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Longa Andrea Mbuyamba  : une ode à la sororité numérique et panafricaine

Alors que le numérique révolutionne le continent africain, une question cruciale se pose : peut-on véritablement transformer notre avenir numérique sans renforcer l’influence des femmes dans l’écosystème ? Longa Andrea Mbuyamba, professionnelle de la tech et fondatrice d'Abidjanaises In Tech, souligne l'impérieuse nécessité de l'inclusion des femmes dans cette révolution. Dans cette tribune, elle nous livre une ode à la sororité numérique panafricaine et expose les défis et les aspirations des femmes qui façonnent le numérique en Afrique.

Peut-on transformer notre avenir numérique sans renforcer l’influence des femmes dans l’écosystème ? 

Le numérique est un levier majeur du développement économique et de la transformation sociétale. Il est impératif que cette évolution soit inclusive, en intégrant les besoins et perspectives de tous, notamment des femmes.

La technologie bouleverse notre continent à une vitesse vertigineuse, ouvrant des horizons nouveaux et révolutionnant les secteurs traditionnels. Cependant, cette révolution numérique reste incomplète tant que les femmes, qui représentent la moitié de la population du continent et de sa diaspora, ne participent pas pleinement à ce changement.

L’économie africaine, à l’instar de nombreuses autres, souffre d’une pénurie de talents, particulièrement dans le secteur numérique. Selon une étude de la Banque Mondiale, moins de 30% des professionnels de la tech en Afrique sont des femmes. La croissance des effectifs féminins diplômés en tech sur le continent entre 2019 et 2022 n’est que de 7%, un chiffre encore insuffisant face aux besoins exponentiels des entreprises. Dans l’écosystème de l’innovation, on note que les startups dirigées par des femmes en Afrique ont reçu moins de 3% des 5 milliards de dollars d’investissements en capital-risque.

Face à ces chiffres et aux enjeux économiques, sociaux et sociétaux, investir dans la féminisation des métiers et de la filière du numérique est crucial. Le manque de femmes dans les métiers du numérique résulte d’une situation multifactorielle qui ne cesse de se dégrader, allant de l’éducation et l’orientation des jeunes femmes vers les filières scientifiques et techniques à leur insertion professionnelle, sur toute la chaîne de valeur. Pourtant, de nombreuses femmes ont été à l’origine d’avancées majeures dans le numérique et les sciences. Il est essentiel de comprendre les raisons derrière leur absence. Elles demeurent confrontées à divers obstacles socio-économiques et démographiques qui entravent leur progression, tels que le plafond de verre, l’accès aux financements, le manque de représentation, les discriminations, la méconnaissance des formations, ou encore l’absence de réseau.

Moins de 30% des professionnels de la tech en Afrique sont des femmes

Je m’appelle Longa Andrea Mbuyamba, je suis l’une de ces 30% de femmes professionnels de la tech en Afrique depuis que j’ai décidé de quitter la France pour m’installer en Côte d’Ivoire. Passionnée par ce domaine mais aussi cherchant à mieux évaluer mes options de carrière en Côte d’Ivoire, j’ai fait de nombreuses recherches. Mes recherches m’ont rapidement révélé que la plupart des entreprises sont encore aux prémices de leur transformation numérique.  Elles reconnaissent la nécessité de moderniser et de sécuriser leurs systèmes d’information, ce qui crée des opportunités d’emploi. Toutefois, l’insertion professionnelle n’est pas toujours aisée, même avec les diplômes et certifications adéquats. Néanmoins, l’enthousiasme autour de ce domaine améliore de plus en plus la situation économique de nombreuses personnes. Cette trajectoire vers l’Afrique est aussi la continuité de deux initiatives fortes auxquelles j’ai appartenu en France visant chacune à reconnecter l’Afrique et sa diaspora en Europe en s’appuyant sur notre double identité, Panafrican Stories et le Congo Synergie Club. 

C’est dans ce contexte que j’ai commencé à explorer l’écosystème technologique, principalement pour les femmes. J’admirais certaines femmes avec des parcours d’excellence, mais j’étais frustrée de ne pas les voir porter leurs voix aussi haut que celles des grandes figures de la technologie du pays, bien qu’elles puissent inspirer de nombreuses jeunes filles. Toutes ces observations m’ont amenée à me poser de nombreuses questions. En tant que femme dans la tech en Afrique, ai-je un rôle à jouer pour inverser cette tendance ? Quel doit être mon niveau d’engagement envers l’écosystème ? Comment accéder aux grandes opportunités de l’économie numérique ?

J’ai eu la chance d’être entourée de sœurs du numérique avec qui, en petit comité, nous passions des heures à réfléchir, débattre et nous questionner sur ces sujets. Nos challenges professionnels étaient spécifiques, et nos réflexions nourries par cette sororité. Les questions liées à l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, ainsi que la lutte contre les stéréotypes de genre, étaient des aspects essentiels de nos expériences. Cette solidarité entre femmes a renforcé notre désir d’agir pour créer un environnement propice à l’épanouissement des femmes dans le secteur technologique en Côte d’Ivoire.

Progressivement, nous avons créé une communauté qui a rapidement suscité un intérêt sur les réseaux sociaux, répondant à un besoin réel. En peu de temps, nous avons touché un large public sur des sujets de fond tout en s’adaptant aux codes des réseaux sociaux. Par exemple, nous avons démystifié les stéréotypes sur les métiers technologiques, et mis en lumière des parcours de femmes à travers du storytelling pour créer davantage de modèles de réussite.

C’est ainsi qu’est né Abidjanaises In Tech, basé en Côte d’Ivoire mais tourné vers le monde avec une équipe de femmes passionnées et engagées. Un des premiers club d’affaires dédié aux Women in Tech en Côte d’Ivoire, une plateforme où les femmes peuvent se développer, collaborer et s’entraider pour briser les barrières qui limitent leur participation dans le secteur technologique. Pour nous, être une Abidjanaise in Tech signifie bien plus qu’un emploi, c’est un engagement profond à contribuer positivement à la transformation de la Côte d’Ivoire à travers la technologie. Ce sont ces interactions avec entre femmes dans l’écosystème tech en Côte d’Ivoire et au-delà qui révèlent des histoires similaires de défis, mais aussi de résilience et de talent. Il est devenu clair que pour créer un impact durable, il fallait agir collectivement.

Notre vision est ambitieuse mais réalisable : créer le vivier le plus puissant d’expertes en technologies en Afrique

Ce plaidoyer est donc une ode à la sororité numérique panafricaine, qui permettra de renforcer l’influence des femmes dans la transition numérique et la digitalisation du continent africain. Notre appel s’adresse également à ceux que nous appelons les HeForShe avec qui nous devons co-agir, et surtout aux acteurs de l’écosystème que nous mobilisons pour mettre en place des actions à tous les niveaux.

Notre vision est ambitieuse mais réalisable : créer le vivier le plus puissant d’expertes en technologies en Afrique. Nous croyons fermement que pour y parvenir, il est essentiel de :

1. Favoriser le transfert de connaissance et le mentorat : Nous organisons des ateliers, des sessions de partage d’expérience et du mentorat pour renforcer les compétences techniques et de leadership des femmes. Nous croyons que le mentorat est un outil puissant, capable de transformer des vies et d’inspirer un changement positif.

2. Créer des opportunités grâce au réseautage : En connectant les femmes de l’écosystème tech, nous facilitons les échanges d’idées, la collaboration sur des projets innovants et l’accès à des opportunités professionnelles. Nos événements réguliers, qu’ils soient en ligne ou en présentiel, visent à tisser des liens solides entre les membres de notre communauté. 

3. Promouvoir la visibilité : Trop souvent, les réalisations des femmes en tech sont méconnues. Nous mettons en lumière les succès de nos membres à travers divers canaux de communication comme notre talk-show disponible sur la chaîne Youtube abidjanaisesintech sur les femmes qui façonnent la Tech en Côte d’Ivoire.

4. Accroître l’accès aux opportunités : En partenariat avec des acteurs bienveillants privés, des acteurs publics et des associations de l’écosystème de la technologie en Côte d’Ivoire, nous proposons des invitations à des événements de haut niveau, des avantages pour accompagner les entreprises de nos membres, des prises de paroles en public pour féminiser les panels etc., 

5. Le pouvoir des chiffres :La démarche scientifique d’Abidjanaises In Tech implique une approche systématique de collecte, d’analyse et de diffusion de données pertinentes pour comprendre la situation des femmes dans le numérique et œuvrer en faveur d’un écosystème technologique plus équitable et inclusif.

En créant des ponts entre les femmes de  pays africains, nous pouvons renforcer nos ressources et ainsi maximiser notre impact différents collectif

Pour concrétiser cette vision, nous devons agir sur plusieurs fronts. Nous accordons une importance particulière aux données. L’impact d’Abidjanaises In Tech se mesure  notamment par le nombre croissant de synergies. Nous créons et mesurons nos activités et nos actions pour enrichir la recherche sur les femmes dans la tech grâce à notre application développée par notre cabinet Meraky Tech, et le baromètre sectoriel que nous diffusons. Aujourd’hui, nous comptons plus de 280 membres dont 38% de professionnelles et 31% d’entrepreneures/startups, nous avons généré plus d’une cinquantaine d’opportunités en un an (public speaking, emplois, deals d’affaires, presse, intermédiation, bénévolat) grâce à la qualité de notre vivier allant du développement, à l’IA, la robotique, la cybersécurité, et même la réalité virtuelle. Sans compter les certifications ou diplômes reconnues en son sein telles que MIT, PMP, CISA, etc. Ces femmes ont des parcours ordinaires et extraordinaires qui forment des histoires inspirantes, donnant de l’espoir pour la souveraineté numérique du continent. Ces femmes ont toujours excellé dans leur domaine, Abidjanaises In Tech les a simplement connectées. Quand l’une de nos membres a dit « J’ai négocié des contrats d’une valeur totale estimée à plus de 30 millions de F CFA pour mon entreprise grâce au réseau Abidjanaises In Tech. L’esprit de sororité y réside réellement et sans arrière-pensée. » j’ai compris que nous étions sur la bonne voie.

Nous avons aussi compris que le modèle de développement de notre réseau est réplicable est c’est pour cela que depuis peu Abidjanaises in Tech n’est plus seulement qu’une organisation en Côte d’Ivoire avec une antenne parisienne; c’est un mouvement qui s’étend vers nouveaux espaces panafricains pour l’inclusion, l’excellence et le rayonnement du continent.  En créant des ponts entre les femmes de différents pays africains, nous pouvons renforcer nos ressources et ainsi maximiser notre impact collectif. Notre second chapitre a lancé officiellement ses activités à Lomé sous le nom de Togolaises In Science, et deux autres chapitres vont se rajouter sur la carte d’ici la fin de l’année. 

Rejoignez-nous dans cette aventure et contribuez à créer des environnements où les femmes peuvent prospérer, inspirer et transformer durablement les communautés technologiques en Afrique.

Nous sommes des Abidjanaises de la tech & des Women In tech In Africa, et vous ? 

*Par Longa Andrea Mbuyamba au nom de l’équipe fondatrice et de base inspirante Anah Coulibaly, Ella Ruth Assie, Sophie Tall, Chahine Kondoh, Fifi Kouyate, Corinne Naye, Awa Ndoye, Sarrah Coulibaly, Schekinaelle Aboa, Aurore Zorobi, Iden Lida, Djamila K. Ahmed, Natasha Dimban, Ursula Ndombele, Amandine Pinto et au nom des 280 membres inspirantes des Abidjanaises In Tech. 

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