Forum de Saint-Louis : « Un Rendez-vous du Donner et du Recevoir »
Par Amadou Diaw, Président du Forum de Saint-Louis
Le monde, assurément, est devenu complexe. Mais comme le disait fort justement Edgar Morin, « on dit de plus en plus : c’est complexe – et ce pour éviter d’expliquer. Ici, il faut faire un véritable renversement et montrer que la complexité est un défi que l’esprit doit et peut relever. »
Comment ne pas s’inscrire dans une telle perspective, consistant à dénouer la complexité du monde, sur la base toutefois d’une réflexion collaborative et innovante ? Et faire davantage entendre au monde la voix africaine, qu’il s’agisse de celle des africains, de celle émise à partir du continent africain, et plus largement ou tout simplement de celle inspirée par l’Afrique ou partageant avec elle les mêmes idéaux ou valeurs.
La réponse se veut véritablement, africaine. L’Ubuntu doit être le moteur de cette démarche. L’Ubuntu, philosophie ancestrale, qui définit un art de vivre, un art d’être humain. Le nom Ubuntu « Humanité aux autres » ou encore « Je suis ce que je suis grâce à ce que nous sommes tous ». En tant qu’individu, il s’agit donc d’être responsable et de mettre ses talents et ses capacités au service de la communauté humaine et de la Vie.
Mais comment y parvenir ? Au delà de l’obligation d’indignation, il nous faut passer aux Actes. Fédérer toutes les idées novatrices, toutes les bonnes pratiques, toutes les innovations salutaires, tous les projets innovateurs. Allier tous ceux et toutes celles qui préfèrent être acteurs plutôt que spectateurs, qui optent pour un futur choisi et non pour un avenir imposé, qui sont convaincus qu’une partie de la solution est en eux, qui sont intimement convaincus que la réflexion et l’action doivent constituer le plus indissociable des couples. Réunir des dirigeants et des entrepreneurs, des responsables et des hommes d’Etat, des créateurs et des designers, des penseurs et des intellectuels, des hommes d’action et des hommes de terrain, des artistes et des gens des lettres, de la culture.
En résumé Unir des hommes et des femmes de toutes les générations, de tous les continents, de toutes les cultures, de toutes les expériences, de toutes les catégories sociales, de tous les niveaux d’expertise (experts chevronnés et reconnus, passionnés, amateurs et grand public, etc.), sur la base de l’idée toute simple mais ô combien véridique selon laquelle le génie de la nature s’exprime à travers l’amour qu’elle porte à la diversité.
Loin d’une rencontre réservée aux élites, ouvrons nous à tous ceux qui veulent s’inscrire dans la dynamique de l’action transformatrice, tout en s’engageant ou en participant à une réflexion collective autour du devenir à la fois du continent africain et de l’humanité toute entière.
Loin d’une grande messe, dans laquelle foisonneraient les belles déclarations, accordons une place de choix à l’action, celle qui change ou transforme positivement le monde, celles qui solutionne et dénoue des situations critiques, celle qui permet d’apaiser les cœurs et les esprits, celle qui prône le vivre ensemble, celle qui apporte la preuve que la solidarité humaine n’est pas un vain mot, celle qui « enfonce les racines de notre avenir dans le sol [pour que demain] une canopée de l’espoir s’élève vers le ciel » (Wangari Muta Maathai), celle qui en définitive, par l’ambition et la générosité qui l’animent, conduit à ne jamais désespérer ni de l’homme, ni de l’humanité. Plutôt qu’un forum de plus, imaginons véritablement le forum « du plus. »
Ensemble, faisons entendre davantage la voix de l’Afrique. Cette voix de l’Afrique englobera en effet toutes les expressions dont le continent est le berceau ou le réceptacle, que leurs auteurs soient africains ou non : l’Afrique, c’est aussi un territoire, et par conséquent, tout ce qui se dit ou se fait sur le continent africain fait partie du patrimoine commun. Enfin, l’Afrique, ce n’est pas seulement des hommes et des territoires, l’Afrique c’est aussi une vision du monde, ce sont des valeurs et des traditions, c’est un état d’esprit, c’est une représentation du monde, etc. De ce point de vue, l’Afrique peut parfaitement être considérée comme un « patrimoine universel » dont tout un chacun sur Terre, pourrait se réclamer. C’est cette Afrique constituant un bien commun de toute l’humanité que nous devons exposer autrement.
Il ne s’agira donc pas seulement de développer des théories, ni de se limiter à élaborer des diagnostics et scénarios, il s’agira de faire beaucoup plus, et en particulier d’apporter la preuve, par l’action, que les solutions existent bel et bien.
Il nous faut choisir un cadre, plutôt un nid pour cela. Saint-Louis du Sénégal, ville à la fois chargée d’histoire, et détentrice d’un patrimoine culturel et immatériel unique s’offre à nous. Ville-laboratoire, espace tout entier dédié aux innovations, à la créativité et au métissage. Saint-Louis, « Rendez-vous du Donner et du Recevoir ? » Ville dans laquelle est née Gaston Berger, le père de la prospective, était certainement prédisposée à jouer un tel rôle dans cet exercice consistant à tracer un Futur pour le monde en général et l’Afrique en particulier. Le Forum de Saint-Louis. Folle ambition, pourrait-on croire, mais le plus grand arbre n’est-il pas né d’une graine menue ?
Auteur : Amadou Diaw // Photo : Amadou Diaw © DR