Global AI Summit on Africa : l’Afrique entre dans la conversation mondiale sur l’IA
Réunis à Kigali les 3 et 4 avril 2025 pour le tout premier Sommet mondial de l’IA sur l’Afrique, plus de 1 000 décideurs, entrepreneurs et experts ont exprimé une ambition forte : faire du continent un acteur clé de l’intelligence artificielle. Grâce à des annonces stratégiques, des messages politiques puissants et des partenariats historiques, l’Afrique entend rattraper son retard et passer du rôle d’observateur à celui de moteur de la révolution numérique.
Par Dounia Ben Mohamed, à Kigali
Pendant deux jours, Kigali est devenue la capitale africaine de l’intelligence artificielle. Le Sommet mondial de l’IA sur l’Afrique, tenu les 3 et 4 avril 2025, a marqué un tournant décisif dans l’ambition du continent de jouer un rôle de premier plan dans le développement mondial de l’IA. Plus de 1 000 participants venus de 45 pays – chefs d’État, ministres, chercheurs et innovateurs technologiques – se sont rassemblés autour d’une vision commune : façonner un avenir de l’IA ancré dans les réalités africaines.
L’Afrique ne doit pas être seulement un marché pour l’IA, mais un acteur actif

Dès la session d’ouverture, le président rwandais Paul Kagame a donné le ton : « L’Afrique ne doit pas être seulement un marché pour l’IA, mais un acteur actif. Pour y parvenir, nous devons bâtir des infrastructures solides, former nos populations et promouvoir une IA inclusive. »
Selon le Centre pour les politiques en matière d’IA et de numérique, l’Afrique ne représente que 0,1 % de la puissance informatique mondiale et moins de 5 % des talents en IA ont accès à des outils avancés. Pour prospérer à l’ère numérique, des décisions audacieuses sont nécessaires.
L’une de ces décisions est le partenariat historique entre le Rwanda et la Fondation Gates, officiellement lancé pendant le Sommet. Le « Rwanda Artificial Intelligence Scaling Hub », soutenu par un engagement de 7,5 millions de dollars sur trois ans, accompagnera le déploiement responsable des technologies d’IA à travers le continent. « Nous commençons avec trois secteurs clés : la santé, l’agriculture et l’éducation », a déclaré la ministre rwandaise Paula Ingabire. « Nous voulons prouver que l’IA peut être un outil de transformation sociale, même dans des environnements à faibles ressources. »
Le PNUD défend une IA inclusive portée par les talents africains

Une vision partagée par les institutions internationales, notamment le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), qui œuvre pour que l’essor de l’intelligence artificielle en Afrique reste inclusif, éthique et ancré dans les réalités locales.
Fatmata Sesay, représentante résidente du PNUD au Rwanda, a souligné les priorités de l’agence : « Le PNUD travaille avec les gouvernements pour soutenir une gouvernance efficace de l’IA, encourager la participation citoyenne aux politiques numériques et développer une expertise locale sur les technologies d’IA et leurs garde-fous. »
Jennifer Louie, experte en fiabilité et sécurité de l’IA au PNUD, a insisté sur la nécessité d’une action conjointe : « L’urgence d’une action collective pour combler les inégalités dans l’IA passe par des mesures proactives, anticipatives et adaptatives. »

Pour Natalie Jabangwe, directrice générale de Timbuktoo Africa, une initiative du PNUD qui soutient les jeunes entrepreneurs et innovateurs à travers la région, l’avenir de l’Afrique réside dans sa population : « Les plus grands atouts de l’Afrique sont ses talents, ses produits innovants et ses plateformes dynamiques. » Elle ajoute : « Timbuktoo entend placer la jeunesse au cœur du développement et de l’adoption des technologies émergentes comme l’IA, tout en soutenant continuellement leur innovation et leur contribution au progrès du continent. »
En marge du sommet, Amandeep Gill, envoyé du secrétaire général de l’ONU pour la technologie, a visité le Hub Timbuktoo HealthTech à Kigali, où il a rencontré de jeunes innovateurs. « En rassemblant les forces pour répondre aux défis clés de l’Afrique, Timbuktoo incarne fièrement les idéaux des Nations Unies », a-t-il déclaré. « Avec des plateformes comme Timbuktoo, et les bonnes politiques pour protéger les droits des citoyens, l’IA peut être exploitée comme un outil puissant pour bâtir des sociétés inclusives et prospères. »
L’initiative Timbuktoo, dirigée par le PNUD en partenariat avec les gouvernements africains et le secteur privé, vise à devenir le plus grand programme mondial de soutien à l’écosystème de l’innovation en Afrique, en autonomisant les jeunes à travers des hubs technologiques, des programmes d’entrepreneuriat et des passerelles entre startups, investisseurs et leaders industriels mondiaux.
Une IA éthique
Mais le Sommet de Kigali n’était pas uniquement centré sur la technologie et l’infrastructure. Il a également été un lieu de réflexion éthique et politique. De nombreux intervenants ont mis en garde contre les dangers d’une IA entraînée sur des ensembles de données ignorant les contextes africains, au risque d’accentuer les inégalités et les biais. « Si nous n’écrivons pas nos propres algorithmes, d’autres le feront – et ils y intègreront des biais que nous ne maîtrisons pas », a alerté Nanjira Sambuli, experte kényane en droits numériques et gouvernance de l’IA.
Notre jeunesse doit être capable de développer des startups d’IA, d’acquérir les compétences nécessaires et de créer des entreprises
Le Sommet s’est conclu sur un appel fort à la coopération panafricaine et à l’élaboration d’un cadre réglementaire commun. L’Union africaine s’est engagée à présenter une charte continentale sur l’IA avant la fin de l’année. « Notre jeunesse doit être capable de développer des startups d’IA, d’acquérir les compétences nécessaires et de créer des entreprises. Le continent africain doit aller de l’avant dans l’adoption de politiques de développement, en particulier en matière d’intelligence artificielle, avec les ressources disponibles”, a déclaré Mahamoud Ali Youssouf, président de la Commission de l’Union africaine (UA).