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Togo-Ghana : L’intégration par la pêche

Entouré par deux pays côtiers, notamment le Ghana à l’ouest et le Bénin à l’est, le Togo possède environ 50 kilomètres de côte. Là, chaque jour, de nombreux pêcheurs pour la plupart des ghanéens et togolais prennent la mer.  Cette collaboration entres les pêcheurs des deux pays illustre l’intégration régionale tant recherchée, du moins dans le secteur de la pêche – qui contribue à lui seul à environ 3,4% du PIB agricole et 1,3% du PIB national du Togo.

Il faut aller au port de pêche de Lomé, tôt le matin, pour profiter de la bonne ambiance qui y règne entre les différentes communautés ghanéenne et togolaise. La zone d’activité des pêcheurs s’étend des cotes togolaises jusqu’à Epla dans le Bénin voisin. Au Togo, le secteur emploie environ 22 000 personnes réparties entre 10 000 pêcheurs et 12 000 commerçantes-transformatrices de poissons. Tous ces emplois font vivre directement ou indirectement environ 150 000 personnes. Pour Koffi Legbezé, chef de sécurité au Port de pêche de Lomé, malgré la multitude de nationalité exerçant cette activité, tout se passe dans une harmonie parfaite. « On vit dans une réelle harmonie ici puisqu’il y a des lois qui règlement le fonctionnement des activités du port de pêche. C’est une illustration parfaite de l’intégration des peuples. »

Un ancrage régional historique

Ici, chaque secteur d’activité a un espace bien déterminé. A l’espace réservé pour la conservation et la commercialisation des poissons, on y retrouve des femmes grossistes, pour la plupart des togolaises communément appelées « Nanas. » A en croire Da Lucia, propriétaire d’une pirogue, les activités se font dans un esprit de confiance mutuelle et de confraternité. « Je peux vous dire que dès fois on prend des risques énormes en mettant nos pirogues et du carburant à disposition de pêcheurs ghanéens ne disposant pas de moyens. A leur retour de la mer, on se partage les poissons. »

Selon les explications de John Abrokwa, un pêcheur ghanéen installé au Togo depuis deux décennies, la mainmise de sa communauté sur l’industrie de la pêche est due à un facteur historique : « au début des années 60, des ghanéens originaires du Volta Region et de Cape Coast ont rejoint leurs familles parties au sud du Togo. Leurs activités principales étant la pêche, ils ont commencé par exercer ce métier en collaboration avec les autochtones à qui ils achetaient des pirogues. Au fil des années, les ghanéens ont commencé par disposer de leurs  embarcations et les togolais ne maitrisant pas bien ce métier ont dû l’abandonner. »

Une industrie inclusive, tournée vers l’international

«Les captures de pêche, intérieures et maritimes, avoisinent 24 000 tonnes par an et permettent de couvrir 40% des besoins du pays », selon la Direction de la pêche.  Néanmoins, une grande partie de la production locale est destinée à l’exportation via des sociétés appartenant pour la plupart à des ghanéens, mais s’approvisionnant aussi chez des togolais. D’après des données de Fishstat et de la FAO, c’est l’exportation des fruits de mer qui rapporte chaque année 2 420 000 de dollars aux sociétés opérant dans l’industrie de la pêche et qui profite ainsi aux différentes communautés.

A quelques kilomètres du Port de pêche, se trouve par exemple la société Princeway dirigée par un homme d’affaires ghanéen. «J’exporte des produits de mer en direction de la Belgique et de l’Allemagne à partir du Togo. Je livre aussi quelques restaurants sur place. J’ai créé ma société en 2001 après l’achat de trois embarcations. J’emploie six pêcheurs ghanéens et deux femmes togolaises. C’est un secteur prometteur. Souvent, je suis obligé d’acheter chez les Nanas au Port de pêche pour pouvoir honorer les commandes. »

Katanga : un quartier ghanéen dans la capitale togolaise

A l’instar de cet homme d’affaires, on dénombre plusieurs milliers de ghanéens opérant dans l’industrie de la pêche au Togo. Ils bénéficient d’une attention particulière de la part des autorités togolaises qui n’ont pas hésité à leur attribuer un permis d’installation dans une localité en 2004. Situé juste derrière le Port autonome de Lomé, Katanga est un quartier particulier où ne résident que des pêcheurs ghanéens.

« La communauté s’est bien intégrée ici au Togo. Il  y a environ 5 000 pêcheurs qui habitent ce quartier. Les autorités des deux pays savent que nous résidons ici et elles viennent quelques fois pour échanger avec nous. Nous avions besoin de nous installer au Togo pour nos activités. Mais nous rentrons chaque année pour les fêtes ou lorsqu’il y a des élections», confie Sego Godwin, secrétaire de l’association des pêcheurs ghanéens du Togo, qui joue un rôle primordial dans  l’économie bleue togolaise.

La CEDEAO des peuples

Pour Kwaku Totimé, chargé d’affaires à l’ambassade du Ghana, l’intégration de cette forte communauté ghanéenne dans l’industrie de la pêche au Togo illustre bien l’objectif des pères fondateurs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO). « On veut passer de la CEDEAO des Etats à la CEDEAO des peuples à l’horizon 2020. Pour y parvenir on doit faciliter l’intégration socioéconomique de tous les peuples au sein de l’espace. Donc c’est un exemple parfait qui illustre l’objectif des pères fondateurs de la CEDEAO ».

Pour une exploitation rationnelle des ressources halieutiques par les populations, des discussions sont en cours afin de réglementer les activités dans les Zones économiques exclusive (ZEE) de tous les Etats riverains du Golfe de guinée. Et pour redynamiser le secteur, un nouveau port de pêche est en construction avec un financement de 15 milliards de dollars de l’Agence Japonaise de coopération internationale (JICA).


Auteur Blame Ekoue // Photo, Crédit Blame Ekoue, Légende Pêcheurs de Lomé.

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