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Tourism: towards a more distinctive and sustainable offering

Par Dounia Ben Mohamed

Le tourisme africain confirme son redressement post‑Covid à travers une croissance solide des
arrivées et des recettes. Au-delà des chiffres, une transformation s’opère vers des offres
enracinées dans les cultures locales, le patrimoine et le développement durable, portées par des
opérateurs privés innovants…

La tendance est claire : l’Afrique se relève et se réinvente. Selon l’Organisation mondiale du tourisme
(OMT), le continent a enregistré 74 millions d’arrivées internationales en 2024, soit une progression
de 12 % par rapport à 2023 et un niveau supérieur de 7 % à celui de 2019, première année de
référence prépandémique. Cette dynamique s’est prolongée dès les premiers mois de 2025, avec
une augmentation de 9 % des arrivées internationales au premier trimestre, plaçant les arrivées
globales 16 % au-dessus des niveaux de 2019.
“L’Afrique rebondit plus fort que jamais, avec un secteur touristique qui ne se contente pas de
récupérer, mais qui se redéfinit à travers l’innovation et la durabilité”

“Les pays d’Afrique du Nord ont particulièrement brillé, affichant une hausse de 22 % des flux touristiques, souligne Zurab Pololikashvili, secrétaire général de l’OMT.  L’Afrique rebondit plus fort que jamais, avec un secteur touristique qui ne se contente pas de récupérer, mais qui se redéfinit à travers l’innovation et la durabilité. »

Parmi les destinations phares, le Maroc a accueilli 17,4 millions de visiteurs en 2024, soit 20 % de plus qu’en 2023, entraînant 104 milliards de dirhams de recettes touristiques. L’Égypte, quant à elle, a généré 10,7 milliards USD de revenus pour environ 15,7 millions de voyageurs. La Tanzanie a vu ses arrivées progresser de 33,5 % en 2024 pour atteindre 5,36 millions de visiteurs, générant 3,37 milliards USD. Le Kenya, avec 2,39 millions d’arrivées (+14,6 %), voit le tourisme peser 10 % du PIB et soutenir 1,6 million d’emplois. L’Afrique du Sud, enfin, a confirmé sa résilience avec 8,92 millions de visiteurs en 2024 (+5,1 %), le secteur représentant 8,8 % du PIB et employant 1,68 million de personnes.

« La culture locale et le patrimoine ne sont pas seulement des attractions — ils sont l’âme du tourisme africain et la clé pour offrir des expériences authentiques »

Mais au-delà de la reprise, un changement de cap est perceptible. Les acteurs publics comme privés s’engagent dans des approches identitaires, en valorisant les patrimoines culturels, les savoir-faire artisanaux et les initiatives communautaires. Le Maroc propose désormais des circuits immersifs dans l’Atlas orchestrés avec des coopératives locales, tandis qu’en Tanzanie des éco-lodges solidaires émergent, promouvant un tourisme responsable autour des safaris et de la conservation. De son côté, le Kenya multiplie les séjours dans des villages culturels animés par des activités artisanales et traditionnelles.

Dans ce cadre, Fatma Samoura, experte en développement durable et culture, souligne que « la culture locale et le patrimoine ne sont pas seulement des attractions — ils sont l’âme du tourisme africain et la clé pour offrir des expériences authentiques. »

“Les groupes hôteliers misent sur une croissance forte en Afrique, alliant luxe et authenticité locale”

L’essor de grands groupes hôteliers à l’échelle continentale complète cette transformation. Hilton prévoit d’atteindre plus de 160 établissements en Afrique d’ici 2027, et Marriott envisage quant à elle l’ouverture de 50 nouvelles propriétés, notamment en Côte d’Ivoire, au Ghana, en RDC et à Madagascar. Radisson Hotel Group s’inscrit fermement dans cette dynamique : avec près de 100 hôtels déjà opérationnels ou en développement dans plus de 30 pays, le groupe vise 150 hôtels en Afrique courant 2025 et a enregistré 11 signatures et 7 ouvertures en 15 mois, totalisant plus de 2 000 chambres signées et 1 500 chambres ouvertes. Cette stratégie inclut des entrées récentes sur des marchés comme la Tanzanie, la République démocratique du Congo et le Cameroun, où des établissements comme Radisson Blu Hotel & Apartments à Yaoundé ou Lubumbashi sont programmés d’ici 2026‑2027.

Ces enseignes haut de gamme sont néanmoins encouragées à s’approvisionner localement, que ce soit pour l’artisanat, la nourriture ou les matériaux, en ligne avec une stratégie d’ancrage économique et culturel. Radisson, à titre d’exemple, a initié des partenariats pour favoriser l’emploi local et l’intégration communautaire dans ses nouvelles implantations africaines.

Christopher Nassetta, PDG de Hilton Hotels, insiste : « Nous sommes convaincus que l’hôtellerie de luxe doit intégrer et célébrer les communautés locales — de l’approvisionnement en artisanat à l’emploi des talents locaux — il s’agit de créer un véritable sentiment d’appartenance. »

“Des acteurs locaux et les diasporas africaines, qui jouent un rôle clé dans la redéfinition de l’offre touristique continentale”

Cet élan vers un tourisme plus authentique et enraciné est particulièrement soutenu par des acteurs locaux et les diasporas africaines, qui jouent un rôle clé dans la redéfinition de l’offre touristique continentale. Ces entrepreneurs, souvent formés à l’étranger ou inspirés par leurs racines culturelles, s’engagent à valoriser les patrimoines immatériels et matériels de leurs régions. Par exemple, au Sénégal, la plateforme « Teranga Experience » propose des séjours qui immergent les visiteurs dans les traditions wolof, avec des ateliers d’artisanat, de cuisine locale et des rencontres avec des communautés rurales. En Éthiopie, des initiatives comme « Lalibela Authentic Tours » sont lancées par des membres de la diaspora pour faire découvrir les trésors historiques tout en soutenant les artisans locaux. En Afrique du Sud, le groupe local « Mzansi Travel » s’emploie à créer des circuits axés sur la culture zouloue, intégrant hébergements chez l’habitant et expériences culinaires traditionnelles. Ces acteurs, en collaboration avec les autorités locales et des ONG, favorisent un tourisme durable qui profite directement aux populations, renforçant ainsi l’identité et l’attractivité des destinations africaines sur la scène mondiale.

Amina J. Mohammed, vice-secrétaire générale de l’ONU, rappelle : « Les entrepreneurs issus de la diaspora établissent un pont entre l’expertise mondiale et le patrimoine local, créant des offres touristiques qui résonnent véritablement avec l’identité africaine. »

“Préservation et durabilité au coeur du modèle”

Au cœur de leur modèle, le souci de la préservation et de la durabilité. Au Rwanda,, incarne à ce titre une vision novatrice : les parcs nationaux comme Volcanoes, Akagera et Nyungwe reversent une part significative de leurs recettes à des projets communautaires, agricoles ou artisanaux. Le parc urbain Nyandungu Eco‑Park illustre la façon dont un espace écologique peut devenir un lieu culturel et éducatif, mêlant jardins botaniques, centre d’interprétation et services à la communauté.

Car cette croissance rapide rappelle aussi la nécessité de préserver la nature. Un rapport de la Greater Serengeti Conservation Society met en garde contre les effets du tourisme non maîtrisé : la fameuse migration des gnous dans le Maasai Mara est passée de 140 000 à moins de 15 000 individus en raison de clôtures et d’infrastructures mal planifiées, soulignant le besoin urgent d’équilibrer développement touristique et conservation écologique.

La spécialiste kényane de la conservation, Dr Paula Kahumbu, l’affirme : « Le tourisme durable est la seule voie viable — protéger les écosystèmes comme le Serengeti tout en soutenant les moyens de subsistance des communautés est une exigence mondiale. »

Ainsi, le tourisme en Afrique n’est plus simplement en phase de reprise : il se reconstruit autour de valeurs nouvelles. Il s’agit désormais de conjuguer performance économique, valorisation culturelle et responsabilité environnementale. Le continent ne se contente pas de retrouver les niveaux de fréquentation d’avant la pandémie : il construit une hospitalité plurielle, enracinée dans ses identités, qui conjugue modernité et respect de ses racines.

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