PME : les invisibles du numérique frappent à la porte de l’intelligence artificielle
Lors du GITEX Africa 2025 à Marrakech, un constat s’impose : les PME africaines, qui constituent pourtant la colonne vertébrale de l’économie du continent, restent largement exclues de la révolution numérique, et plus encore de l’essor de l’intelligence artificielle. Une double invisibilité que certains veulent briser, à condition d’ouvrir enfin les projecteurs au-delà des capitales.

À Marrakech, au cœur du tumulte high-tech du GITEX Africa, les grandes plateformes numériques, les champions de l’IA et les startups les plus en vue rivalisent de promesses et d’innovations. Mais loin des scènes éclairées, une question persiste : où sont les petites et moyennes entreprises (PME) venues des régions rurales ou des villes secondaires d’Afrique ? Et surtout, comment les inclure dans cette révolution numérique qui redessine l’économie mondiale ?
Un potentiel économique immense, encore marginalisé
Les PME représentent plus de 90 % des entreprises en Afrique et génèrent environ 80 % des emplois. Pourtant, elles sont encore les grandes oubliées des politiques de digitalisation. « L’IA permet d’automatiser les processus métiers et de diffuser les connaissances à grande échelle », ont rappelé les experts réunis autour du thème « La révolution de l’IA : accélérer l’adoption par les PME ». Mais dans les faits, cette promesse reste hors de portée pour de nombreuses entreprises locales.
Entre l’absence d’infrastructures, le manque de financement et le déficit de visibilité, ces “invisibles du numérique” peinent à franchir le cap technologique.
Une révolution numérique inégalitaire
L’adoption de l’intelligence artificielle par les PME africaines se heurte à plusieurs obstacles structurels : coût des outils, accès inégal à Internet, infrastructures informatiques limitées, manque de formation. La majorité des incubateurs sont concentrés dans sept grandes villes africaines, et moins de 10 % des fonds tech levés en 2024 ont bénéficié à des start-ups situées hors des capitales.
« Le problème, ce n’est pas seulement la localisation, c’est la visibilité. Or ces start-ups régionales n’ont pas les moyens de se faire connaître », analyse un représentant de fonds d’investissement.
Gitex, vitrine technologique… mais encore trop élitiste
Pour beaucoup, Gitex Africa reste un rendez-vous dominé par les capitales comme Nairobi, Casablanca ou Lagos. « Les stands coûtent cher, les places sont limitées, et la majorité des exposants viennent des grandes métropoles », reconnaît un organisateur. Si certains pays ont réussi à envoyer quelques représentants des régions, cela reste marginal.
Face à cette critique, des initiatives émergent : la Fédération APEBI, avec son Village numérique installé sur 510 m², a tenté de redonner de la place aux PME marocaines, en mettant en avant une cinquantaine d’acteurs du digital. Son programme PME TECH EXPORT vise à accompagner 20 entreprises à fort potentiel vers l’international. Une approche que beaucoup aimeraient voir se généraliser à l’échelle continentale.
Former, accompagner, sécuriser
Pour rendre cette révolution inclusive, trois leviers sont identifiés : l’éducation, la confiance et l’accompagnement. « L’un des freins majeurs est le manque d’information sur les possibilités concrètes offertes par l’IA », rappellent plusieurs experts. Des campagnes de sensibilisation ciblées, une offre de formation adaptée et un meilleur encadrement réglementaire sont nécessaires.
La question de la cybersécurité, elle aussi, inquiète. « Il y a une véritable incertitude entourant les risques liés à l’IA, notamment à la sécurité des données », ont alerté les panélistes. Or sans un environnement numérique sécurisé, les PME hésitent à adopter ces nouvelles technologies.
Une Afrique numérique à deux vitesses ?
L’ambition d’un continent tourné vers la technologie est bien là, comme en témoigne la forte participation internationale au GITEX Africa 2025. Mais pour que cette ambition ne devienne pas un miroir aux alouettes, il faudra aller chercher l’innovation là où elle existe déjà, parfois dans l’ombre, portée par des entrepreneurs obstinés, loin des projecteurs.
Ces PME régionales n’attendent plus qu’une chose : être écoutées, formées, connectées… et surtout financées.
Encadré – Quelques chiffres à retenir :
- Moins de 10 % des fonds tech levés en Afrique en 2024 ont été captés par des start-ups hors capitales.
- 80 % des incubateurs sont concentrés dans 7 villes africaines.
- À Gitex Africa 2024, moins de 15 % des exposants venaient de villes secondaires.