Côte d’Ivoire : le bilan du Fonds vert
La Côte d’Ivoire a bénéficié de deux financements internationaux pour s’adapter au dérèglement climatique. Avec le Fonds vert pour le climat, le recours à l’énergie solaire est ainsi compris dans le mix énergétique du pays. Pour profiter efficacement de cet investissement de l’Onu, les autorités ivoiriennes s’emploient à mieux former les ressources humaines.
Par Issiaka N’Guessan à Abidjan
Selon le Plan Directeur Production-Transport de Côte d’Ivoire Energies, l’entreprise nationale de production d’électricité, “les conditions d’ensoleillement sont très bonnes en Côte d’Ivoire avec un potentiel de plus de 1 900 kWh/m²”. Le pays prévoit l’installation de centrales solaires dans plusieurs villes dont Korhogo, Boundiali, Ferké, et Daoukro. Chacune de ces centrales produira entre 20 et 35 mégawatts (MW).
Selon le document de CI-Energies, consulté par ANA, 280 MW doivent être injectés dans le circuit électrique ivoirien en 2025. Ce chiffre atteindra 355 MW en 2030. “Ce potentiel solaire est exploitable dans tout le pays, bien qu’il soit meilleur au Nord” soutient le document qui indique que “les technologies de production d’énergie solaire sont caractérisées par une forte baisse des coûts depuis cinq ans. En conséquence, les projets d’énergie solaire sont de plus en plus compétitifs”.
100 milliards de dollars par an du Fonds vert pour pallier le déficit de moyens
Le Fonds vert pour le climat, officiellement lancé en 2011, constitue le principal mécanisme financier mondial, rattaché à la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Instrument de l’Accord de Paris, il est co-géré par les pays contributeurs et bénéficiaires. Il consiste à transférer des fonds de pays développés en direction de projets pour combattre les effets du dérèglement climatique dans les États les plus vulnérables.
La Côte d’Ivoire bénéficie actuellement du financement de deux plans. “Le PROMIR, un programme d’agriculture financé dans la région de la Mé, à Agboville, à hauteur de 10 millions de dollars. Le second est le programme national d’adaptation qui intègre l’adaptation dans les différents secteurs” explique Marcel Yao, responsable de la direction de la mobilisation des financements au ministère de l’Environnement et président du Réseau ouest-africain des experts africains pour les forêts, l’agriculture, l’énergie et le changement climatique (REFACC).
Ces investissements sont loin d’être suffisants. “Nous souffrons de ces changements climatiques mais nous n’avons pas assez de moyens pour nous adapter. Ce fonds a été mis en place pour que les pays puissent proposer des projets d’agriculture, de transformation de déchets, d’énergie renouvelable”. Le Fonds vert pour le climat doit atteindre 100 milliards de dollars par an.
“La culture de cacao et la plantation d’arbres sur un même territoire, c’est faisable”
La Côte d’Ivoire poursuit ses efforts d’adaptation avec la mise en place d’un nouveau programme agricole de production de cacao sans déforestation qui, de l’avis de l’expert “est tombé à pic”. Les enjeux pour le pays sont nombreux. “Nous sommes un pays agricole, premier producteur mondial de cacao. On ne peut pas faire l’agriculture sans pluie or cette pluie est favorisée par la forêt. L’idée de ce programme est de mixer les deux. La culture de cacao et la plantation d’arbres sur un même territoire, c’est faisable” explique-t-il..
“Nous sommes en train de regarder, au niveau du Fonds vert et du ministère des Eaux et forêts, comment construire un programme important en soutien à l’Etat ivoirien pour mettre en place ce programme cacao zéro déforestation sur tout le territoire. Afin que les petits producteurs soient accompagnés techniquement pour tripler leurs productions, réduire la pauvreté et aider le climat.”
S’adapter aux nouvelles technologies de production agricole
Mais la Côte d’Ivoire doit combattre d’autres fléaux. Le pays a connu une sécheresse qui a fortement impacté la production agricole mais aussi celle d’électricité, allant jusqu’à un rationnement dans la ville d’Abidjan. Pour faire face à ce genre d’aléa climatique, “des technologies existent, soutient Marcel Yao, elles sont testées au Burkina Faso et au Sénégal et permettent de donner l’information météo au producteur, à la radio, par téléphone.” En Côte d’Ivoire, fait-il savoir, “des discussions sont en cours avec la Sodexam (Société d’exploitation et de développement aéroportuaire, aéronautique et météorologique, NDLR) pour mettre ces informations climatiques à la disposition des cultivateurs à temps pour la saison de plantation. Ces projets entrent totalement dans le cahier des charges du Fonds vert, encore faut-il que les dossiers de candidature soient bien ficelés”.
Le manque de compétences affecte le recours au fonds vert
Marcel Yao estime que “ce fonds vert a été mis en place depuis une dizaine d’années mais malheureusement, le pourcentage de pays africains qui en bénéficient reste très faible.” Il explique que l’Afrique ne tire pas grand profit de ce fonds à cause d’un problème de capacités techniques. “Nous n’avons pas suffisamment de ressources humaines de qualité qui maîtrisent les rouages et critères de ces fonds vert.”
Pour traiter ce problème, le ministère de l’Environnement a été doté d’une direction de la mobilisation des financements, “dont les experts auront pour unique tâche la recherche et l’élaboration de dossiers.” Il recommande la formation de cadres dans chaque pays et le paiement de l’expertise pour pouvoir capter ces financements.
S’engager comme pour la Covid-19
Mais les blocages ne se concentrent pas seulement au niveau des organisations des services de l’État. Il faut aussi que les pays africains prennent conscience de la nécessité d’une action collective. C’est ce que plaide le docteur Andon N’Guessan Simon, spécialiste en géographie et en sciences de l’environnement. Conformément à la déclaration de la COP 26, “le temps est venu de passer à l’action comme tous et toutes se sont mobilisé(e)s pour la pandémie de COVID”. Il soutient, pour ce faire, la création d’un Secrétariat exécutif de mise en œuvre des résolutions. Le financement de ce secrétariat s’inscrit dans la ligne définie par la pré-COP 27, tenue à Kinshasa, en République Démocratique du Congo, “pour une action collective sur la mise en œuvre effective visant à tenir compte de l’adaptation et l’atténuation des impacts climatiques, du financement du climat et aux pertes et dommage sur l’environnement.”