Nardos Bekele-Thomas “La présidence sud-africaine du G20 : un catalyseur pour le développement de l’Afrique”
Face aux crises mondiales, la présidence sud-africaine du G20 représente une occasion unique pour l'Afrique d'influencer l'agenda international. Nardos Bekele-Thomas, PDG de l'AUDA-NEPAD, souligne l'importance de cette présidence pour mobiliser des financements, accélérer la transition énergétique et renforcer l'intégration régionale.

Par Nardos Bekele-Thomas*
Le monde se trouve à un tournant critique, confronté à une incertitude, à des fluctuations et à des polycrises sans précédent. Le changement climatique, l’inflation, l’escalade des vulnérabilités liées à la dette, le démantèlement du multilatéralisme, le protectionnisme et la montée des tensions mondiales convergent pour menacer la stabilité mondiale.
Au milieu de ce chaos, la présidence sud-africaine du G20 offre l’occasion de façonner l’agenda mondial et d’obtenir l’engagement des économies puissantes à s’attaquer aux problèmes critiques communs ayant des impacts différenciés, qui affectent injustement les pays en développement.
L’Afrique est particulièrement vulnérable à ces chocs mondiaux
L’Afrique est particulièrement vulnérable à ces chocs mondiaux. L’inflation persistante, l’endettement insoutenable et les dépréciations monétaires sont aggravés par des conflits tels que ceux qui secouent la République démocratique du Congo et le Soudan, ce qui suscite des inquiétudes quant à l’instabilité régionale. Plus d’un tiers des pays africains sont en situation de surendettement ou à haut risque de l’être, avec des taux d’inflation continentaux s’élevant en moyenne à 13,9 % l’an dernier.
Le changement climatique demeure une menace existentielle, l’Afrique étant la plus touchée par les phénomènes météorologiques extrêmes malgré sa faible contribution aux émissions de gaz à effet de serre. L’imposition de taxes sur le carbone amplifiera les vulnérabilités liées à la dette, tandis que l’absence d’un prix uniforme du carbone et la faible rentabilité des projets de compensation carbone dans les pays en développement compromettent les efforts de transition vers des sources d’énergie durables.
Les promesses non tenues et les engagements creux de la COP sapent l’engagement en faveur de la solidarité mondiale. L’option des gains à court terme menace l’existence humaine et va à l’encontre des principes d’une vie pleine de sens : la solidarité pour un avenir durable.
« Solidarité, égalité, durabilité »
Pour relever ces défis, la présidence sud-africaine du G20, première présidence africaine du G20, a adopté le thème « Solidarité, égalité, durabilité ». Les priorités de la présidence sont la solidarité, l’égalité et le développement durable, avec comme objectifs de révision les processus du groupe, la gestion du financement du développement et la lutte contre les obstacles à la croissance dans les pays en développement, notamment ceux d’Afrique.
Ces priorités sont déjà articulées dans le programme de développement de l’Afrique, l’Agenda 2063, et sont au cœur du deuxième plan décennal de mise en œuvre de l’agenda adopté par les chefs d’État africains lors de leur sommet annuel en 2024. Cela réaffirme l’idée que la présidence sud-africaine du G20 est ancrée dans un véritable agenda africain.
Nous en sommes maintenant à trois mois de la présidence sud-africaine et la dynamique prend forme, avec plusieurs réunions rassemblant déjà des dirigeants mondiaux.
Le rôle de l’AUDA-NEPAD : catalyser la coopération régionale et promouvoir les transformations axées sur l’innovation dans les quatre priorités que l’Afrique du Sud a définies pour elle et pour la présidence africaine du G20
Il ressort clairement de ces discussions que les institutions africaines doivent jouer un rôle crucial pour traduire les déclarations politiques en actions concrètes qui apporteront des avantages tangibles aux Africains. À cet égard, le rôle de l’Agence de développement de l’Union africaine-Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (AUDA-NEPAD), la principale agence de développement de l’UA, devient d’une importance cruciale, en mettant l’accent sur la mise en œuvre, la coordination du paysage du développement et la mobilisation de partenariats pour le développement.
Le travail que l’agence mène à travers le continent recèle un grand potentiel pour catalyser la coopération régionale et promouvoir les transformations axées sur l’innovation dans les quatre priorités que l’Afrique du Sud a définies pour elle et pour la présidence africaine du G20.
Par exemple, en ce qui concerne la transition énergétique, notre agence reconnaît que le développement de l’Afrique nécessite un engagement en faveur de l’énergie propre. Parmi les nombreux domaines d’intérêt de cette priorité, l’AUDA-NEPAD utilise sa position stratégique en tant qu’interface technique du continent avec les partenaires mondiaux pour soutenir le transfert de technologie des pays développés et permettre la transition du continent vers des sources d’énergie durables.
La collaboration de l’AUDA-NEPAD avec la Banque africaine de développement pour établir la Mission 300, qui vise à mobiliser des financements pour des projets d’énergie propre essentiels sur tout le continent et à fournir de l’électricité à 300 millions de personnes d’ici 2030, en est un parfait exemple. Son objectif est d’accroître la capacité de production d’électricité de l’Afrique et de développer des actifs énergétiques propres.
Cela pourrait contribuer à diversifier le secteur énergétique, à attirer les investissements et à garantir une croissance respectueuse de l’environnement.
Les principaux projets du Plan directeur continental et du Programme de développement des infrastructures en Afrique visent à promouvoir l’intégration des infrastructures des réseaux régionaux et le développement des énergies propres.
Dans le cadre du développement des infrastructures continentales, catalyseur de l’intégration régionale, l’Initiative présidentielle des champions des infrastructures (PICI), présidée par le président Cyril Ramaphosa, a pour objectif principal d’accélérer la mise en œuvre de grands projets d’infrastructures transfrontalières par l’intermédiaire des chefs d’État et de gouvernement.
Le partenariat entre l’AUDA-NEPAD et l’Organisation mondiale de coopération et de développement pour l’interconnexion énergétique accélère la transition de l’Afrique vers les énergies renouvelables et réduit sa dépendance aux combustibles fossiles. Entre autres objectifs, nous travaillons ensemble pour mobiliser des financements pour des projets d’énergie verte, mener des études conjointes sur les infrastructures énergétiques essentielles et renforcer les capacités de nos pools énergétiques régionaux pour une meilleure planification énergétique.
Nous sommes également engagés, à travers nos programmes et nos divers partenariats, dans le cadre des priorités de la présidence sud-africaine du G20.
Augmenter la finance
Pour avoir un impact sur ces quatre priorités, nous devons augmenter le financement. La création du Fonds de développement de l’UA, un mécanisme stratégique visant à mobiliser un financement durable en mobilisant des investissements des secteurs public et privé, témoigne d’un engagement clair en ce sens. Lancé pour coordonner et intégrer les efforts des communautés économiques régionales et des institutions de l’UA, Team Africa aligne plus de 300 initiatives régionales à fort impact, évaluées à plus de 500 milliards de dollars.
Le succès de la présidence sud-africaine du G20 dépend de la capacité des pays africains à traduire leurs engagements en actions concrètes. L’AUDA-NEPAD est particulièrement bien placée pour diriger cette phase de mise en œuvre, en fournissant des services de conseil fondés sur des connaissances techniques et des données probantes, en coordonnant les efforts de coopération au développement et en favorisant la collaboration régionale.
La nécessité d’une appropriation africaine
En fin de compte, la durabilité de ces efforts dépend de la capacité de l’Afrique à s’approprier et à diriger son propre programme de développement, en l’orientant vers la destination souhaitée. Le destin de l’Afrique ne peut pas être continuellement modifié en fonction de l’évolution de son positionnement géopolitique, uniquement en fonction des intérêts extérieurs. L’avenir du développement de l’Afrique repose sur la force et l’efficacité de ses institutions telles que l’AUDA-NEPAD, la Zone de libre-échange continentale africaine, le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs, les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies et l’Agence africaine des médicaments, qui doivent naviguer dans les complexités de la gouvernance mondiale, des polycrises et des changements de paradigme pour forger un avenir plus équitable, durable et résilient pour le continent.
L’Afrique s’est engagée à transformer ses immenses ressources naturelles et humaines en richesses, à gérer le processus de transformation vers une prospérité durable et à mettre fin à la pauvreté. La collaboration du G20 et la solidarité mondiale sont devenues plus impératives que jamais.
* À propos de l’auteur : Nardos Bekele-Thomas est PDG de l’AUDA-NEPAD.