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Recyclage et valorisation des déchets, une opportunité nouvelle pour l’Afrique

L’Afrique va mieux : Si la population reste à 60% agricole, le développement africain de l’industrie et des services a ses propres nouveaux champions, et l’urbanisation croissante a créé une classe moyenne de 300 millions de personne avec un pouvoir d’achat comparable au niveau européen. Pas étonnant de voir depuis 2000, une croissance moyenne de 5,5% par an pour le continent!

Avec une population allant plus que doubler d’ici 2050, passant de 1,1 milliard aujourd’hui à 2,4 milliards en 2050, les challenges seront nombreux : Infrastructures, éducation, électrification, sécurité alimentaire….et les besoins d’investissement colossaux. Deux éléments seront à suivre particulièrement : la capacité de création d’emplois, et la protection environnementale des hommes et des territoires, ce dernier point allant être encore plus challengé par les impacts à venir dus au changement climatique. Le secteur du recyclage et de la valorisation des déchets en Afrique est un bon exemple des challenges et des opportunités à venir.

 

Aujourd’hui, la situation n’est pas acceptable, avec seulement une partie des déchets collectés, et qui se retrouvent finalement dans des décharges informelles. Les risques de santé pour les populations sont importants, et la contamination des eaux, de l’air et des sols se note de plus en plus. Mais c’est aussi une opportunité, car comme je le vois tous les jours sur le terrain, une prise de conscience au niveau des entités publiques et privées est clairement en train de se faire. Le recyclage et la valorisation des déchets sont non seulement perçus comme une voie de réduction des nuisances liées à la mauvaise gestion des déchets, mais aussi comme un potentiel d’économies à réaliser, et de création d’emplois grâce à la professionnalisation à venir du secteur.

 

Contrairement à ce que disent certains, les déchets ne sont pas une mine d’or. Globalement, c’est une structure de coûts qui devrait être couverte par les générateurs de ces déchets : le fameux principe du « pollueur payeur ». Ce secteur du recyclage et de la valorisation des déchets ne sera développé par le secteur privé que si celui-ci y trouve une rentabilité. Dans le cas de la gestion des déchets ménagers, par exemple, la collecte des déchets et la gestion de la décharge sont clairement une structure de coûts et doivent donc être couvertes par le budget public. Alors que les activités de recyclage et de valorisation pourront être organisées par le secteur privé, car potentiellement bénéficiaires. Ce n’est pas étonnant de voir de nombreux pays africains, notamment le Sénégal, le Nigeria, … étudier ce modèle prometteur.

 

Un des projets importants concerne la gestion des déchets ménagers de la ville d’Abeokuta, la capitale de l’état d’Ogun, au Nigeria. Ce projet est rendu possible grâce à un appui sur un partenariat public-privé entre l’Etat d’Ogun, situé au nord de Lagos, le NSIA, le Fonds souverain pétrolier nigérian, qui gère des revenus issus de l’exploitation pétrolière pour les générations futures; et Lafarge Africa. Le projet veut développer le recyclage et la valorisation afin de réduire la mise en décharge à moins de 15% des déchets collectés. Le développement du recyclage avec une société de développement social de Lagos est à l’étude. Il s’agit de la société Wecyclers, qui a déjà monté un magnifique projet sur Lagos, intégrant des chiffonniers en les organisant et en rationalisant les opérations de collecte et de réutilisation des matériaux collectés.

 

Pour les déchets organiques (agricoles, domestiques, déchets de marché et de restaurants), qui étaient auparavant jetés dans ces décharges avec tout le reste, un travail se fait avec la société française Biopost pour étudier la collecte à la source de ces déchets et leur transformation en bio-engrais qui servent à fertiliser les sols du pays et à développer l’agriculture organique. Quant aux déchets combustibles (papier, bois, textiles, plastiques souillés,…), ils seront utilisés soit en valorisation énergétique en cimenterie, soit pour alimenter des petites unités d’électricité décentralisée qui pourront répondre aux nombreux besoins des entités non connectées au réseau. Cette technologie, notamment, a été développée par la société française ETIA et commercialisé par sa filiale Biogreen Africa.

 

S’agissant des déchets industriels et commerciaux, ce sont ces industries et ces entreprises de services qui devraient supporter le coût de la collecte et du traitement de leurs déchets. Mais encore faudrait-il que ces solutions existent. Des filières informelles existent déjà pour les déchets traditionnels tels que les huiles usées ou les pneus en fin de vie, mais pas forcément respectueuses de l’environnement. Il existe donc un potentiel de valorisation de ces déchets qui devrait motiver des acteurs privés à organiser des filières « professionnelles » avec le support des administrations environnementales.

 

Le cas est plus compliqué pour les déchets toxiques. Des solutions de recyclage et de valorisation existent, mais ils sont coûteux (batteries de voitures, déchets électroniques par exemple). Cela est d’autant inquiétant, que ces volumes, bien que plus limités en volumes, sont potentiellement beaucoup plus nuisibles pour l’environnement. Mais pour être plus pragmatiques, il faut déjà organiser la valorisation des déchets non dangereux. Le reste devra suivre au fur et à mesure des capacités budgétaires.

 

Le développement de l’Afrique sera assuré si la cohérence de l’ensemble est préservée. Parmi les challenges évoqués, se trouvaient l’électrification et la sécurité alimentaire. Le potentiel de valorisation énergétique en Afrique est énorme : Déchets ménagers, déchets industriels et commerciaux, biomasse peuvent être utilisés pour alimenter des unités décentralisées dont l’Afrique a le plus grand besoin. La sécurité alimentaire va nécessiter la « re-fertilisation » des terres agricoles. Des années d’engrais chimiques et de pesticides ont déstructuré les sols. La valorisation des déchets organiques via la production de bio-engrais (composts dopés en ferments et bactéries), pourra participer à cet effort de relance de l’agriculture organique, seule solution durable au challenge de la sécurité alimentaire.


 

 

Pierre Delcroix est consultant pour l’Afrique en projets environnementaux d’économie circulaire, qui sillonne, depuis 20 ans, le continent africain pour des groupes français du traitement des déchets. Il participe notamment au projet qui concerne la gestion des déchets ménagers de la ville d’Abeokuta, la capitale de l’état d’Ogun, au Nigeria.

Contact : delcroixconsulting@gmail.com

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