Trump 2.0 : Décryptage de ce qui attend l’Afrique
Avec le retour annoncé de Donald Trump à la Maison-Blanche, l’Afrique se prépare à une nouvelle ère marquée par une diplomatie transactionnelle, des enjeux autour des ressources critiques et une possible revitalisation des relations commerciales avec les États-Unis.
Par Carine Gasier*
Alors que Donald Trump s’apprête à faire son retour à la Maison-Blanche début 2025, le monde se prépare au prochain chapitre de sa politique étrangère « America First », et l’Afrique ne fait pas exception. Entre craintes de coupes dans l’aide étrangère et espoirs de nouveaux accords commerciaux, les marchés émergents sont en alerte. Si son premier mandat donne un aperçu de ce qu’un second pourrait apporter, Trump lui-même accuse un « État profond » composé de bureaucrates de carrière et de conseillers déloyaux de l’avoir freiné — nous laissant nous interroger sur l’ampleur de son agenda si aucune limite ne lui était imposée. Une chose est néanmoins certaine : Trump, le président négociateur, accentuera son approche transactionnelle, plaçant l’investissement et le commerce au cœur des relations entre les États-Unis et l’Afrique.
Pareils, mais différents : une approche axée sur les affaires
La politique américaine envers l’Afrique est restée en grande partie cohérente d’une administration à l’autre, le continent restant loin d’être une priorité absolue dans le Bureau ovale. Bien qu’une refonte majeure de la politique soit peu probable, le style de Trump devrait différer considérablement de celui de Biden. Là où l’administration précédente enveloppait ses objectifs dans un langage d’aide et de diplomatie — promettant de renforcer la voix de l’Afrique dans les forums mondiaux, notamment au Conseil de sécurité de l’ONU, où le continent n’a toujours pas de siège permanent — le style direct et transactionnel de Trump pourrait avoir un impact différent. Alors que les nations africaines réclament de plus en plus un pied d’égalité en tant que partenaires commerciaux, le pragmatisme sans détour de Trump pourrait trouver un écho, offrant une approche plus directe et centrée sur les affaires.
Revitaliser le commerce entre les États-Unis et l’Afrique : Trump fera-t-il le pas ?
Pour que les liens commerciaux entre les États-Unis et l’Afrique atteignent leur plein potentiel, des initiatives clés — Prosper Africa, la Development Finance Corporation (DFC) et l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) — ont besoin d’un sérieux renouveau. Bien que l’administration Trump puisse être réticente à réformer ces programmes, l’objectif stratégique de contrer l’influence de la Ceinture et Route de la Chine en Afrique pourrait faire pencher la balance. Ces programmes, conçus pour stimuler l’engagement du secteur privé et accroître les échanges commerciaux, ont donné des résultats mitigés — l’AGOA, par exemple, n’a généré que 9,7 milliards de dollars sur les 29,3 milliards de dollars des importations totales américaines en provenance d’Afrique en 2023, tandis que les importations chinoises en provenance d’Afrique ont atteint 109 milliards de dollars. Avec l’expiration de l’AGOA prévue pour 2025, Trump pourrait pousser pour son renouvellement, mais un véritable succès nécessitera des réformes structurelles sérieuses. Réorienter l’AGOA pour mettre l’accent sur les secteurs de croissance de l’Afrique, comme la fabrication à valeur ajoutée et l’énergie propre, pourrait renforcer les liens entre les États-Unis et l’Afrique. La question reste de savoir si l’administration Trump prendra cette initiative stratégique. Explorer des partenariats bilatéraux plus profonds avec des nations africaines individuelles pourrait également jouer un rôle clé, permettant un engagement plus ciblé et complétant les efforts multilatéraux plus larges.
Le pari minier de Trump : rivaliser pour les ressources stratégiques de l’Afrique
On s’attend à ce que Trump renforce ses efforts pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement en minéraux stratégiques de l’Afrique — essentiels à tout, des appareils électroniques de consommation aux technologies de défense. La Chine domine actuellement le secteur minier africain, contrôlant des minéraux clés comme le cobalt et le lithium. La Russie, de son côté, étend agressivement sa présence dans ce secteur, tandis que des pays comme le Canada et les Émirats arabes unis se disputent également leur place. Pour les États-Unis, sécuriser ces minéraux n’est pas seulement un gain économique, c’est une nécessité de sécurité nationale. Bien que Trump soit susceptible de renforcer la production nationale de minéraux, le fait demeure que beaucoup de ces ressources critiques proviennent encore d’Afrique. Les nations africaines détiennent désormais les cartes pour choisir judicieusement leurs partenaires et verrouiller les meilleures opportunités à long terme. Une chose est sûre : pour les convaincre, la nouvelle administration devra proposer bien plus que des accords rapides à court terme.
Alors que Trump entame son deuxième round, son style emblématique de négociateur parviendra-t-il enfin à déchiffrer le code des relations commerciales entre les États-Unis et l’Afrique ? Avec une concurrence mondiale de plus en plus féroce, les nations africaines détiennent désormais un levier stratégique significatif et se retrouvent aux commandes. Reste à voir si l’administration Trump peut changer de cap pour gagner leur faveur et établir des partenariats durables à long terme.
*Carine Gazier est une experte en géopolitique spécialisée dans l’analyse des dynamiques politiques, économiques et sécuritaires en Afrique subsaharienne et sur les marchés émergents. Son expertise met en lumière les défis stratégiques et les opportunités qui façonnent ces régions en pleine évolution.