
Par Mérième Alaoui, à Paris
En vingt ans, les parts de marché des entreprises françaises en Afrique ont été divisées par deux, passant de 10,6% en 2002 à 4,4 % en 2022, selon des estimations de la Coface (Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur). Dans le même temps, les importations africaines ont quadruplé, au bénéfice de pays émergents comme la Chine ou la Turquie. Certes, la France a perdu de son influence ; les chiffres le montrent. Mais le ministre français de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, le martèle : « Les entreprises françaises ne se retirent pas d’Afrique ». Une déclaration renouvelée dans une vidéo diffusée à l’occasion du rendez-vous Ambition Africa, les 17 et 18 octobre dernier, à Paris. Avec 1 800 inscrits, dont 300 entreprises françaises et 800 structures africaines, et plus de 2 000 rendez-vous BtoB revendiqués par l’organisateur Business France, le grand rendez-vous économique de la rentrée entre les deux rives de la Méditerranée a, en effet, tenu ses promesses.
La France, toujours par la voix de son ministre, souhaite se concentrer sur d’autres chiffres. Par exemple, le nombre de filiales d’entreprises françaises sur le continent qui s’élève aujourd’hui à 4 200. « Ce chiffre a été multiplié par deux en dix ans » précise Bruno Le Maire. Et ces filiales ont créé 500 000 emplois directs. Une nouvelle dynamique positive semble donc à l’œuvre entre le continent et la France ; davantage visible sur le terrain, loin de l’image propagée dans les médias et sur les réseaux sociaux. « Le traitement médiatique [de l’Afrique] qui est fait depuis la France est très déconnecté des réalités. (…) Il n’y a pas de sentiment anti-startup ou anti-entreprise française » estime Arnaud Floris, responsable pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre de Bpifrance (Banque publique d’investissement). Mohamed Diop, directeur régional pour l’Afrique subsaharienne d’Africa Global Logistique (AGL), nouvelle filiale de MSC, issue du rachat de Bolloré Logistics, confirme : « Le sentiment anti-français n’existe pas ». Mais, il ajoute, en guise de mise en garde : « La France doit améliorer l’accueil des étudiants africains en France. La plupart d’entre eux préfèrent aujourd’hui se diriger vers l’Amérique ».
Business France revendique 4,2 milliards d’euros de financement en 2022

Sans nier les difficultés liées aux crises politiques dans plusieurs pays ouest-africains et leur impact sur les relations d’affaires, les Français défendent une nouvelle stratégie. A commencer par la mise en place d’une « Team France export » dont les ambitions se concentrent sur l’Afrique. Business France compte douze bureaux à l’étranger et emploie quatre-vingts personnes, dont une majorité de personnels locaux, familiers du terrain. A travers ses partenaires référencés, le dispositif peut intervenir dans 31 pays. Son directeur général, Laurent Saint-Martin, affiche fièrement une activité en croissance : 3 000 entreprises ont été accompagnées l’an dernier.
Business France revendique 4,2 milliards d’euros de financement en 2022, soit la moitié de l’activité de l’Agence française de développement (AFD). La plupart de son réseau d’agences se concentre à l’étranger. Ce travail collaboratif se poursuit tout au long de l’année, selon le premier bilan de la plateforme en ligne Afrique France entrepreneurs. Pour répondre à l’objectif de développer des relations entrepreneuriales à long terme, des points de contact ont été mobilisés dans 44 pays africains. Le président français, Emmanuel Macron, qui souhaite mobiliser la diaspora, a annoncé, lors du forum méditerranéen de Marseille, le déblocage de 100 millions d’euros, dans le but de faciliter les réalisations de projets d’entreprises françaises entre les deux rives. Cette stratégie semble faire ses preuves : selon Bercy, les échanges commerciaux entre la France et les pays africains ont atteint 67 milliards d’euros l’an dernier.
Un nouvel élan français appuyé par les financements de l’Union européenne, à travers l’initiative « Global Gateway »
Ce nouvel élan français s’accompagne, sur le plan européen, de l’initiative « Global Gateway » qui prévoit une allocation de 300 milliards d’euros en faveur du développement d’infrastructures durables dans les pays en développement, dont la moitié sur le continent africain. D’après les estimations de la Banque africaine de développement (BAD), 100 milliards de dollars par an seraient nécessaires pour développer les infrastructures du continent.
« C’est le paradoxe. L’argent ne manque pas, mais il peine à être débloqué. Beaucoup de financiers sont prêts à investir. Ce qui manque, ce sont des projets d’infrastructures. Il en va de notre responsabilité collective de présenter des projets sérieux et d’organiser une filière pour offrir aux bailleurs de fonds, qu’ils soient publics ou privés, des garanties suffisantes » analyse Marc Debets, président d’APEXAGRI, cabinet de conseil pour le développement de filières agricoles. Pour se démarquer, il s’agit de privilégier le partenariat. « Il est important de rappeler que ces projets, ce ne sont pas des Européens qui doivent le faire, ni des Chinois, mais des Africains. Et cela nous y tenons absolument » précise-t-il. L’ouverture de la ZLECAf (zone de libre-échange continentale africaine), forte d’un PIB combiné de 3,4 milliards de dollars et d’un marché potentiel de 1,4 milliard de consommateurs, (ce qui en ferait la plus grande zone de libre-échange au monde depuis la création de l’Organisation mondiale du commerce) redistribue aussi les cartes. Pour accompagner ce nouveau souffle, Paris se donne comme objectif d’aider des entreprises africaines à s’implanter en France. Ainsi, le chocolatier ivoirien, Philippe Metch, directeur général de Pemms, travaille main dans la main avec BPIfrance pour ouvrir un premier point de ventes de ses confiseries, made in Côte d’Ivoire, en France d’ici la fin de l’année prochaine.