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La blockchain : la finance 2.0 en Afrique, est-ce possible ?

Selon le site de référence blockchain.info: 300 000 transactions financières numériques sont effectuées chaque jour dans le monde grâce à la blockchain.. Quelle est son impact sur le développement du continent ? Enquête de Rudy Casbi

 

La finance mondiale vit une révolution et l’Afrique n’y déroge pas. Les espèces disparaissent pour laisser place au numérique. Selon un rapport publié par la banque nationale du Kenya: 50% du PIB, entre 2016 et 2017, était le fruit de transactions financières numériques. Le pays compte quelques mastodontes dans ce secteur à l’instar de la société Safaricom. Lancée en 2007, elle compte aujourd’hui 30 millions d’utilisateurs répartis dans 10 pays du continent. La clé du succès réside dans le développement du mobile-money. Celui-ci fonctionne grâce à un système numérique permettant d’effectuer, de tracer et d’enregistrer des opérations financières effectuées par téléphones portables. D’autres pays ont fini par imiter le Kenya à l’instar du Zimbabwe où l’inflation avait fait disparaître l’an dernier la devise locale des marchés financiers internationaux. Face à cette situation, certains entrepreneurs se sont mobilisés pour proposer une alternative. A l’instar de Tawenda Kembo, dirigeant de la société BitFinance implantée à Harare: «Beaucoup de PME peinaient à payer leurs charges courantes. Quand je les ai démarchées, je leur ai présenté mon produit», explique-t-il avant d’ajouter: «Nous avons un système qui leur permet d’acheter d’acheter la cybermonnaie nécessaire à leur transaction » Grâce à cette alternative, ils continuent à payer les prestations auprès de leurs fournisseurs. Ces derniers doivent juste accepter et valider la transaction en crypto-monnaie au moment de la vente. Les éthers sont ensuite débités puis convertis en dollars vers le compte des fournisseurs «Ce procédé séduit nos clients puisque nous enregistrons une moyenne de 100 000 dollars de transactions par mois depuis notre plate-forme», affirme Tawenda Kembo.

Les banques réagissent

Dans la partie francophone, l’émergence de la crypto-finance, qui émane de la blockchain, pourrait aussi peser sur le débat autour du Franc CFA. Lamine Diallo, ingénieur spécialiste des crypto-monnaies auprès de la Société Générale, estime qu’une alternative est possible en s’appuyant sur les réseaux de télécommunications. «Déjà, il faut créer des réseaux nationaux. Ensuite, chacun des états pourrait acheter de la monnaie numérique depuis plusieurs serveurs décentralisés dans des sites spécialisés sécurisés». Des structures étatiques géreront ensuite ces réseaux de serveurs produisant ces monnaies numériques. Selon Lamine Diallo, l’économie réelle peut bénéficier de ces dispositions grâce à des applications créées à cet effet abritant des comptes bancaires virtuels. Ainsi, il sera désormais possible de payer en bitcoins ou éthéreums après les avoir converti. «En adoptant ce système, cette monnaie virtuelle ne serait indexée ou régulée par aucune banque centrale étrangère», explique-t-il. Enfin, ces cryptomonnaies offriraient aussi la possibilité d’être ajusté directement sur le cours des matières premières comme l’Or.

La crypto-monnaie s’adapte-t-elle aux besoins du continent?

Selon les données publiées par le site tradingwiew.com, 1 bitcoin vaut 10 000 dollars et 1 éther équivalait à 1 000 dollars. Si on transpose ces chiffres avec la moyenne des produits nationaux bruts des états du continent en 2017 qui était évaluée à 45 milliards de dollars selon la BAD : il faudrait alors générer près de 15 millions de bitcoins et 130 millions d’éthereums pour chacun des états via les serveurs. En conséquence: la création de ces devises virtuelles aurait également un fort impact énergétique. «Compte tenu des calculs cryptographiques intenses servant à créer puis sécuriser la monnaie et ses transactions, sa conception nécessite beaucoup d’électricité. Des réflexions sont en cours chez les ingénieurs pour réduire la facture énergétique de leur fabrication », explique Lamine Diallo.

Face à ces complexités actuelles, certains états tentent de faire preuve d’esprit de synthèse. La Tunisie s’est ainsi lancée récemment dans l’e-dinar en partenariat avec la société suisse Monetas. La Poste Tunisienne expérimente ainsi le paiement de ses services par la blockchain sans passer toutefois encore par des crypto-monnaies. Ce système s’appuie sur la devise nationale existante. Il suffit pour les utilisateurs de se rendre dans un bureau de poste pour ouvrir un compte virtuel. Puis ils se font remettre une carte prépayée rechargeable avec laquelle ils effectuent tout type de transactions sur internet ou en magasins. Les initiatives de ce type se multiplient sur le continent africain.


 

 

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