Interview Aymen Mtimet : “l’Afrique est un formidable laboratoire de la fintech”
Aymen Mtimet*, Partner Advisory chez Deloitte Afrique Francophone, partage ses réflexions sur l'évolution de la Fintech en Afrique, ses défis actuels et les opportunités de croissance.
Propos recueillis par Edwige Wamanisa, à Paris
Comment évolue le secteur de la Fintech en Afrique ?
Aujourd’hui, la Fintech en Afrique connaît une croissance réellement extraordinaire. Un peu moins que les années précédentes mais il faut savoir que l’Afrique a été précurseur dans le domaine de la fintech et des investissements dans le secteur qui commence à atteindre une certaine maturité. On assiste aujourd’hui par contre à une croissance plus soutenue de spécialités qui se développent dans le secteur de l’insuretech par exemple ou les regtech. On commence à sortir du schéma classique, ce qui confirme le rôle de l’Afrique en tant que véritable laboratoire de la fintech dans le monde.
Quelle est la définition d’une Fintech ?
C’est la question intéressante. Finalement qu’est ce que c’est qu’une fintech ? On a plusieurs définitions, mais globalement aujourd’hui, une Fintech, c’est une start-up technologique qui opère dans le domaine de la finance. Ceci comprend les services de banques et assurances, les services de conseil aux clients, les investissements, les paiements et cryptomonnaies, etc…. Mais toute l’idée derrière, c’est comment digitaliser la finance et développer des services financiers digitalisés. en termes de volumétries. Il y a beaucoup plus de startups qui opèrent dans le domaine des paiements mobiles en offrant à la fois des solutions pour les particuliers mais aussi pour les commerçants
Quels sont les pays où les fintech sont les plus développées ?
Ce sont les pays où il y a un écosystème entrepreneurial développé mais surtout les pays qui attirent le plus de levés de fond, autrement dit l’Afrique du Sud, le Nigéria, le Kenya et l’Egypte, des pays où des structures sont en train de se développer. Ceci dit d’autres écosystèmes sont en train de se développer comme la Tunisie, le Sénégal ou la Mauritanie
Quels sont les défis auxquels la Fintech est confrontée en Afrique ?
De façon générale, quelques défis reviennent systématiquement quand il s’agit de fintech en Afrique. Le premier concerne l’accès aux financements. Aujourd’hui on a 4 pays africains qui concentrent près de 90% des levées de fonds en Afrique. Il y a donc de nombreux écosystèmes qui restent en manque de financement et qui ont des difficultés à attirer les VC. Le deuxième défi , concerne l’aspect réglementation. Comment adapter le cadre réglementaire pour que les fintech puissent opérer à la fois dans leur pays et dans les autres pays du continent. On voit aujourd’hui de plus en plus d’initiatives qui permettent à ces fintech d’opérer et d’être interopérables dans toute une région. Le troisième et dernier défi, c’est la capacité de répondre à un certain nombre de besoins. Aujourd’hui, les fintech ont atteint un certain niveau de maturité sur le marché africain les nouvelles fintech sont à la recherche d’uses cases innovantes pour se différencier et continuer à apporter de la valeur.
Pourquoi cet intérêt pour les fintech aujourd’hui ?
Pour plusieurs raisons. En premier lieu, le taux de bancarisation qui reste globalement faible en Afrique. Les fintech apportent une alternative pour inclure ces populations d’abord financièrement puis économiquement et ça c’est important, parce que quand on regarde les PIB , les taux de croissance des pays africains, il y a une marge de développement vraiment importante et les fintech peuvent jouer un rôle essentiel dans sa réalisation. Le deuxième volet est l’inclusion sociale. Ces populations qui vont être incluses financièrement, économiquement, qui vont sortir du secteur formel, vont pouvoir avoir une sécurité sociale, avoir une identité numérique et accéder à un certain nombre de services sociaux. Enfin, parce que les fintech représentent un levier de développement pour d’autres secteurs de l’économie réelle en Afrique, notamment la santé et l’éducation … En synthèse, la Fintech aujourd’hui c’est une façon d’inclure économiquement, socialement, financièrement, des personnes qui ne le sont pas et de permettre ainsi l’accélération de plusieurs secteurs économiques
*Aymen Mtimet est Partner Advisory au sein de Deloitte Afrique Francophone, spécialisé en stratégie et croissance économique. Titulaire d’un MBA en Finance de la Sorbonne Business School et d’un Diplôme en administration des entreprises de l’université Paris 1, il a plus de 17 ans d’expérience en Europe et en Afrique dans l’accompagnement du secteur public et privé dans leur transformation.
Il a dirigé de nombreuses réformes des stratégies publiques, en particulier liées à l’inclusion financière et à l’innovation. Il a notamment conduit de nombreux programmes de développement stratégique et opérationnel, en particulier auprès des institutions financières et des bailleurs de fonds.