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Le commerce du fer de récupération en vogue au Togo

Depuis quelques années, le Togo est devenu la plaque tournante du commerce du fer de récupération communément appelé dans le pays «Gakpo gblégblé». L’activité emballe de plus en plus de jeunes. Munis de sacs, de chariots communément appelés « pousse-pousse » ou à bord de charrettes, ils sillonnent les quartiers à la recherche de fer de récupération.

Pour juguler la crise au Togo, des jeunes et même des personnes adultes font recours au ramassage de fer usé. A longueur de journée, des camions chargés de ferrailles sont visibles dans les artères de la capitale togolaise en direction du port autonome de Lomé. Ce fer est exporté la plupart du temps vers l’Inde, la Chine ou l’Arabie Saoudite. C’est un commerce qui est devenu un gagne-pain et un job pour certaines familles.

 

Le commerce de fer, un marché juteux

 

Samedi 18 juin 2016. Il est un peu plus de dix heures. Le soleil commence à se faire mordant et la chaleur s’annonce comme à l’accoutumée en cette période de l’année dans la capitale togolaise. Kossi, la vingtaine, s’attèle, avec ses trois camarades, au chargement d’une remorque stationnée à l’entrée d’une cour au quartier Bè, un quartier populaire de la capitale togolaise. Leur tâche consiste à remplir le camion de la « montagne » de ferraille stockée à l’intérieur d’une cour visiblement inhabitée. « Nous avons commencé le chargement hier et nous espérons finir d’ici le soir. Dans le cas contraire, nous le terminerons demain dimanche », indique Kossi.

 

Etudiant en première année à l’Université de Lomé, Kossi est parallèlement « chargeur de ferraille » à ses heures libres et ce, affirme-t-il, depuis la classe de seconde. En groupe avec ses amis, l’étudiant loue ses services, parfois deux fois par semaine à travers la ville, moyennant une certaine somme d’argent. « A présent, nous sommes quatre et nous faisons ce travail pour cent mille francs CFA que nous nous partagerons », précise le jeune homme.

 

Hormis les chargeurs, il y a les grossistes qui achètent le fer chez les ramasseurs. Ces derniers sillonnent les abords des concessions et autres dépôts d’ordures pour ramasser des morceaux de ferraille qu’ils revendent aux grossistes à quelques centaines de francs CFA. Il ne passe pas un jour sans que ces jeunes, munis de sacs communément appelé « Bafana », fouinent et trient, patiemment, jusqu’à épuisement parfois, avec leurs mains habiles et nues, les ordures des décharges publiques composées de verres, papiers, plastiques, cartons, métaux et autres à la recherche d’objets récupérables. « Je passe toute la journée sur les décharges publiques pour chercher des objets recyclables. Ici, nous trouvons tout, parfois sur des déchets horribles, de cadavres d’animaux et autres souillures. Mais je n’ai pas le choix, puisque c’est grâce à ça que je vis. Je vais de quartier en quartier pour augmenter mes chances de trouver plus de fer à revendre le soir avant de rentrer à l maison avec un peu d’argent en poche », nous explique Akpénè, 15 ans à peine.

 

Il en est de même pour des intermédiaires, ramasseurs ou acheteurs, qui déambulent dans les rues et ruelles, allant aussi de maison en maison, avec des charrettes déjà remplies ou à la recherche d’ustensiles et autres objets en fer inutilisables pour les ménages. « Les prix du kilogramme varient constamment si bien qu’il m’est difficile de vous donner un montant », confie Kouma, un grossiste.

 

Ces fers usés devenus des objets de grande valeur

 

La vente de fer usé est une activité en plein essor au Togo. Avec des « pousse-pousse », des collectionneurs prennent d’assaut les ménages, les dépotoirs, les garages et autres lieux à la recherche de ces fers usés devenus des objets de grande valeur. Nous sommes sur un site de regroupement d’objets recyclables et de pièces d’engins. Celui d’Akodessewa, un quartier situé à l’Est de Lomé. Ici, tous les collectionneurs ont pour point de chute le marché d’Akodessewa. Sur ce marché, des réfrigérateurs visiblement en état, des réchauds, des portières et des carrosseries de véhicule, des motos, des postes téléviseurs et radios, des ventilateurs, des batteries,…etc sont exposés, avant la mise en conteneur pour la Chine. A l’aide de la balance, ils pèsent toute la ferraille qu’on leur ramène. Le prix du kilogramme du métal varie d’un recycleur à l’autre. 1 kilo de fer simple est à 100 FCFA. Celui de l’aluminium est à 350 FCFA.

 

Le cuivre reste l’oiseau rare dans cette activité, parce que c’est le métal le plus cher, à en croire Kodjovi, un grossiste du commerce du fer à Akodessewa. « Le kilo du cuivre est à 650 FCFA », nous confie-t-il. C’est une matière difficile à trouver sur les dépotoirs. « Rares sont ceux qui nous amènent cette matière rare. Le cuivre se trouve essentiellement dans les fils électriques. Ces fils ne se trouvent pas n’importe où. Mais cela fait notre affaire quand nos clients nous en amènent », a ajouté Kodjovi, un recycleur rencontré dans un atelier de recyclage à Lomé. Tout comme Kodjovi, ils sont nombreux à s’investir dans cette activité rentable.

 

Entre 120.000 et 140.000 francs CFA la tonne de fer de récupération

 

« J’ai laissé mon travail de cordonnier, spécialisé dans la réparation de chaussures, pour la vente de fer. Je gagne suffisamment pour nourrir ma famille. Je peux acheter du fer pour 50.000 FCFA par jour et revendre à 80.000 FCFA. C’est vraiment rentable comme business », a laissé entendre Kevin, collectionneur rencontré à Agoe, une banlieue de la capitale togolaise. « Je me suis lancé dans cette activité de ma propre initiative. Avec mon « pousse-pousse », je fais le tour de Lomé. Je gagne bien ma vie et je ne me plains pas. Je dois le dire, c’est un travail très rentable du point de vue revenu. Même les détaillants chez qui j’achète afin de stoker à mon niveau tirent leur épingle du jeu », avoue pour sa part Ibrahim, un autre détaillant de fer.

 

La récupération de ferrailles est devenue, ces trois dernières années, un secteur porteur au Togo et attire chaque jour davantage d’opérateurs économiques qui s’y investissent. De sources concordantes, de fin 2013 à 2015, une vingtaine de sociétés se sont installées et sont très actives dans la récupération et le ramassage de ferraille sur toute l’étendue du territoire, s’approvisionnant également à partir des pays comme le Bénin, le Niger, le Burkina Faso et le Mali.

 

Selon le directeur de la société Hodor et fils, une des sociétés installées à Lomé qui emploie près de 70 personnes, sa structure récupère entre 600 et 800 tonnes de ferrailles par mois. Cette ferraille récupérée est ensuit chargé dans des cargaisons ayant comme principales destinations l’Inde, la Chine ou l’Arabie Saoudite. Certains récupérateurs secondaires estiment vendre entre 120.000 et 140.000 francs CFA la tonne de fer de récupération.

 

Si les opérateurs en tirent un grand profit, les employés s’indignent de combien le travail est harassant sans compter qu’ils se disent mal payés. Ce qui n’est toutefois pas le ca de ce jeune originaire d’un village du Niger, la vingtaine passée, arrivé au Togo en 2014, qui a abandonné la vente de friperie à la criée pour se convertir en récupérateur ambulant de ferrailles. « Ça rapporte plus que la vente de friperie ; ça fait deux ans que j’ai commencé ce boulot et je me rends compte que je gagne ma vie beaucoup mieux qu’avant », a confié Moustafa.

 

Pour l’heure, les boîtes de conserve et la ferraille en général rapportent gros, non seulement à ceux qui assurent leur recyclage, mais aussi aux jeunes qui s’assurent le ramassage dans les artères du Togo et qui se mettent beaucoup d’argent en poche grâce à des opérations de récupération. Même si le recyclage de ces ferrailles contribue à l’assainissement de l’environnement et à la réduction de la pauvreté, il compromet l’éducation scolaire de nombreux jeunes qui s’y accrochent. Sans oublier les soucis de santé, d’autant que ces jeunes, outre le fait de fricoter avec les saletés des décharges d’ordures, sont souvent exposés au contact du plomb, nocif, contenu dans les accumulateurs.


 

Par Emmanuel Atcha

 

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