Tech : Marseille confirme son rôle de carrefour euro-africain
Métropole au cœur de la Méditerranée, Aix-Marseille-Provence accueille et accompagne les startups africaines, dans le cadre de sa coopération. Un partenariat profitable aux deux rives grâce aux nombreux incubateurs présents sur le territoire.
Par Mérième Alaoui
“Marseille est un lieu stratégique de l’innovation entre l’Europe et l’Afrique” affirme le fondateur de Emerging Valley, Samir Abdelkrim. Son évènement s’est déroulé le 28 novembre dernier dans la deuxième ville de France. Consciente de cet atout, la Métropole Aix-Marseille-Provence (AMP) assume son rôle de plateforme euro-méditerranéenne. “Avec cette rencontre, nous avons voulu capitaliser sur la légitimité historique, géographique, voire géo-économique, et démographique du territoire. Rappelons que Marseille rassemble les diasporas d’Afrique et d’Orient.”
La septième édition d’Emerging Valley, forum tech euro-africain, s’est déroulée à The Camp, campus d’innovation futuriste, situé à Aix-en-Provence. Un lieu idéal pour cette rencontre. Deux mille personnes, en physique et en distanciel, ont participé aux débats et aux discussions d’affaires. “Surtout, cent startup labellisées et des dizaines d’investisseurs sont venus ; le business village débordait de rencontres” se félicite Samir Abdelkrim, originaire de la région. “C’est un véritable écosystème, l’émulation est palpable ; il y a une grande envie d’entreprendre entre l’Europe et l’Afrique. D’un côté, le territoire cultive son intérêt pour l’innovation ; d’un autre, les startups africaines cherchent à s’internationaliser en Europe. L’objectif est de faire de Marseille leur destination d’investissement et de création d’entreprises pour un changement d’échelle” poursuit Samir Abdelkrim.
Soft Landing Provence Africa Connect, nouveau programme d’incubation
Marseille, favorisée par son positionnement, accueille cinq data centers, ce qui la place au quatrième rang mondial en capacité de données. Pour affiner son offre de partenariat avec le continent et l’ancrer localement, la Métropole a annoncé la mise en place d’un nouveau dispositif : le Soft Landing Provence Africa Connect. Ce programme d’accueil et d’accompagnement, dédié aux entreprises innovantes africaines, promet un appui pour une implantation en Europe et un développement à l’international, depuis le Sud de la France.
“La démarche Provence Africa Connect a pour objectif de faire d’Aix-Marseille-Provence un carrefour international euro-africain au service d’une prospérité partagée. L’Afrique est un espace stratégique économique, culturel et humain et une opportunité unique à saisir pour l’avenir d’Aix-Marseille-Provence” a déclaré Arnaud Mercier, conseiller AMP, délégué à la Métropole numérique, aux politiques publiques de la donnée et à l’innovation.
A la suite d’un appel d’offre, l’Accélérateur M, hébergé à la Cité de l’innovation et des savoirs d’Aix-Marseille (CISAM), et Marseille Innovation, le plus important incubateur du territoire, coordonnent cette importante mission. “La feuille de route a été élaborée par la Métropole. L’accélérateur se préoccupera principalement des industries culturelles et créatives (ICC), de l’économie bleue et des smart cities. Nous avons noué des partenariats avec d’autres lieux d’incubation internationaux dont un se trouve en Tunisie, un pays avec lequel nous travaillons beaucoup. 90% de nos projets internationaux sont des projets tunisiens” détaille Franck Araujo, directeur de l’Accélérateur M. D’autres projets se réalisent aussi au Maroc : “Nous avons des relations avec l’accélérateur privé Hseven. Nous avons commencé par le Maghreb. Ensuite, notre ambition est de s’étendre dans toute l’Afrique.”
Lamiae Benmakhlouf, directrice générale de Technopark au Maroc, peut témoigner de ce partenariat. “Nous collaborons de manière étroite avec l’Accélérateur M et Marseille Innovation. Nous avons développé ensemble le programme Soft Landing. Plusieurs entreprises marocaines en ont profité pour ouvrir leur antenne. Nous avons aussi co-accompagné six startups de la diaspora dans le cadre du programme Meet Africa 2. Elles sont aujourd’hui entre le Maroc et Marseille. C’est une vraie réussite” se félicite-t-elle.
“La force des diasporas : parler un double langage”
Parmi les élus locaux présents à Emerging Valley, Vincent Laguille, maire du Tholonet, délégué au Commerce extérieur à AMP, a rappelé que “la Métropole accueille 5 000 talents africains à Aix-Marseille, première université francophone du monde. Avec un écosystème exaltant : six pôles, trois technopôles…” énumère-t-il. Après AMP, Lisbonne vient d’être nommée Capitale européenne de l’innovation, un titre décerné par iCapital et la Commission européenne.
Aucune place européenne ne peut vraiment disputer sa situation stratégique à la cité phocéenne. Même pas Bruxelles. “Je suis allé trois fois à Emerging Valley. J’aime beaucoup. Il y a une véritable ambition, une stratégie. Bruxelles aussi est un carrefour. C’est la ville où il y a le plus de forums et de réunions d’organisations internationales. Cela est dû à la présence du Parlement européen. Mais Marseille dispose d’un avantage : son ouverture sur la Méditerranée. Ce que j’apprécie dans le forum, c’est la capacité à regrouper des acteurs différents : le privé, les entrepreneurs, et ceux du public. Cela correspond à ma vision de décloisonnement des politiques de développement” explique Jean Van Wetter, directeur général de l’Agence belge de coopération, Enabel.
A l’issue de cette septième édition, les organisateurs du forum brandissent fièrement leur bilan. “Des dizaines de startups africaines se sont installées dans la Métropole AMP ; soit elles ont ouvert un bureau, soit elles sont hébergées par un de nos incubateurs” détaille Samir Abdelkrim. A ce constat, il faut ajouter la présence cumulée de 515 entreprises et l’attention de plus de cent investisseurs. Le forum a également réuni plus de 200 hubs technologiques d’Afrique et d’Europe.
Face à la montée des discours d’extrême-droite en France, le territoire provençal a, avec cet événement, valorisé l’ouverture vers le monde, grâce aux relations d’affaires. Pour cela, elle s’appuie sur les diasporas, partie prenante de la stratégie d’Emerging Valley pour renforcer les liens entre les deux rives de la Méditerranée. “Leur force : elles ont un double langage, culturel et économique, ainsi que les clés de compréhension du marché. Aujourd’hui, on voit bien qu’il y a un mouvement économique profond qui traverse l’Afrique et que les diasporas en sont souvent les premiers vecteurs” analyse Samir Abdelkrim. Et puis, il ne faut pas se tromper, comme le rappelle Jean Van Wetter, directeur général d’Enabel, au-delà de Marseille, c’est toute l’Europe qui défend son marché. “Dans la relation avec les pays africains, les Occidentaux doivent avoir de l’humilité. L’Afrique abrite quatre milliards d’habitants contre trois cents millions en Europe. De plus, la productivité sur le vieux continent stagne. Le rapport de force est en train de changer. Un pays qui voudrait jouer sa carte, seul, cela n’a pas plus de sens. C’est une évidence.” Premier port français et premier hub aérien régional vers l’Afrique, l’objectif de la métropole phocéenne demeure intact : intégrer le Top 20 des métropoles mondiales de l’innovation.
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