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Sérgio Pimenta, vice-président d’IFC : “l’économie verte crée de la richesse et des opportunités pour les entreprises africaines”

La 28eme Conférence des parties sur le climat, ou COP 28, se tient jusqu’au 12 décembre aux Émirats arabes unis. Aux côtés des Etats, des institutions internationales, comme le groupe Banque mondiale, plaident pour une plus grande implication du secteur privé et des femmes. Explications avec Sérgio Pimenta, vice-président régional pour l’Afrique de la Société financière internationale (IFC) qui, au sein du groupe Banque mondiale accompagne les projets de développement portés par le secteur privé.

Propos recueillis par Dounia Ben Mohamed

Vous participez à la COP 28. Quels sont les enjeux de cette conférence pour IFC, et pour l’Afrique plus globalement ?

Ces réunions sont toujours très intéressantes. Elles permettent de poursuivre les discussions avec nos partenaires de développement, les entreprises privées, de maintenir un dialogue permanent avec la société civile, très présente, et puis, aussi de découvrir des jeunes entrepreneurs avec de nouvelles idées, de nouvelles solutions. C’est toujours intéressant de voir les innovations de par le monde.

IFC arrive à la COP 28 avec plusieurs objectifs à son agenda. D’abord, celui de poursuivre le dialogue avec le secteur privé. Beaucoup de chiffres circulent sur les besoins pour contrer les effets du réchauffement climatique. Ces financements ne peuvent pas être uniquement portés par le secteur public. Nous voyons un rôle de plus en plus clair pour le secteur privé. A Dubaï, nous plaidons pour cela.

Le deuxième objectif, c’est de renforcer les partenariats. Renforcer ceux que nous avons déjà développés, mais aussi en trouver de nouveaux, de manière à ce que de plus en plus d’acteurs participent aux solutions climatiques. L’ampleur des défis est telle qu’une seule partie n’apportera pas toutes les réponses. Tout le monde doit travailler ensemble. Il faut réfléchir à des partenariats public-privé pour sécuriser les financements, par exemple avec les financements mixtes, qui comprennent un soutien public et qui permettent de réduire le risque sur certains projets et de faire des propositions plus attractives pour le secteur privé.

Cela est d’autant plus important en Afrique. Toutes les solutions que nous voyons dans le monde peuvent être développées sur le continent. Mais parfois, notamment dans les plus petits marchés où il est plus difficile de travailler à grande échelle, il faut un plus grand soutien financier pour amener ces solutions. Notre présence à la COP 28 nous permet d’avancer sur ces sujets.

La question du financement est au cœur des échanges. Comment l’IFC souhaite mobiliser le secteur privé ?


Ce n’est pas un sujet nouveau. Un consensus émerge autour du rôle que doivent jouer les entreprises. De plus en plus d’entre elles commencent à inscrire le changement climatique à leur agenda. Beaucoup d’initiatives – décarbonation des industries manufacturières, financements verts, transition énergétique – sont portées par le secteur privé. Mais il ne faut pas nous diviser entre privé et public, société civile, etc.

De nombreuses possibilités existent pour verdir et améliorer la production agricole en Afrique

Les pays africains ont clairement exprimé leurs attentes lors de la Déclaration de Nairobi. Comment l’IFC répond-t-elle à leurs besoins ?

La rencontre de Nairobi était une réunion préparatoire importante pour la COP 28. Elle a conduit à la Déclaration de Nairobi qui propose des pistes et des recommandations à suivre. A Dubaï, j’ai participé à la réunion de l’Africa Green Investment Initiative, l’initiative Afrique pour les investissements ‘verts’, lancée à Nairobi, avec plusieurs chefs d’États africains, des leaders de différents secteurs, d’institutions multilatérales. Le message de Nairobi a été transmis et amplifié. Il y a une volonté très forte des gouvernements africains de se saisir de la question climatique et d’apporter leurs propres solutions. Il n’est pas question de s’isoler du monde mais d’intégrer les partenaires internationaux à ces solutions africaines afin de profiter pleinement des opportunités offertes par la révolution verte.

IFC travaille beaucoup sur les chaînes de valeur des économies régionales et locales africaines. Avec la pandémie, ce mouvement s’est accéléré. Il s’agit désormais de s’intéresser à ce qui produit de la richesse dans l’économie verte et aux opportunités qu’elle offre pour les entreprises africaines. Plusieurs exemples peuvent être cités, celui des minerais africains, notamment. Il a été rappelé, lors de la réunion de l’Africa Green Investment Initiative, qu’un grand nombre de minerais qui composent un smartphone viennent du continent africain, mais aussi que très peu sont transformés sur place. On peut créer beaucoup plus de valeur sur le continent en produisant des batteries, des panneaux solaires, à partir de ces ressources. C’est une vraie opportunité verte, qui est devant nous et que nous devons saisir.

Autre exemple, dans la filière agricole. Il faut regarder comment la rendre plus écologique, plus intelligente. C’est l’idée de ‘smart agriculture’, encore une fois pour créer davantage de valeur sur le continent, notamment en utilisant de nouvelles technologies pour l’irrigation ou pour le partage des données. Dans l’utilisation intelligente des engrais, par exemple, nous avons une initiative, avec le groupe OCP (NDLR : Office chérifien des phosphates) au Maroc. De nombreuses possibilités existent pour verdir et améliorer la production agricole sur le continent africain. Ensuite, il ne s’agit pas que d’augmenter les volumes : faisons de la transformation sur place ! L’IFC soutient les secteurs de la noix de cajou, en Côte d’Ivoire, du thé au Kenya, du secteur bovin à Madagascar, par exemple. En regardant le développement sous l’angle climatique, d’énormes opportunités se présentent pour le continent. Et je suis très heureux d’entendre les chefs d’Etat africains prendre cette direction. Nous, nous sommes prêts à les soutenir.

La convergence des enjeux climatiques et de genre nous semble fondamentale

Pouvez-vous nous citer une solution portée par l’IFC pour soutenir l’économie verte et les petites et moyennes entreprises (PME) qui travaillent dans ce secteur en Afrique, un exemple de projet et de son impact ?

Nous sommes très actifs en Afrique. Pour l’année fiscale 2023, nous avons investi 11,6 milliards de dollars, sur plus de 100 projets et dans 40 pays africains – un record historique. J’ai beaucoup d’histoires à vous raconter. Je n’en retiendrai qu’une, importante, dans le contexte de la COP, et annoncée ici à Dubaï, avec beaucoup d’excitation. Après avoir lancé le programme She WINS Arabia il y a deux ans, avec l’idée de soutenir des projets portés par des femmes, nous avons créé She WINS Africa, en juin dernier. A la COP 28, nous avons dévoilé une initiative globale, She WINS Climate. L’approche reste la même : il s’agit d’aider des femmes entrepreneurs, dont l’activité peut avoir un impact climatique très fort, dans leur effort pour développer leur entreprise. Cela prend la forme d’un programme annuel avec un concours à l’issue duquel nous sélectionnerons plusieurs entreprises à soutenir, dans différents pays et marchés émergents dans lesquels nous travaillons. En pratique nous allons travailler avec des incubateurs, des accélérateurs et des fonds de capital-risque, pour avoir un soutien au bénéfice de femmes entrepreneurs – avec, à la clé, des financements pour leurs entreprises. L’Afrique est championne du monde de l’entrepreneuriat féminin mais c’est aussi l’endroit où se trouve le plus grand écart de financement entre les hommes et les femmes.

La convergence des enjeux climatiques et de genre nous semble fondamentale. On ne peut pas résoudre les questions de climat avec seulement la moitié de la population mondiale. C’est pourquoi, nous mettons l’accent sur les femmes quand il s’agit du climat. L’implication des femmes garantit d’avoir un impact plus fort.

En savoir plus :  

https://www.ifc.org/en/where-we-work/africa#press

https://unfccc.int/fr/cop28

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