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Tribune Fonds de crédit et banques : les deux font la paire


En pleine croissance, les fonds de crédit apportent des formules de financement susceptibles d’élargir le champ des possibilités offertes aux PME du continent. Une approche souple et sur-mesure qui, loin de concurrencer le financement bancaire traditionnel, pourrait au contraire compléter opportunément celui-ci, plaide le financier Sidoine Viagbo.    

Par Sidoine Viagbo, Directeur général adjoint d’Enko Capital West Africa

L’accès au crédit demeure une vraie problématique pour les petites et moyennes entreprises (PME) sur le continent. Les banques locales ont en effet une préférence pour le financement des entreprises matures et présentant un certain niveau de garantie, ainsi que pour le financement de la dette publique. En conséquence, cela crée un accès au crédit très difficile pour les PME, avec des taux très élevés et des conditions tout aussi rigoureuses. Ces entreprises partent donc avec un handicap important, qui peut potentiellement obérer leur croissance. Ce phénomène est encore plus perceptible dans le secteur des matières premières agricoles avec des PME locales qui ont du mal à trouver des financements, alors qu’elles sont en mesure de boucler des contrats avec des acheteurs finaux internationaux, mais sont en manque de capitaux pour se procurer la marchandise et assurer leur fonds de roulement.

« 36% des demandes de financement du secteur agricole sont rejetées par les institutions bancaires locales en raison de la solvabilité de leur promoteur »

En tant que fonds d’investissement, la stratégie d’Enko Capital s’inscrit dans une démarche alternative au financement bancaire classique, qui obéit à des critères souvent perçus comme « rigides » par nombre de petites structures entrepreneuriales, encore peu formalisées. De quoi sans doute expliquer qu’en Afrique, et selon les données de la Banque Africaine de Développement, 36% des demandes de financement du secteur agricole sont rejetées par les institutions bancaires locales en raison de la solvabilité de leur promoteur ; 30% pour manque de garanties suffisantes ; 11% pour cause de limite à un débiteur unique ; 9% en raison de leur incapacité à fournir des devises étrangères ; 8% pour manque de crédibilité bancaire ; 6% en raison de la taille du bilan. Dans le cas du Trade Finance par exemple, le déficit de financement au niveau de l’Afrique subsaharienne est de l’ordre de $20 milliards, selon les estimations de la Banque Mondiale. 

Des financements réalisés sur mesure

Les banques sont incapables de combler ce déficit, pour les raisons invoquées ci-dessus. Or, 36% des transactions rejetées par les banques pourraient être financées par des institutions financières alternatives et combler ce déficit de financement permettrait de débloquer les échanges commerciaux potentiels de milliers de PME. Il y a une perception du Trade finance comme étant à haut risque alors que les résultats montrent que le risque de défaut reste faible. En comparaison, les formules de financement proposées par les fonds de crédit lorsqu’elles financent les matières premières sont souvent plus adaptées et réalisées sur mesure pour les PME, sur une base purement transactionnelle. Idem pour les horizons temps où, là encore, le maître-mot est la souplesse avec un financement gagé sur des stocks de matières premières existantes ou à venir.

« Une synergie pourrait être mise en place avec les fonds pendant les périodes de crise afin d’acter de manière définitive ce nouveau « business model » de financement des TPE/ PME du secteur agricole »

Ces deux sources de financement (banques et fonds de crédit) ne devraient cependant pas être vues comme concurrentes. Structurées différemment, elles sont d’abord et avant tout, complémentaires. La période actuelle, faite d’incertitudes nées dans le sillage de la crise du Covid-19, est à cet égard un moment particulièrement opportun pour rappeler que banques et fonds de crédit auraient tout intérêt à travailler main dans la main, en capitalisant sur leurs forces respectives. À la différence des banques, les fonds de crédit n’ont pas la possibilité d’obtenir des refinancements auprès des banques centrales. Cette situation a limité leur marge de manœuvre en période difficile, comme ce fut le cas au plus fort de la crise sanitaire. La solution idéale serait donc que les établissements traditionnels de crédit comblent le « retrait » relatif des fonds alternatifs en cas de crise, en utilisant à bon escient les liquidités mises à leurs dispositions par les banques centrales, pour prêter plus vigoureusement aux TPE/PME, en besoin criant de financement. A défaut, l’épargne interne devrait jouer pleinement son rôle et permettre aux fonds de crédit de mobiliser des capitux au sein même de l’Afrique. 

Synergie entre banques et fonds de crédit

Le continent a l’avantage d’avoir une population en forte croissance avec l’apparition d’une classe moyenne, en quête de produits financiers et soucieuse de constituer une épargne pour le long terme, permettant le financement des économies africaines grâce à l’essor des PME et du secteur privé, créant de la sorte une augmentation du revenu des ménages.

Une synergie pourrait être mise en place avec les fonds pendant les périodes de crise afin d’acter de manière définitive ce nouveau « business model » de financement des TPE/ PME du secteur agricole. Les banques bénéficieraient de facto de l’expérience des fonds avec ce type de clientèle (connaissance clients, origination et structuration des transactions) ce qui conduirait à un meilleur partage du risque, avec une participation substantielle des banques dans les transactions. En outre, s’associer avec des banques locales et internationales bien connues pour fournir de la dette/cofinancement de premier rang sur des transactions sélectionnées peut s’avérer bénéfique pour les deux parties (banques et fonds). Quant aux fonds, en investissant de concert avec les banques, ils bénéficieraient de la capacité d’origination de celles-ci ainsi que de leur expertise en matière d’investissement, et de contrôle opérationnel et financier.

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