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Mourad Mnif : “L’infrastructure existe, mais l’accessibilité et l’usage restent limités”

Mourad Mnif, directeur de PwC Tunisie, revient sur l’état du secteur des télécommunications en Afrique subsaharienne. Entre couverture, accessibilité, défis structurels et solutions concrètes, il explique comment le continent peut tirer parti de ses infrastructures pour favoriser l’inclusion numérique et stimuler la croissance économique.

Pouvez-vous nous présenter votre rôle et votre mission auprès des opérateurs et autorités en Afrique ?

 Je suis Mourad Mnif, directeur PwC en Tunisie, en charge de l’activité télécom. Nous accompagnons les opérateurs, les autorités de régulation et les ministères dans le développement de leurs stratégies, que ce soit pour optimiser les réseaux existants ou préparer l’évolution des services numériques. Notre rôle est de conseiller sur les politiques sectorielles et les plans d’investissement pour renforcer le secteur des télécommunications.

Quel est l’état actuel de la couverture et de l’accessibilité mobile en Afrique subsaharienne ?

 En termes de couverture, on observe que 85 % de la population est desservie par la 3G et 65 % par la 4G. Mais l’accessibilité reste très limitée : seulement 23 % de la population peut réellement accéder à la data mobile, et parmi ceux vivant dans les zones couvertes, 60 % ne profitent pas de ces services.

Les raisons sont multiples : faible littératie numérique, coût élevé des smartphones et usages limités malgré la présence des infrastructures. On constate donc un réel décalage entre couverture technique et adoption effective des services mobiles.

Quels sont les principaux défis auxquels le secteur doit faire face ?

 Le premier défi est la saturation du marché. La concurrence intense entre opérateurs entraîne une baisse des tarifs et donc de la profitabilité. Ensuite, les coûts d’exploitation sont très élevés, notamment liés à l’énergie et à la maintenance, et sont aggravés par l’inflation, ce qui freine les investissements.

Troisième défi : la qualité de service est affectée par le manque d’investissement. Moins de ressources signifie moins de déploiement d’infrastructures et de maintenance, impactant directement l’expérience utilisateur. Enfin, le développement du numérique est freiné par une faible littératie et par le coût élevé des services et équipements.

Quelles solutions pourraient permettre de surmonter ces obstacles et stimuler l’adoption mobile ?

 Plusieurs leviers sont possibles. D’abord, le développement des infrastructures dans les zones rurales, via des mécanismes comme le service universel. Ensuite, rendre les smartphones plus abordables grâce à une baisse des droits de douane et des taxes spécifiques au secteur.

Il est également essentiel de stabiliser le cadre juridique et réglementaire pour encourager les investissements privés et faciliter le partage d’infrastructures entre opérateurs. Enfin, le renforcement des compétences et de la littératie numérique à travers des formations ciblées est un facteur clé pour augmenter l’usage et maximiser l’impact économique.

En conclusion, quel enseignement principal tirez-vous pour le secteur en Afrique ?

 L’infrastructure existe, mais l’accessibilité et l’usage restent limités. Pour que le secteur contribue pleinement à la croissance économique et à l’inclusion numérique, il est nécessaire de combiner leviers économiques, sociaux, réglementaires et légaux, tout en investissant dans la formation et l’éducation numérique.

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