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Eric Mukuna : “ La transmission est l’obligation pour consolider le rêve panafricain”

De sa culture à son histoire en passant par ses nombreux potentiels économiques, l’Afrique a tous les arguments du monde pour tendre vers le développement. Eric Mukuna, entrepreneur engagé en RD Congo dresse ce qui devrait en être la feuille de route.

Par Eric Mukuna

L’Afrique, ce continent mystérieux.

L’Afrique, le paradoxe des superlatifs.

Une fierté sans histoire !

Une triste réalité tant le continent est vaste, multiculturel et aux enjeux épars ; tout en rappelant son incommensurable richesse ! La bipolarisation du monde place l’Afrique, par méconnaissance de son patrimoine historique, au second rang de la géostratégie mondiale et pourtant l’Afrique est un acteur majeur aussi bien par sa superficie (3ème) que par sa population (2ème).

Considérée par les paléoanthropologues comme le berceau de l’humanité (du côté de l’Afrique de l’Est), il en reste pas moins que la population africaine est reléguée à l’arrière du peloton dans la plupart des analyses et des indicateurs de développement (humain, économique, démocratique, etc.…) avec quelques exceptions qui, suivant l’actualité (politique ou civil), font des percées à l’instar du Maroc, du Nigéria, de l’Afrique du Sud ou encore le Kenya et l’Egypte.

L’Afrique est étudiée, enviée et trop souvent spoliée au travers de montages financiers en complicité entre les politiques, les multinationales et les intérêts stratégiques d’Etat !

Longtemps observée pour ses cultures et ses richesses, l’Afrique aujourd’hui peine à l’Unité. Et cet immense continent -de 30,5 millions de km2 et de 1,4 milliards d’habitants avec le plus fort taux d’accroissement démographique (autour de 2,3 contre une moyenne mondiale à 0,9) est plus que jamais un acteur majeur dans l’échiquier mondial ; cela ne se fera que par l’Unité ! Une Unité fragilisée inconsciemment (ou pas) par les cultures, les religions ou les approches néocolonialistes, les corruptions, etc…

L’appropriation de la culture africaine dans sa diversité est une nécessité pour mieux comprendre et défendre notre identité

L’appropriation de la culture africaine dans sa diversité est une nécessité pour mieux comprendre et défendre notre identité. Une étape préalable pour une ligne de front plus solide sur les autres aspects économiques de la scène internationale.

Aujourd’hui beaucoup d’africains et afro-descendants sont multiculturels (souvent en Europe) et nous devons également tenir compte des « afro américains » qui n’ont d’« afro » que la couleur de peau. Sans vouloir froisser, je tire là un constat compte tenu des régulières violences subies par cette communauté, une communauté qui, par vague tente en minorité de connaître leur origine comme ce fût le cas à la mode avec quelques célébrités afro-américaines ! Heureux d’avoir eu un Président « afro », nous oublions qu’il n’a pu, en 2 mandats, impulsé une démarche d’affirmation culturelle et identitaire tant aux USA qu’avec leurs lointains cousins africains. Il en ressortira même des mouvements tels que « Black Lives Matter » dont aujourd’hui les Africains ne se sentent pas concernés.

Ce manque de cohésion entre les communautés, tant sur le sol africain qu’à l’international (diaspora) est le reflet des objectifs différents à l’instar du Printemps arable militant pour des meilleures conditions de vie, mais qui a eu peu d’impact en Afrique noire étant pourtant dans des contextes similaires ! Que devons-nous conclure ? Comment l’Union Africaine traite ce problème du point de vue psychologique et des impératifs de développement à géométrie variable.

Aussi, la population africaine hors d’Afrique (les afro-descendants, la diaspora), qui peuvent discerner avec minutie, grâce aux institutions et aux accès à certains outils, les enjeux politiques et économiques sur la terre de leurs ancêtres, doivent maintenant se réunir, s’organiser en forces vives, se coordonner en veille stratégique en identifiant les acteurs, les opérateurs, les militants, les activistes, les technocrates, les sociologues, les philosophes… qui trop souvent dans l’ombre, font un travail utile et souvent vital en lieu et place de systèmes étatiques défaillants !

Le savoir, le passé, l’unité autant de vision qu’il faille véhiculer chez les jeunes et les moins jeunes : la transmission est l’obligation pour consolider le rêve panafricain.

Ne dit-on pas :

« Un vieillard qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle »

Amadou HAMPÂTE BÂ, lors de son discours à l’UNESCO en 1960

Au-delà de la culture africaine diversifiée et brassée, entre 2.000 et 3.000 ethnies et près de 28% des pays du monde, il y a les richesses du sol et du sous-sol.

Selon la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), l’Afrique, c’est près de 55 % des réserves mondiales de platine, 78 % de diamants, 40 % de chrome…Ne parlons pas des autres minerais stratégiques tels que l’uranium, du Coltan estimé à plus de 60 % de la réserve mondiale qui serait en République Démocratique du Congo !

Les frais liés à l’enseignement dans le secteur privé sont prohibitifs pour la plupart et la qualité de l’enseignement classique est déplorable à quelques exceptions près

L’appropriation par la jeunesse, au travers d’une prise de conscience de la classe politique, des secteurs stratégiques, de compréhension des enjeux mondiaux actuels et futurs via les « ODD » (Objectifs de Développement Durable) et de sa capacité à être la prochaine génération sur laquelle il faut compter, est une nécessité. La formation, le renforcement de capacités, le recyclage des compétences sont autant d’éléments de langage qui peinent à être ancrés dans les mentalités !

Les frais liés à l’enseignement dans le secteur privé sont prohibitifs pour la plupart et la qualité de l’enseignement classique est déplorable à quelques exceptions près.

L’immédiateté est la conséquence due à la corruption, la famine, les mouvements civils, etc. Autant de crises qui empêchent la population africaine, prise en otage, de prendre son destin en main : « ventre affamé n’a point d’oreille », dit-on.

Et les aides, tant bilatérales que multilatérales, sont trop souvent une insulte aux bénéficiaires locaux des marchés conclus en amont (et qui étouffent la sous-traitance locale) aux projets qui ne tiennent pas compte des réels besoins de terrain. Il n’y a qu’un pas pour que ce gaspillage financier devienne criminel !

Gandhi avait l’habitude de dire :

« Tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi »

Dans la course aux budgets, les mécanismes de certaines institutions sont limités à devoir dépenser coûte que coûte. Aussi, les donateurs et animateurs internationaux se désintéressent tant de la nécessité réelle et pertinente des projets que de leur viabilité dans l’autogestion par la communauté locale.

Les chantiers sont énormes et paraissent dans la plupart des pays incommensurables, favorisant la fuite des cerveaux vers l’Occident, l’exode rurale, la surpopulation dans les quelques grandes villes que comptent ces pays africains qui pour la plupart n’ont pas été pensées dans notre passé colonial avec une si forte démographie.

Tous les secteurs ont leur lot de défis : Santé, Agriculture, Éducation, Énergie…

C’est à se demander quels sont les objectifs de nos dirigeants politiques qui se soignent à l’Etranger, qui se nourrissent de produits importés, qui envoient leurs enfants étudier au Canada, aux USA ou en Europe…

Que font et disent nos dirigeants politiques dans les réunions internationales quand les données économiques sont extrapolées et spéculatives, quand la plupart du tissu économique est majoritairement informel ?

Et dans le cadre de l’Unité de l’Afrique, observons la préoccupation d’interconnectivité entre nos pays, malgré des compagnies aériennes compétitives telles que Ethiopian Airlines, Royal Air Maroc, Kenya Airways ou encore South Africa Airways.

Avec autant des communautés économiques régionales (UMA, COMESA, SADC, CEEAC, CEDEAO, etc…), quels bilans tirés ? Quels résultats ?

Notre continent a sa particularité, ses richesses, ses cultures, ses défis et pourtant, nous appliquons et calquons l’agenda d’un monde qui avance sans nous.

Le seul avantage de tous ces constats est d’accepter que, malgré les grands challenges, cela reste pour beaucoup d’observateurs une source importante d’opportunités économiques et financières. A nous de saisir cette situation à notre profit. La Coopération Sud-Sud est l’occasion de dynamiser l’économie africaine, mais aussi de permettre de jouer à arme égale sur l’échiquier mondial.

  • Canaliser et cartographier les aides financières avec un cadre logique de projets adaptés, s’associer dans les grands travaux d’infrastructures continentales (chemins de fer, autoroutes, électrification…)
  • Favoriser les échanges dans une politique agricole commune. Les pays ne luttent pas de la même manière face au dérèglement climatique, mais doivent faire face aux mêmes enjeux d’autosuffisance, de sécurité et de diversité alimentaire.
  • Identifier les secteurs clés et organiser des échanges universitaires (type ERASMUS) en fonction des spécialités et capacités des uns et des autres, obtenir des collaborations avec les autres grandes universités du monde.
  • Créer une institution de haut niveau pour permettre à certains leaders d’améliorer la compréhension de la Bonne Gouvernance au sein de l’Union Africaine ou autre. Il n’y a pas de honte.

Henry FORD a dit :

« Quiconque arrête d’apprendre, à 20 ans ou à 80 ans, devient vieux ».

Retenons que la frustration de bons nombres d’africains est de contempler ce beau continent, de partager des valeurs communes telles que la solidarité à l’africaine, cette capacité et aisance à s’appeler des « frères », tout en ayant des ambitions personnelles et souvent égoïstes « à chacun sa chance » et puis « on ne peut pas aider quelqu’un qui ne s’aide pas lui-même ». La théorie du 1er qui réussit dans une communauté doit subvenir à ladite communauté qui a prié pour son succès en occultant ses sacrifices et l’implication épuisante pour se sortir d’un marché économique friable.

Nous devons nous engager, nous prendre en main ensemble et de par le Monde. La population africaine (en Afrique et avec les afro-descendants) est importante avec une population jeune et active qui doit se spécialiser pour être compétitif dans ce marché africain que tous les grands groupes et multinationales courtisent (mines, télécom, audiovisuels, numérique, énergie…).

Nous devons réduire notre dépendance en redéfinissant l’exemplarité et la méritocratie des frères et sœurs qui brillent dans leurs spécialités. Quels sont ces grands hommes et femmes de par le Monde et dans l’Histoire qui ont impacté de manière significative la condition humaine tous secteurs confondus (sciences, économies, sport, cultures, etc…) ?

Prenons simplement la fierté congolaise du Docteur qui répare les femmes : Denis MUKWEGE, Prix NOBEL de la Paix en 2018 ou l’afro-américaine Mae Carol JESMISON, la première femme noire à être allée dans l’espace en 1992. Qui se rappelle des noms de ceux qui ont ce geste historique lors des Jeux Olympique des Olympiques de 1968 (Tommie SMITH ou John CARLOS) ou encore de Abu AL QASIM considéré comme l’un des plus grands chirurgiens du Moyen-âge et l’un des pères de la chirurgie moderne…

Il existe une pléthore de personnalités africaines qui devraient rendre fier ce peuple qui, trop souvent, ne prend pas conscience de sa contribution dans l’Histoire, de ses potentialités pour un futur dont nous serons un acteur majeur. Il suffit de voir les enjeux économiques et géopolitiques avec l’Union Européenne, avec la Russie, la Chine ou encore les Etats-Unis…

Renforçons-nous pour mieux négocier. Protégeons-nous pour mieux exister, mais surtout respectons nous pour mieux survivre !

L’Afrique, ce continent qui, dans les 10 prochaines années sera soit, maître de son destin soit aux mains d’intérêts étrangers. Les textes de lois doivent être harmonisés et en accord avec nos us et coutumes. Ils doivent également être mis en œuvre/application et non seulement promulgués !

Le combat pour une Afrique prospère doit être une réalité et non un discours politicien dans la langue de Molière. Il faut en finir avec cette masturbation intellectuelle d’un groupe spoliant à moindre coût nos ressources et richesses, et ce, à la botte de forces supranationales dont on ose imaginer les réseaux d’influences.

L’Afrique est perturbant, l’Afrique est pauvre, l’Afrique est riche !

Les observateurs, les institutions d’études et autres le savent : il faut miser sur l’Afrique.

Le pouvoir ne se donne pas, il se prend 

Napoléon HILL

Je terminerai par ce proverbe arabe : « Qui s’instruit sans agir, laboure sans semer ».

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