ActualitéArchives

Maroc « L’Afrique a son mot à dire dans le débat mondial! »

A l’occasion du forum Crans Montana, organisé pour la seconde année consécutive à Dakhla, ville du sud marocain, du 17 au 22 mars, le Royaume a réitéré son intention d’accélérer la coopération sud-sud en vue de réaffirmer la place de l’Afrique sur la scène internationale. La sienne par la même occasion dans un contexte de tension diplomatique entre Rabat et l’ONU autour de l’épineuse question du Sahara Occidental.

 

De quels sujets peuvent échanger des personnalités telles que le révérend afro-américain Jessie Jackson, l’ancien ministre français de l’Intérieur Claude Guéant, Rula Ghani, première dame de la République d’Afghanistan, Mladen Ivanic, membre de la présidence collégiale de la Bosnie Herzégovine, Stjepan Mesic, Président de la Croatie, Paulo Portas, vice-premier ministre portugais, ou encore l’ex-Président de la République Tchèque, Václav Klaus, réunis à Dakhla ? De l’Afrique ! L’idée peut paraitre étonnante, c’était pourtant le pari de Crans Montana, la fondation monégasque, qui tenait son assemblée annuelle du 17 au 22 mars dernier, pour la seconde année consécutive, dans cette ville aux portes du désert marocain, point de connexion, depuis des siècles, entre le Maghreb, l’Afrique subsaharienne… et le reste du monde. Un positionnement que le Royaume Chérifien entend réaffirmer, en invitant aux renforcements des relations sud-sud. Et c’est là que les participants au forum, qui accueillait près de 1200 panelistes et pas moins d’une centaine de nationalités, étaient invités à s’exprimer, en mettant à profit leurs propres expériences.

 

« L’Afrique se trouve aujourd’hui dans une phase charnière de son histoire »

 

 

Et le ton a été donné, dès la séance d’ouverture par le roi Mohammed VI, à l’occasion d’un discours lu par le président de la région de Dakhla. « Le Maroc a fait de l’Afrique une des priorités stratégiques de sa politique extérieure. Ce choix puise ses fondements dans l’appartenance géographique du Maroc au continent et dans son histoire millénaire qui a profondément façonné son identité et sa culture africaines, rappelle le souverain. Le Maroc ne cesse d’œuvrer en faveur d’une Afrique moderne, audacieuse, entreprenante et ouverte, une Afrique fière de son identité, forte de son patrimoine culturel et capable de transcender les idéologies surannées ».

 

Évoquant le thème de cette édition, la coopération sud-sud, il déclare : « l’Afrique se trouve aujourd’hui dans une phase charnière de son histoire, elle a besoin de la mise en place de stratégies, instruments et mécanismes novateurs pour consolider sa marche vers le progrès. Il faudrait à cet effet que l’Afrique s’affranchisse définitivement des carcans hérités de son passé colonial et se tourne résolument vers son avenir, en faisant davantage confiance à elle-même et à ses propres capacités. Le Royaume du Maroc, qui a toujours rejeté la logique de « l’afro-pessimisme », prône et défend une action solidaire, déterminée et volontariste pour l’émergence d’une « nouvelle Afrique » ».

 

Dakhla, un hub entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne

 

A ce titre, l’organisation du forum Crans Montana, dans la ville de Dakhla, « la perle du Sud du Royaume », pour la seconde année consécutive se veut tout un symbole. « En effet, le nouveau modèle de développement de la région du Sahara adopté par le Royaume ambitionne de faire de cette région un hub entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. Dans ce sens, la ville de Dakhla est appelée à avoir une position centrale dans le futur hub économique africain qui sera dédié au service de la paix et de la stabilité dans la région subsaharienne. » Et de conclure : « Le monde, et nos régions en particulier, font face à des défis environnementaux sans précédents. Et l’Afrique a son mot à dire dans ce débat mondial. Elle ne devrait ni se taire ni se laisser faire et encore moins se réduire à choisir entre développement et écologie ».

 

Une parole qui s’exprimera tout au long du forum à travers des tables ronde qui traiteront d’énergie, de régionalisation, de la place des femmes et des jeunes… Et du « modèle marocain » particulièrement. « Vous savez que si vous êtes venus ici, au Maroc, ce n’est pas par hasard, souligne Jean Paul Carteron, président du forum. Nous sommes dans l’un des rares pays qui, dans les tempêtes diverses qui agitent notre monde, maintient son cap dans la sérénité. Cela, nous le devons à la dimension visionnaire d’une dynastie qui, depuis des décennies, règne dans ce pays, à l’action de son roi aujourd’hui, et surtout à une population qui sait où se trouve son avenir et comment on peut conjuguer le respect de la tradition, sans laquelle les humains sont perdus dans cette mondialisation, et le progrès social ». Et à son tour d’assurer : « grâce à une vision, une politique volontariste et des investissements colossaux, nous sommes ici dans un lieu de l’Afrique où l’on fait la démonstration que le miracle est possible. Dakhla, sera bientôt le hub de l’Afrique occidentale, le point de connexion avec le monde ».

 

Un nouveau modèle de développement régional

 

Des propos confirmés par Ynja Khattat, premier président de la région Dakhla-Oued Eddahab, depuis septembre 2015 et la nouvelle carte territoriale adoptée par le Royaume qui divise le pays en douze régions. « Le Maroc est un arbre dont les racines sont ancrées en Afrique mais dont les branches s’étendent en Europe », commence par lancer Ynja Khattat, célèbre phrase de feu Hassan II qui résume la stratégie nord-sud et sud-sud de Rabat, avant de poursuivre sur le modèle « Dakhla ». « Hub maritime, aérien, portuaire, routier… L’objectif est d’en faire une plaque tournante des échanges internationaux, commerciaux et culturels entre les pays de l’Afrique subsaharienne d’une part, avec le monde d’autre part. Ce hub est désormais en cours de réalisation », selon un plan énoncé dans le discours du roi célébrant le 40eme anniversaire de la Marche verte, confirmé lors de sa dernière visite dans la région. « Ce sont des mesures destinées à assoir, sur des bases solides, une régionalisation avancée, axée sur le développement durable, une plus grande équité dans la distribution des richesses, la promotion de l’emploi en faveur des jeunes et des femmes, la connexion des unités de production régionales au réseau électrique national… ».

 

Le développement des provinces du sud revêt un autre symbole pour Rabat : renforcer l’intégrité territoriale marocaine à travers un nouveau mode de gouvernance et d’en finir avec la politique de subvention de ces territoires coûteuse et non productive. « Il s’agit de permettre aux populations locales de gérer leurs propres affaires, dans le cadre d’une bonne gouvernance territoriale, poursuit le président régional. Aujourd’hui, nous voulons opter pour une véritable rupture dans la gestion du Sahara, une rupture avec l’économie de rente, à travers de grands chantiers ». Ainsi, les provinces du sud, érigées en 3 régions, doivent constituer des pôles économiques compétitifs. Selon la feuille de route suivante : mise en valeur de l’activité pêche ; construction du port de Dakhla Ocean, sur la cote atlantique ; connexion au réseau national électrique pour répondre aux besoins locaux croissants ; mise en place d’une station de dessalement d’eau de mer ; valorisation d’un patrimoine culturel local à travers la promotion de l’écotourisme, entre mer et désert : réhabilitation des forets et lutte contre la désertification ; création de ceinture verte autour des villes ; préservation et valorisation de la biodiversité, allégement pression pastorale ; promotion de l’emploi et formation avec la construction de 16 établissements scolaires et d’un centre de formation en commerce et gestion… Des investissements portés à hauteur de 60% par la région, 40 pour l’Etat en vue de faire de la région de Dakhla ce trait d’union voué à la coopération sud-sud et le reste du monde.

 

Une erreur de casting ?

 

Le reste du monde était également de la partie, partageant ses observations et expériences, « tout en se gardant de donner des leçons », ainsi que l’a exprimé l’ancien Président tchèque. « Je dois reconnaitre ma méconnaisse de l’Afrique, je ne l’ai parcourue que lors de visites officielles, ce ne sont pas les meilleures conditions pour comprendre un pays, encore moins un continent, admet Václav Klaus avant de poursuivre. La République tchèque est un petit pays d’Europe centrale, ex-communiste, aujourd’hui membre de l’Union Européenne. Finalement, nous ne sommes ni l’Est, ni l’Ouest ». Concernant l’Afrique, il invite le continent à créer ses propres modèles. « Après la chute du communisme, nous avons été envahis par des conseillers, des gens qui voulaient tous notre bien, sans avoir aucune connaissance du pays et de son histoire complexe, et qui représentaient surtout les intérêts d’ONG, Etats et autres lobbies financiers, etc… Beaucoup de pays africains, aujourd’hui, sont dans une situation assez similaire. Il n’existe pas de science de transition ! L’Afrique doit trouver son propre chemin à partir de principes économiques largement partagés. Il n’y a aucun doute que le continent compte suffisamment d’Africains extrêmement compétents, il ne faut pas les bloquer dans leurs efforts avec les connaissances préfabriqués d’experts étrangers ». Allusion à la crise des migrants, il finit ainsi : « La norme n’est pas de migrer. L’Afrique a besoin des meilleurs Africains en Afrique. Les encourager à aller en Europe en tant que main d’œuvre bon marché est contre-productif ». Dits ainsi, les propos ne peuvent être qu’approuvés. « Sauf qu’ils nous a habitué à pire !, remarque un diplomate européen. Klaus est réputé pour ses déclarations racistes et anti-immigration » Récemment, il qualifiait l’arrivée des migrants syriens de « suicide européen ». « Il y a peut-être une erreur de casting dans ce forum, poursuit le diplomate, partager les expériences, c’est très bien, mais la présence de Klaus ou même de Claude Guéant, qui était quand même la plume de Sarkozy qui a signé, dans le discours de Dakar, ces déclarations sur l’Afrique qui n’est pas encore dans l’histoire… C’est tout de même assez étonnant »

En attendant, ce coup de projecteur sur l’exemple marocain ne pouvait pas mieux tomber : dans un contexte de tension entre Rabat et l’ONU sur l’épineuse question du Sahara Occidental, le Maroc a trouvé de nouveaux alliés…


 

Par Dounia Ben Mohamed, en direct de Dakhla

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page