Souveraineté économique : Maroc, le bon élève
A l’occasion du Choiseul Africa Business Forum, le royaume chérifien a mis en avant sa stratégie pour conquérir son indépendance dans les domaines comme l’alimentation et l’énergie, entre autres. Cette autonomie favorise le développement du commerce intra-africain et lui permet d’accroître sa résilience aux crises économiques. Au-delà des résultats, le Maroc promeut un état d’esprit.
Par Mérième Alaoui, à Casablanca
“Je suis très heureux de vous accueillir à Casablanca, véritable pont entre l’Afrique et l’Europe. Je me réjouis de vous voir aussi nombreux, tous prêts à renforcer nos coopérations économiques et étrangères à l’échelle du continent”, a déclaré Pascal Lorot, Président de l’Institut Choiseul, à l’ouverture du Choiseul Africa Business Forum, le 16 novembre dernier, à Casablanca. Ce n’est pas un hasard si cette ville accueille la quatrième édition de ce rendez-vous business. Le Royaume, outre sa position géographique stratégique, est régulièrement montré en exemple pour incarner le thème de la “souveraineté économique”.
Alors que le contexte actuel est marqué par une succession de crises : sanitaire, économique et géopolitique, les quelque 800 participants venus de soixante pays étaient invités à réfléchir aux moyens de renforcer l’indépendance économique dans des domaines tels que l’énergie, l’alimentation, la santé, l’industrie et le numérique.
Le Maroc s’est depuis longtemps emparé de cette question, comme l’a rappelé Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Economie et des Finances : “Depuis des décennies, le Maroc a mis en place plusieurs plans et programmes de développement économiques visant à construire une économie moderne capable de répondre aux besoins de la demande croissante et diversifiée en produits de base et manufacturiers. La vision éclairée du Roi Mohammed VI a catalysé des réformes et des projets visant à moderniser et transformer l’économie marocaine, jetant ainsi les bases d’une économie robuste et compétitive” a-t-elle expliqué, dans un discours lu par la ministre de la Transition énergétique, Leila Benali.
Le Maroc, deuxième pays africain sur les énergies renouvelables
Des efforts soutenus ont notamment été déployés pour moderniser le secteur agricole et les industries agroalimentaires. “Dans l’objectif premier de renforcer la souveraineté alimentaire du Maroc et augmenter ses capacités d’exportation”, a souligné Nadia Fettah Alaoui. Autre priorité majeure des politiques publiques marocaines : la réduction de la dépendance énergétique grâce à l’énergie solaire. D’après le rapport Global Electricity Review 2023, publié par le think tank britannique Ember Climate, le Maroc est le deuxième pays africain qui recourt le plus aux énergies éolienne et solaire. Ces deux énergies renouvelables représentent 17% dans son mix-énergétique, la moyenne mondiale est estimée à 12% . Les observateurs estiment que l’objectif d’atteindre 52 % du mix d’origine renouvelable d’ici 2030 est réaliste. Enfin, le Maroc pourrait répondre à 4%, voire 8%, des besoins mondiaux en hydrogène vert, selon différentes études.
Ce positionnement ambitieux d’indépendance énergétique a aussi accru la résilience du pays face aux crises mondiales. L’exemple de la gestion de la pandémie de Covid, lors de laquelle le Maroc a alimenté en masque certains pays européens, n’a pas manqué d’être rappelé. Un budget de 3,2 milliards d’euros (soit 2,6% de son PIB) avait été débloqué pour la fabrication de masques jetables et réutilisables pour le pays et pour l’exportation.
La coopération intra-africaine comme levier d’indépendance
La poursuite par le Maroc de sa structuration et de son indépendance économiques permet aussi de développer les relations Sud-Sud. “L’Afrique se situe aujourd’hui au cœur des opportunités car le potentiel économique du continent est loin d’avoir été pleinement exploité. Il faudra accompagner une croissance économique durable et inclusive, en inscrivant une véritable souveraineté économique pour le continent africain” a détaillé Pascal Lorot. Selon ce dernier, la diversification des partenaires et l’accroissement du commerce intra-africain constituent des leviers d’indépendance économique. Des outils dont le Maroc s’est saisi depuis longtemps. “Seule une réponse africaine globale et commune serait en mesure de nous permettre, nous, les pays du continent africain, de relever les défis liés à la souveraineté économique de notre continent” a rappelé Nadia Fettah Alaoui.
Le Maroc est le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest et le second sur le plan continental. Selon les dernières estimations du ministère du Commerce et de l’Industrie, les échanges commerciaux avec le continent sont évalués à 65 milliards de dirhams, un montant qui a quadruplé en vingt ans. La hausse des échanges se poursuit avec une augmentation de 39,9%. L’Egypte reste pour la quatrième année consécutive le principal partenaire africain du Maroc, suivi, en 2022, par l’Afrique du Sud, Djibouti, la Tunisie et la Côte d’Ivoire. Ces cinq pays représentent 48,1%, soit près de la moitié, des échanges entre le Maroc et le reste du continent.
Mais cette ambition africaine commune pour une indépendance économique, se confronte encore à de nombreux défis. La croissance économique, si elle est prometteuse, reste insuffisante. Dans de nombreux secteurs, la dépendance vis-à-vis des marchés mondiaux est structurelle, d’autant que les crises récentes ont accentué les vulnérabilités. L’une des solutions, rappelle Pascal Loriot, reste encore et toujours le secteur privé : “Le secteur privé, que vous représentez, se doit d’être associé aux réflexions et débats, car la souveraineté économique ne peut être envisagée sans lui et l’émergence d’intérêts communs entre Etat et entreprise”. Un message renforcé par la ministre Nadia Fettah Alaoui : “Les partenariats bilatéraux, multilatéraux et les initiatives du secteur privé sont autant d’outils que le Maroc et d’autres nations africaines peuvent exploiter pour renforcer leurs relations économiques et contribuer au développement durable du continent” a-t-elle fait remarquer.
L’indépendance, une question d’état d’esprit
Dans les salles de conférences, les couloirs et autres lieux d’échanges informels, mais décisifs, le Maroc et sa capitale économique sont régulièrement cités en exemple. Au-delà des résultats, c’est le mindset des Marocains qui est salué. “C’est primordial, et cela se voit. J’ai l’habitude de venir à Casa pour les affaires, mais aujourd’hui, l’envie de passer un cap se fait davantage sentir. Dans toutes les strates de l’économie, même chez les serveurs ou les chauffeurs, on ressent une fierté, marocaine mais aussi africaine. Et ce n’est pas seulement pour des raisons sportives !” analyse, dans un sourire, un directeur financier ivoirien. En atteignant les demi-finales de la coupe du Monde de football au Qatar, une première historique pour l’Afrique, le Maroc a permis à l’ensemble du continent africain de suivre cette compétition avec fierté. Cet élan populaire, mais aussi économique, devrait se poursuivre avec la confirmation que le royaume co-organisera, avec l’Espagne et le Portugal, le prochain Mondial 2030.