L’Union du Maghreb Arabe, une organisation qui peine à démarrer
Les Etats du Maghreb partagent de nombreuses similarités. On pourrait légitimement s’attendre à ce qu’ils mettent donc en place des mécanismes de coopérations poussés afin d’améliorer leurs échanges économiques. Sauf que la réalité est tout autre et l’Union du Maghreb Arabe (UMA), qui rassemble l’Algérie, Libye, Mauritanie, Maroc et Tunisie, patine.
Le marché nord-africain reste « l’un des moins dynamiques d’Afrique avec un commerce intra-régional oscillant autour de 4% des échanges des Etats membres », expliquait le 5 décembre, Omar Abdou Rahman, directeur par intérim du Bureau Afrique du Nord de la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Selon les estimations, la non-intégration fait perdre une croissance annuelle de 2 à 3% du PIB aux pays de la région.
Au sein du trio maghrébin, l’Algérie et le Maroc ne parviennent pas à dépasser leurs divergences, marquées par le dossier du Sahara Occidental. Pire encore, les deux pays jouent la surenchère en procédant à la construction d’un mur de part et d’autre de la frontière, longue de 1500 kilomètres et fermée depuis 22 ans
Nécessité de relancer l’UMA
Lors de la réunion du 5 décembre, on évoquait pourtant la nécessité de relancer l’UMA afin de renforcer la croissance dans la région. Mais pour l’instant les données démontrent que les pays sont plus enclins à traiter avec des partenaires européens ou asiatiques qu’avec les marchés voisins.
Selon un rapport publié cette année par la CEA, l’Algérie pèse 42 % du PIB maghrébin mais « ne délivre pas l’une des meilleures performances pour ce qui est de l’intégration régionale ». Les chiffres de la Douane algérienne, portant sur la période de janvier 2016, montrent que les exportations vers le Maroc et la Tunisie ont connu une baisse respective de 55,7% et 28,89% par rapport à Janvier 2015. La Tunisie est le 10ème principal client de l’Algérie, avec des ventes d’une valeur de 64 millions de dollars, soit 3,31% des exportations. Le Maroc est 15ème et représente 1,19% des exportations algériennes, soit 28 millions de dollars. Aucun des deux voisins ne figure parmi les principaux fournisseurs de l’Algérie.
Une tendance à la baisse
Au sein de l’UMA, on constate que les neuf premiers mois de l’année 2016, confirment la tendance à la baisse des échanges entre l’Algérie et les autres pays. L’Algérie exporte principalement des hydrocarbures et a vu son solde commercial baisser en même temps que les cours du pétrole. Toujours selon les données fournies par la Douane, la valeur des exportations est passée de 3065 millions de dollars en 2014 à 1607 millions en 2015. Même tendance à la baisse pour les importations en provenance des pays de l’UMA (738 millions de dollars en 2014 contre 674 millions en 2015).
Au Maghreb, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie forment un marché de 86 millions de consommateurs potentiels et possèdent un vivier professionnel important. La mobilité pourrait faciliter les échanges de compétences mais des lacunes en matière de libre circulation des personnes persistent encore, note la CEA. Au niveau continental, l’organisation préconise aux pays d’envisager la délivrance des visas à l’arrivée ou par bloc régional, en appelant les dirigeants à mettre en place un passeport numérisé pouvant être scanné lors des contrôles de l’immigration.
Pour ce qui est du transfert de marchandises, il y a encore des difficultés logistiques à surpasser. Entre l’Algérie et la Mauritanie, il n’existe toujours pas de post-frontière faisait remarquer, en novembre, Abderrahmane Benhamadi dirigeant de l’entreprise algérienne Condor. Un représentant algérien, rencontré dans le pays expliquait que les produits mettaient plusieurs jours à être acheminés par voie maritime. Ce dernier se voit concurrencer par les contrebandiers qui « exportent » plus vite par voie terrestre. Pour faciliter les échanges commerciaux, le premier ministre Abdelmalek Sellal a récemment annoncé l’ouverture d’un post-frontalier, sans toutefois donner de date précise.
L’exemple du secteur médical
« L’intégration ne s’est pas encore faite pour le Maghreb », tranche Fares Bachtarzi, responsable commercial d’IMC Industrie, leader du consommable médical en Algérie. Selon lui, l’UMA est figée. Il évoque alors les difficultés de l’entreprise dans les deux pays voisins.
« Pour le Maroc, il n’y a pratiquement rien. Il faut un distributeur marocain et nos produits, des échantillons, sont souvent bloqués à la douane marocaine. Est-ce que c’est le distributeur ou bien la douane qui n’en pas voulu ? On ne sait pas. » L’entreprise, spécialisée dans la fabrication de produits pharmaceutiques, exporte vers la Tunisie via un distributeur. « On n’excède pas 100 000 euros. Pour un pays comme la Tunisie, c’est rien ! Pourtant l’entreprise est présente en Europe et a réussi à conquérir des marchés aussi lointains que le Liban, le Japon ou même Madagascar. Elle est aussi bien implantée dans de nombreux pays subsahariens ainsi qu’en Mauritanie, membre de l’UMA. »
Si ses à yeux l’UMA sonne encore creux, il convient que les « autorités peuvent mettre en place, comme en Europe, la reconnaissance mutuelle des autorités de santé. Si un produit est en libre vente dans un pays de l’UMA, il doit avoir aussi son accès en matière de distribution dans le pays donné, se basant sur une reconnaissance mutuelle des procédures de validation de produit. Les choses doivent être faites en haut-lieu, mais cela reste aussi tributaire de la qualité des relations entre pays de l’UMA », concède-t-il.
Ce dernier évoque aussi le nécessaire accompagnement des candidats algériens à l’export. En Afrique, l’entreprise mise sur le transfert de technologie mais là encore les difficultés sont réelles. « Jusqu’à preuve du contraire nous n’avons pas de banque algérienne à l’extérieur. Et la réglementation des changes reste difficile à mettre en œuvre », conclut le responsable.