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Carrefour du commerce maritime mondial

Au cours des deux dernières décennies, Djibouti a investi massivement dans la construction de nouveaux ports et la modernisation des infrastructures existantes. Grâce à la mise en œuvre de la Zone Franche de Djibouti (DIFTZ) et les chantiers en cours, le pays s’impose comme la plateforme commerciale et logistique de la Corne de l’Afrique. Et entend le rester.

Un terminal de gaz naturel liquéfié, une zone d’activité, des chantiers de réparation navale, un terminal pétrolier, un aéroport international, de nouvelles lignes ferroviaires reliant la capitale djiboutienne aux principaux axes commerciaux régionaux… Si la pandémie du Covid 19 et la guerre en Ukraine ont perturbé les échanges commerciaux et bouleversé les chaînes d’approvisionnement, cela est loin d’avoir ralenti les ambitions djiboutiennes. Au contraire, le pays y a vu l’opportunité de confirmer son positionnement de centre commercial et logistique et d’accélérer sa stratégie de modernisation de ses infrastructures portuaires, autour des zones franches. 

Situé à l’entrée du détroit de Bab-el-Mandeb, Djibouti et ses ports, par lesquels transitent près de 2 500 navires, doté de six terminaux en opération et d’un réseau ferroviaire transfrontalier, officie comme connecteur régional. Son économie repose en grande partie sur la fourniture de services maritimes aux nations voisines, à savoir l’Éthiopie et la Somalie. Mais désormais, il affiche de nouvelles ambitions, avec la nouvelle zone franche, inaugurée en 2018 et destinée à devenir la plus grande d’Afrique. 

Une zone industrielle pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique centrale

Grâce à l’appui de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank), qui a consenti un financement de 120 millions de dollars en faveur de la Great Horn Investment Holding (GHIH) de Djibouti pour l’exécution d’une série de projets dans la zone franche de Damerjog Industrial Development, l’Autorité des ports de Djibouti a annoncé en juillet dernier la construction d’infrastructures destinées à doper ses activités commerciales. Parmi celles-ci, la jetée pétrolière de Damerjog, qui doit assurer une connectivité maritime à la zone franche.

“Conformément à notre stratégie pluriannuelle d’investissements visant à faire de notre pays une plaque tournante logistique et commerciale de la sous-région, nous répondons à cette demande croissante en fournissant les infrastructures nécessaires » explique Aboubaker Hadi Omar, président de l’Autorité des ports et zones franches de Djibouti (APZFD), depuis 2011, et de Great Horn Investment Holding (GHIH). Ce fonds d’investissement public, chargé de la logistique et des aménagements de transport, gère l’ensemble des infrastructures du pays, des ports aux corridors routiers et ferroviaires, et prochainement l’aéroport de fret. Dans ce cadre, le projet de jetée pétrolière et de réservoir de stockage dans la zone industrielle de Damerjog, doit “soutenir et améliorer la circulation des produits pétroliers dans la région tout en développant une ceinture économique avec l’Éthiopie et, à terme, une zone industrielle pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique centrale.”

Djibouti figure déjà parmi les trois plateformes portuaires continentales sur les trafics conteneurisés

En rentabilisant sa position géographique et en suivant la stratégie développée dans le plan de développement “Vision 2035”, Djibouti, carrefour historique entre l’Afrique, l’Europe, l’Asie et le Moyen-Orient, a, au cours des dernières années, investi dans la modernisation de ses infrastructures portuaires et diversifié son offre de services, afin de renforcer sa position. Avec des aménagements tels que la première zone logistique mixte, inaugurée dans la ville éthiopienne de Dire Dawa, Djibouti confirme son  » caractère indispensable », indique Aboubaker Omar Hadi. 

Inaugurée  en juillet 2018, en présence, remarquée, du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ainsi que des présidents rwandais, Paul Kagame, et soudanais Omar El Béchir, la nouvelle zone franche de Djibouti, connectée aux principaux ports du pays, doit devenir à terme la plus grande zone franche du continent africain. La première phase de ce projet débutera avec la construction d’une zone de 240 hectares pour atteindre 4 800 hectares, d’ici dix ans. Le budget total de l’opération s’élève à 3,5 milliards de dollars. A l’issue du projet, la zone franche de Djibouti sera la plus grande du continent. Des sociétés étrangères doivent installer des unités de transformation pour ajouter de la plus-value aux produits importés et exportés. « Le volume de produits arrivant en Afrique de l’Est ne cesse d’augmenter. A chaque fois qu’un produit quitte le continent sans avoir été transformé, c’est une opportunité manquée pour l’Afrique » rappelle Aboubaker Omar Hadi. 

Avec une vingtaine d’entreprises annoncée dès l’inauguration de la zone, selon les autorités djiboutiennes, l’impact économique de la phase pilote sur le chiffres d’affaires de la zone franche sera de 200 millions de dollars, soit 11% du PIB. La montée en puissance aux horizons 2035 et 2040, et l’extension de la zone devrait rapporter entre 2,5 et 4 milliards de dollars.

Port, Park and City

Cette initiative majeure, à l’ère de la ZLECAf (zone de libre-échange continentale africaine), en faveur de la promotion des échanges intra-africains, a notamment bénéficié du soutien de la Chine, partenaire essentiel de Djibouti. Cependant, le gouvernement djiboutien reste l’actionnaire majoritaire de la zone franche, aux côtés de trois groupes chinois : China Merchants Group, Dalian Port Corporation et IZP Technologies.

Dès l’année suivant son inauguration, en 2019, la DIFTZ a été classée parmi les meilleures zones franches et a reçu de nombreuses récompenses lors du classement mondial des zones franches de l’année, décerné par FDI Intelligence, une filiale du Financial Times.  Avec plus de 300 entreprises actuellement, la zone s’inscrit dans le cadre d’une stratégie globale des plus ambitieuses. Élément clé de cette feuille de route, l’aménagement de l’ancien port de Djibouti. Celui-ci va entièrement être transformé pour accueillir un nouveau quartier d’affaires international dans le prolongement des infrastructures portuaires et zones franches, sous le triptyque : Port, Park and City (PPC).

En attendant, la compagnie aérienne nationale éthiopienne, Ethiopian Airlines, leader dans le fret aérien en Afrique, a annoncé, en mars dernier, son association avec Air Djibouti et Djibouti Industrial Park Operation (IDIPO) pour lancer un transport multimodal mer-air. L’accord prévoit que le fret sera transporté par voie maritime, depuis la Chine vers la zone franche de Djibouti, puis acheminé par voie aérienne à partir de l’aéroport international de Djibouti. Ce projet, qui devrait permettre de récupérer une partie du fret en provenance de Dubaï, confirme les ambitions, portées par le duo éthiopo-djiboutien, de faire de la région la plaque tournante du fret en Afrique. 

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