La quarantaine, Khan Kanga, dandy de Babi, est à l’image de ses locaux. Installé à l’entrée du quartier des affaires d’Abidjan, le Plateau, face à la Lagune, le Royal Work Club est à la fois un espace de coworking et un réseau d’affaires. Les ténors côtoyant les jeunes pousses. Toute la richesse du concept développé par Khan.Portrait.
Par DBM
Tenue et gestes raffinés, la quarantaine, Khan Kanga, incarne à merveille le concept innovant du Royal Work Club dont il est le Directeur Général. Installé à l’entrée du quartier des affaires d’Abidjan, le Plateau, face à la lagune, cet espace de coworking créé il y a moins d’un an, offre à la fois des espaces et des services pour une expérience de travail haut de gamme. Sur deux niveaux, ce lieu moderne et épuré au mobilier design, dispose d’open space, de bureaux privatifs, de salons lounges, de salles de réunions et d’espaces pour des évènements d’entreprise. Tout y est conçu pour fournir des services professionnels de qualité et favoriser les échanges entre les membres du club qui compte une communauté dynamique de professionnels, de voyageurs d’affaires et d’entrepreneurs dans diverses industries.
« Ma génération, celle des enfants des premières générations parties étudier à l’étranger, a grandi avec cette ambition : rentrer au pays, redonner au pays ce qu’il nous a donné et contribuer à bâtir la Côte d’Ivoire »
Prédestiné à l’entreprenariat, le jeune homme, dont le prénom, choisi par son père en référence à Gengis Khan signifie « leader » en langue persane, affiche un parcours atypique. Ivoirien par son père, Martiniquais par sa mère, il passe son enfance à Paris et son adolescence à Abidjan, avant de poursuivre ses études à Strasbourg, Paris, Londres puis San Francisco. « Je me sens un peu citoyen du monde, pourtant, j’ai toujours su que je reviendrais m’établir en Côte d’Ivoire : ma génération, celle des enfants des premières générations parties étudier à l’étranger, avons grandi avec ce leitmotiv : il faut revenir, redonner au pays ce qu’il nous a donné et contribuer à bâtir la Côte d’Ivoire. Moi aussi, j’ai le souhait d’apporter ma petite pierre à l’édifice ».
De fait, Khan aura beaucoup voyagé, comme étudiant et jeune actif. « Pendant mes études en école de commerce à Paris, j’ai effectué un programme d’échanges à Londres. C’est ce qui m’a donné le déclic. En prenant l’Eurostar, à deux heures à peine de Paris, je découvre un monde très différent du microcosme parisien où il est souvent difficile de nouer le contact en dehors de son cercle d’amis. Moi qui n’envisage pas la vie sans rencontres, j’ai compris que je devais m’expatrier dans un pays anglo-saxon. »
« J’ai cru au rêve américain… même s’il ne se transforme pas en rêve pour tout le monde. Pour certains, c’est même le cauchemar. Ce qui n’a pas été mon cas. »
À Londres, jugée encore trop proche et trop chère, et après un crochet par Tunis, il opte pour San Francisco. « J’ai cru au rêve américain… même s’il ne se transforme pas en rêve pour tout le monde. Pour certains, c’est même le cauchemar ! Ce qui n’a pas été mon cas. J’avais déjà un MBA en France, spécialisé dans le marketing du luxe. Lorsque je décide d’intégrer un programme de l’Université de Berkeley, c’est donc avant tout une excuse pour mettre les pieds sur le territoire américain ». Décrochant un stage dans une agence de relations publiques à San Francisco, il tombe immédiatement amoureux de cette ville. « En moins d’un mois, je m’y suis senti davantage à la maison qu’en une quinzaine d’années à Paris ! Une ville américaine cosmopolite, à taille humaine, où l’on peut tout faire à pied et dans laquelle la culture a une place prépondérante. Et puis, c’est le nouveau monde, la Silicon Valley ! À l’ère du digital, pratiquement toutes les nouveautés en matière de technologie naissent à San Francisco. »
Khan cherche alors par tous les moyens à rester sur place. Pas simple au pays de l’Oncle Sam. Mais comme souvent, c’est une question de rencontres et de chance. Alors qu’il tchate avec une ivoirienne installée à New York, il apprend que French Tuesdays, une société qui organise des évènements afterwork sélects, en pleine croissance, déjà implantée dans plusieurs villes, veut justement lancer ses activités à San Francisco. Il tente le coup, décroche le job mais surtout, découvre très vite sa force : le relationnel.
« Le maire non officiel de San Francisco »
A 27 ans, Khan devient ainsi le Directeur de l’antenne de San Francisco et organise des soirées networking et festives pour la gente élégante, cosmopolite et branchée de la ville, ce qui lui vaudra le surnom de « maire non officiel de San Francisco ». Après quelques années et quelques 150 évènements organisés, il sent le besoin d’un nouveau défi. « Je commençais à m’ennuyer dans mon métier dans l’évènementiel, j’avais envie de monter ma propre affaire. Lorsqu’on vit dans la baie de San Francisco, on attrape forcément un jour ou l’autre le virus de l’entreprenariat ». Il lance avec Jerry Folly-Kossi, un ami d’enfance, une ligne de costumes et chemises sur mesure, Swell Attitude. Les deux associés y déclinent leur style, nostalgique des années 60, très jazzy et dandy. À la fois confectionneurs et conseillers en image, ils s’efforcent d’apporter une touche d’élégance européenne en Californie. « Nous sommes en 2010 et la majorité de nos clients sont basés à San Francisco. La difficulté a été de trouver une clientèle assez large pour grossir de manière significative lorsque notre offre vestimentaire ne s’adressait qu’à une niche dans un marché local où l’on est beaucoup plus adepte du look Steve Jobs : T-Shirt, sweat à capuche et baskets. » Cette première expérience entrepreneuriale sera cependant formatrice et Khan développe par la suite un autre projet, une plateforme de vente en ligne pour des accessoires de mode pour homme. C’est aussi à San Francisco que Khan rencontre celle qui deviendra son épouse, Martina, une croate que les aléas de la vie l’amèneront à suivre à Zagreb. Un nouveau choc des cultures pour notre dandy de Babi. Il y restera tout de même le temps de poursuivre et développer son e-commerce, puis décide de rentrer en Côte d’Ivoire suite au décès de son père.
« Abidjan est très cloisonnée, très segmentée. Par zone géographique, par secteur, par communauté. J’y vois un paradoxe alors qu’Abidjan redevient cosmopolite »
Nous sommes en 2016, Côte d’Ivoire is Back, Khan également. « Cela faisait dix-huit ans que je n’avais pas vécu à Abidjan et dans les premiers mois, je me sentais un peu expatrié dans mon propre pays. J’ai surtout beaucoup écouté et observé dans un premier temps pour me remettre dans le bain et en apprendre sur de possibles opportunités d’affaires. Et puis, j’ai fait le constat qu’Abidjan apparaissait comme une ville très cloisonnée, segmentée. Par zone géographique, par secteur d’activité, par communauté… J’y ai vu un paradoxe : alors même qu’Abidjan redevient incontestablement la ville cosmopolite qu’elle fut jadis avec de nouveaux venus de tous les horizons, peu de personnes ont de véritables occasions de se rencontrer et d’échanger. Je me suis alors dit que j’allais faire ce que j’aimais et savais faire : réunir les gens. » Rapidement rejoint par celle qu’il appelle affectueusement sa « bien meilleure moitié », ils créent ensemble un club social, qu’ils nomment « Club 88 », en référence à la symbolique du ‘8’ et de l’infini. « L’idée était simple : réunir des personnes ouvertes d’esprit, dans des endroits sympas, autour d’une atmosphère chaleureuse et intimiste afin de créer des affinités entre personnes ciblées. C’est comme ça que le club a commencé. »
« On est à mi-chemin entre le bureau et l’hôtel, avec des espaces de travail et d’autres à vocation sociale. Une alternative au lobby d’hôtel, pour des RDV plus discret … »
C’est d’ailleurs à l’occasion d’un de leurs évènements qu’ils sont mis en relation avec deux entrepreneurs londoniens qui ont en projet l’ouverture imminente d’un espace de coworking premium à Abidjan. Très rapidement, les deux structures fusionnent pour donner naissance au Royal Work Club, qui ouvre ses portes en février 2019. « C’est un espace à mi-chemin entre un centre d’affaires classique et un hôtel, qui comprend des espaces de travail mais aussi de confort, favorisant rendez-vous professionnels et rencontres plus conviviales, avec espace-café, cigare lounge, chaise de massage et même une spacieuse et élégante douche ! Une alternative au lobby d’hôtel pour des rendez-vous d’affaires discrets dans un cadre qui inspire à la fois professionnalisme et prestige… ». Et, alors que les espaces de coworking se multiplient à Abidjan, RWC trouve sa clientèle-cible. « Nous avons deux types de membres : des membres résidents – ceux qui ont besoin de travailler de manière quotidienne ou plus flexible, lorsqu’ils sont de passage à Abidjan – et aussi des membres sociaux, qui participent à tous les évènements business et networking organisés par le club et ses partenaires. Le coworking, c’est une tendance mondiale. Les gens conçoivent désormais leur espace de travail autrement. On a de plus en plus de travailleurs nomades à la recherche de flexibilité. Ils ne veulent pas se prendre la tête avec la location d’un bureau et toute la logistique qui va avec (internet, électricité, secrétariat, mobilier, sécurité, entretien, etc.) ; ils veulent une solution clé en main pour se concentrer sur leur cœur de métier. » Cette solution a tout de même dû être adaptée aux attentes locales. « Quel que soit le concept, s’il n’y a pas cette adaptation locale, tout projet est voué à l’échec sous nos cieux. On l’a compris très vite. Il a fallu être plus flexible, en termes de prix et de modalités d’abonnement par exemple… »
En moins d’un an, le concept offre de réelles perspectives de développement, y compris dans la sous-région. « Une fois que le premier espace aura atteint sa vitesse de croisière, l’idée est d’ouvrir des établissements similaires dans d’autres capitales de la sous-région, y compris dans des villes anglophones.