des emplois résilients au climat, en particulier dans l’agriculture verte et les énergies renouvelables.

Renforcer la résilience des systèmes agroalimentaires

La résilience est au cœur de la déclaration, avec des engagements visant à ce que 30 % des terres agricoles soient sous gestion durable et 40 % des ménages protégés contre les chocs climatiques d’ici 2035. Les investissements dans la recherche agricole, les systèmes d’alerte précoce et les savoirs indigènes visent à renforcer la capacité du secteur à s’adapter aux défis climatiques et socio-économiques. En intégrant les stratégies de résilience dans les politiques nationales, la déclaration cherche à minimiser les perturbations et à protéger les moyens de subsistance.

Renforcer la gouvernance et la responsabilité

D’ici 2028, tous les États membres de l’UA et les Communautés économiques régionales (CER) intégreront la Déclaration de Kampala dans leurs plans nationaux

La gouvernance et la responsabilité sont des piliers fondamentaux de la mise en œuvre de la déclaration. D’ici 2028, tous les États membres de l’UA et les Communautés économiques régionales (CER) intégreront la Déclaration de Kampala dans leurs plans nationaux pour les systèmes agroalimentaires. L’adoption du processus d’examen biennal du PDDAA d’ici 2030 favorisera la transparence et la responsabilité mutuelle, garantissant que les progrès soient mesurés et partagés.

Un appel à l’action pour l’avenir agroalimentaire de l’Afrique

Une stratégie audacieuse et globale pour transformer les systèmes agroalimentaires africains en un modèle mondial de durabilité et de résilience

La Déclaration de Kampala sur le PDDAA représente une stratégie audacieuse et globale pour transformer les systèmes agroalimentaires africains en un modèle mondial de durabilité et de résilience. Cependant, atteindre ses objectifs nécessite un effort collectif des gouvernements, du secteur privé, de la société civile et des partenaires internationaux. Les États membres doivent intégrer ces engagements dans leurs politiques et investissements, tandis que le secteur privé est encouragé à stimuler l’innovation et le développement des marchés. Les partenaires de développement doivent aligner leur soutien technique et financier sur les priorités de la déclaration. Cette déclaration n’est pas seulement une feuille de route ; c’est un appel à l’action pour un avenir plus radieux. Elle répond aux besoins immédiats de sécurité alimentaire de l’Afrique tout en positionnant le continent comme un leader en matière de durabilité agroalimentaire mondiale, démontrant ainsi le pouvoir de la collaboration et de l’innovation pour relever des défis complexes.

* Dr. John M. Ulimwengu est chercheur principal à l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) (John M. Ulimwengu | IFPRI).

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