Intégration économique africaine : l’Algérie entre en scène
Dans un contexte régional en pleine mutation, l’Afrique s’impose désormais comme une priorité stratégique pour l’Algérie. Avec une croissance continue des échanges commerciaux, un engagement affirmé dans la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et des projets structurants à dimension continentale, Alger entend renforcer son rôle de moteur d’intégration économique et de partenaire crédible au service d’une Afrique unie, forte et souveraine.

Par Nadjoua Khelil à Alger
Faire de ses échanges avec l’Afrique un levier stratégique : telle est l’ambition de l’Algérie. Pour l’heure, sa part dans le commerce intra-africain reste limitée à 2,2 %, concentrée à 91 % sur les huiles et les combustibles minéraux, selon le Rapport sur le commerce africain 2025. Ses principaux partenaires sont la Tunisie, l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, le Nigeria et le Sénégal. Si ces données montrent que l’Algérie reste encore un acteur modeste dans le commerce intra-africain, ils mettent toutefois en lumière le potentiel considérable que le pays cherche à transformer en levier d’influence sur le continent.
Faire du Made in Algeria une offre fiable, compétitive et durable pour les marchés africains
Pour concrétiser sa vision d’une intégration économique panafricaine soutenue, l’Algérie a engagé des actions internes et lancé des projets structurants à dimension continentale.
« L’Algérie a engagé une stratégie claire : produire localement, exporter en Afrique et coproduire avec nos partenaires. Pour ce faire, le cadre de l’investissement et de l’exportation a été modernisé, en simplifiant les procédures et en mobilisant le financement. La ZLECAf, qui offre un marché de 1,4 milliard de consommateurs, est au cœur de cette stratégie. Nous travaillons aussi sur la logistique, avec des corridors terrestres et ferroviaires. Des projets structurants sont en cours, tels que la route transsaharienne Alger-Lagos, ou encore la pénétrante centre, un ensemble de tronçons ferroviaires de 2 039 km renforçant l’interconnexion avec le Mali et le Niger, ainsi que les liaisons stratégiques Alger-Mali et Alger-Niger. Notre objectif est simple : faire du Made in Algeria une offre fiable, compétitive et durable pour les marchés africains », explique à ANA Souheil Guessoum, président de la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC, ex-FCE).
La démarche de l’Algérie ne s’arrête pas là. « La dette de 14 pays africains a été annulée, soit 1,5 milliard de dollars. C’est un geste humble, sans bruit, qui illustre l’engagement sincère de l’Algérie pour une Afrique forte, unie et souveraine », ajoute Guessoum.
Une approche intégrée : financement, installation, formation, service après-vente
Aujourd’hui, le Made in Algeria dispose « d’opportunités réelles dans le bâtiment, les matériaux de construction, le médicament, l’agroalimentaire, les équipements ou encore les services numériques », note Guessoum. « Notre avantage, c’est la proximité, la rapidité de livraison et la qualité certifiée. Mais au-delà du produit, nous proposons une approche intégrée : financement, installation, formation, service après-vente. C’est cette combinaison qui fait du Made in Algeria une valeur ajoutée crédible sur les marchés africains. »
Un acteur clé, capable non seulement de répondre aux besoins du marché local et africain mais aussi de peser sur les marchés régionaux et internationaux

Dans cette dynamique d’intégration africaine, l’IATF 2025, qui s’est tenu à Alger du 4 au 10 septembre, a été présenté comme un jalon important, porteur d’espoir pour un continent en quête de solidité et de prospérité. L’événement a nourri de fortes attentes quant à sa capacité à redessiner les contours du commerce intra-africain et à donner une impulsion concrète aux ambitions économiques du continent.
« Nous attendions de l’IATF des résultats tangibles : contrats d’exportation, partenariats de distribution et projets de coproduction. Les entreprises algériennes souhaitaient rencontrer leurs homologues africains, comprendre les besoins locaux et bâtir des réseaux durables. De leur côté, nos partenaires africains attendaient de l’Algérie fiabilité, régularité et services après-vente, mais aussi des transferts de savoir-faire. Nous sommes donc venus avec des produits compétitifs, mais surtout avec la volonté de construire des chaînes de valeur communes et de créer de l’emploi sur le continent », a souligné Guessoum.
L’Algérie a également affiché une volonté politique claire, traduite par des signaux forts pour dynamiser la ZLECAf et contribuer à l’Agenda 2063 de l’Union africaine. « L’IATF a constitué un tournant significatif dans le positionnement géoéconomique de l’Algérie. Les atouts économiques du pays lui permettent de jouer un rôle central dans l’intégration économique de l’Afrique. Ils la placent en position d’acteur clé, capable non seulement de répondre aux besoins du marché local et africain mais aussi de peser sur les marchés régionaux et internationaux », a estimé Bachir Messaitfia, ex-ministre des Statistiques et de la Prospective, président de la fondation Sinaa El Ghad.
Bâtir des ponts solides entre pays africains

Pour Guy M’Bengue, ambassadeur de l’IATF et vice-président de l’Institut administratif en Côte d’Ivoire, l’intégration économique constitue « une opportunité pour renforcer les initiatives commerciales à l’échelle continentale, pour une croissance collective ». Mais cela suppose de « bâtir des ponts solides entre pays africains, en consolidant les chaînes de valeur, mais surtout en croyant dans le potentiel des marchés africains ».
Les Africains disposent, selon lui, « de moyens pour transformer leurs ressources et leurs talents en levier de croissance. Nous avons l’opportunité de construire un marché intérieur suffisamment profond. Le marché africain est plus porteur et rentable, c’est le véritable apprentissage », insiste-t-il.
Pour cela, il est essentiel de mettre en place « les outils et d’activer les facteurs de réussite du commerce intra-africain : lever toutes les contraintes, en garantissant notamment l’information commerciale sur les marchés en temps voulu ». L’IATF 2025, conclut-il, « a permis cette circulation de l’information, constituant une valeur ajoutée où elle devient le levier d’une croissance collective et durable pour un développement économique pérenne et inclusif en Afrique ».
Par ailleurs, les chiffres qui ressortent du bilan de l’IATF 2025 d’Alger donnent un aperçu de la contribution « exceptionnelle » de l’Algérie, renforçant son rôle d’acteur clé de l’intégration économique africaine, mais aussi de l’immense potentiel pour le commerce et l’investissement intra-africains. En effet, 48,3 milliards de dollars de transactions ont été conclus, dont 23 milliards pour l’Algérie, soit la part la plus importante.



