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Rwanda : »Notre modèle économique est à mi-chemin entre le capitalisme et le socialisme »

Le pays des Milles collines a revu sa feuille de route : de 2020, l’échéance est portée à 2050. D’ici le Rwanda sera non seulement, selon les ambitions de Paul Kagame, inscrit aux rangs des nations développées mais également une terre d’exportation du savoir. Pour cela, la stratégie Rwanda 2050 mise sur l’innovation la technologie et l’industrie. Explications avec Vincent Munyeshyaka, ministre du commerce et de l’industrie du Rwanda.

Propos recueillis à Kigali par Dounia Ben Mohamed
Crédit photo : DBM/ANA

 

Votre pays fait office d’exemple en Afrique. En matière de bonne gouvernance, de performance d’accompagnement des PME et jeunes entrepreneurs… Quels sont les clés du modèle rwandais ?

Le succès que nous connaissons vient de l’orientation du leadership de ce pays. À partir de 2000, nous avons réussi à mettre en place et à créer une programmation visionnaire, Rwanda 2020. Une stratégie qui vise à assurer une croissance économique, mais aussi à réduire la pauvreté de notre population en nous assurant que la richesse créée par notre économie est  bien répartie au sein de notre population. Ainsi, si nous essayons de regarder notre développement au cours des quinze dernières années, notre économie a augmenté de 8 % par an en moyenne. En même temps, nous avons vu la réduction de la pauvreté. Nous avons par ailleurs réussi à mettre en place une politique de protection sociale. Avec une couverture d’assurance santé pour toute notre population. Nous avons atteint plus de 90 % de la population à ce jour. Un succès qui tient à notre leadership. Il s’agit d’avoir une vision claire et de bien organiser le mécanisme de suivi et d’évaluation. Parce que les plans sont une chose, mais la mise en œuvre en est une autre. Nous avons donc pu mettre en place ce cadre pour nous assurer de l’application de cette vision, avec un mécanisme de responsabilisation. Par exemple, quand le gouvernement central annonce des infrastructures, le gouvernement local s’engage également à le faire, avec l’ensemble de l’administration, jusqu’à la population. C’est une culture qui a été parfaitement intégrée par notre population. Nous avons des « contrats de performance » pour les membres des gouvernements, y compris des gouverneurs locaux, mais aussi au sein des familles où les membres s’engagent, par exemple, à emmener leurs enfants à l’école. Cette culture est le socle de notre développement. Je ne sais pas si c’est un modèle… Mais ce que je peux reconnaître, c’est que nous avons créé un cadre juridique visant à résoudre les problèmes d’accès aux financements, les enjeux liés aux compétences, à l’accès aux marchés.. C’est pourquoi nous avons accordé une attention particulière au secteur des PME. En effet, 98 % de nos activités proviennent des PME et, en termes de création d’emplois, 41 % des emplois créés dans le secteur privé proviennent du secteur des PME. C’est un secteur très important pour notre économie.

Le Rwanda a récemment revu sa stratégie. Quels sont les objectifs atteints par la vision 2020 et quelles adaptations comportent la vision 2050 ?

Il y a trois faits qui caractérisent notre économie : une croissance constante; un taux de pauvreté qui se réduit, d’année en année; et les disparités entre les classes les plus aisés et les plus pauvres qui se réduissent, au fur et à mesure que le pays se développe. Nous sommes donc sur la voie d’une croissance inclusive. Cela est dû au fait que nous avons été capable de mettre en place des  programmes sociaux. Un programme pour lequel le gouvernement consacre un budget important, en partenariat avec la Banque Mondiale, de près de 80 millions $ US par an, visant la protection sociale. Parmi lesquels la mutuelle de santé qui couvre l’ensemble de la population.  Certaines personnes vulnérables, parmi lesquels des victimes du génocide, des personnes âgées, reçoivent une allocation mensuelle. Nous menons également une politique de construction de logements sociaux. Un autre de distribution de vaches pour améliorer l’alimentation de nos populations les plus démunies et leur assurer un minimum de revenu. C’est pourquoi notre modèle économique est à mi-chemin entre le capitalisme et le socialisme. c’est une combinaison de ce que nous appelons un développement inclusif et durable. Parce que nous ne pouvons viser un développement durable sans inclure tout le monde, à un moment où l’autre ça va casser et on risque de connaître des problèmes sociaux. Un certain nombre de pays capitalistes ont fait face à ce type de problèmes dans le passé et même actuellement. C’est pourquoi notre système de gouvernance, qu’elle soit politique, sociale ou économique, met le Rwandais au centre de tout.

Désormais, l’accent est mis sur l’innovation, la technologie… et l’industrie ?

Dans la vision 2020, nous avions mis l’accent sur les infrastructures de base pour accélérer le développement économie. Nous avons également essayé de promouvoir l’éducation, et déjà nous avions opté pour les technologies de l’information pour un développement plus rapide. Mais si nous faisons l’analyse de notre industrie, pour le moment, nous n’avons pas atteint le seuil voulu. La contribution de l’industrie dans le PIB est de 16% alors que l’agriculture compte pour 30% et les services 47%. Notre objectif est de transformer notre économie. Je n’ai jamais vu un pays développé qui n’aura pas au préalable développé son secteur industriel. Et pour pouvoir accélérer le développement industriel nous devons mettre l’accent sur l’innovation et les nouvelles technologiques. C’est le point dominant de notre stratégie 2050, la technologie, l’innovation,  en accélérant l’industrialisation de notre économie et en valorisant des secteurs comme celui des mines. On veut créer de la valeur ajoutée et  c’est le secteur industriel qui est capable de le faire. Une fois que dans notre pays, nous aurons des industries spécialisées dans l’innovation et la technologie, nous pourrons alors exporter la technologie dans les prochaines années. Nous avons également adopter la croissance verte. Nous devons faire en sorte que notre processus d’industrialisation aille dans le sens de protection de l’environnement. C’est pourquoi au niveau des choix de la technologie, nous allons être très sélectifs. Pour assurer un développement durable. Lequel ne peut l’être que s’il est inclusif et s’il tient compte de tous les aspects liés à l’environnement.

Vous évoquez le secteur minier, le Rwanda affiche un potentiel important dans le domaine ?

Contrairement à ce que qui a pu être dit dans le passé, notre pays affiche effectivement un réel potentiel minier. Nous avons mené des études d’exploration, pour recenser nos ressources naturelles, et apparemment, nostre sous-sol est bien garni. Même si cela reste à exploiter, valoriser. A partir de cette année, et 2019, on va investir dans la valeur ajoutée. On ne veut pas continuer à exporter la matière première brute. Si on ajoute le pourcentage de valeur ajoutée, on peut tripler les ressources. Nous avons de nombreux minerais, de l’or, du pétrole.. Cela va permettre la diversification de notre économie, et de moins dépendre des exportations traditionnelles comme le thé, le café. Aujourd’hui, nous exportons du texile.  Et les exportations en provenance du secteur minier sont en train de prendre l’avantage sur les autres produits.

La Zone économique spéciale de Kigali, concentrée sur l’activité industrielle, illustre cette stratégie de diversification de l’économie et de création de valeur ajoutée locale ?

Nous avons une stratégie très solide pour aller dans ce sens. Elle inclut en effet les Zones économiques et spéciales. A ce jour, nous avons identifié  9 sites. Le premier est ici, à Kigali, les 8 autres dans les villes dites secondaires. Vous savez qu’au Rwanda nous avons une politique de décentralisation. Nous avons des villes secondaires qui doivent seconder Kigali en terme d’urbanisation mais aussi en terme d’attractivité. Des sites où nous voyons un potentiel. Ce que nous faisons pour le moment est de développer les infrastructures pour mettre ces sites au niveau d’attirer les investisseurs, nationaux comme internationaux.

Les deux disposant des mêmes avantages fiscaux ?

Nous avons un code des investissements qui donnent les mêmes avantages aux investisseurs locaux et internationaux. Mais le fait est que les investisseurs étrangers lisent, s’informent davantage sur les avantages existants. Or ceux ci sont donnés sur demande. Donc dans la pratique, on s’aperçoit que les étrangers en bénéficient plus que les locaux. Notre objectif est d’attirer les meilleurs investisseurs à travers le monde, notre économie est ouvert, à tout le monde, pas seulement les Américains ou les Asiatiques.

Les Français y compris ?

Oui. On a des investissements français au Rwanda. J’ai d’ailleurs reçu récemment un investisseur, déjà actif dans les mines au Rwanda, et en recherche d’opportunité d’investissement dans l’emballage. Notre pays attire tout le monde.  Mais nous, nous mettons l’accent sur la qualité de l’investissement

Pour vous, c’est quoi un investissement de qualité ?

Premièrement, la technologie. Une technologie high tech, de grande qualité. Ensuite, assurer le transfert de technologie aux locaux, et afficher un haut potentiel en terme de création d’emploi. Mais aussi en terme de valeur ajoutée,  un volume de production destinée à l’exportation. Par exemple, à hauteur de 50% ou 80% de votre production. Nous avons déjà des industries qui exportent 80% de leur production. Et c’est précisément le type d’investissement que l’on recherche. L’année dernière, les industries dans le textile ont non seulement créé beaucoup d’emploi mais ont exporté 80% de leur exportation. En Amérique, en Europe…


Propos recueillis à Kigali par Dounia Ben Mohamed
Crédit photo : DBM/ANA

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