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Élections France, Quel avenir pour les relations franco-africaines ?

Si le mandat de François Hollande s’est traduit, à défaut d’une rupture, par un retour du gendarme français en Afrique, quid des années à venir ? L’Afrique a été peu présente dans la campagne, même si elle est toutefois évoquée dans les programmes. Certains ont même fait le déplacement sur le continent. Alors continuité ou renouveau ?

Par Dounia Ben Mohamed

 

Le 24 février 2010, à Libreville, Nicolas Sarkozy fidèle à une tradition française qui veut que chaque nouvel occupant à l’Élysée se rende en terre gabonaise, annonce que l’ère des « réseaux, des tutorats et des leçons » est bien « révolue ». De même que celle des « clichés, fantasmes et procès d’intention ». François Hollande, qui lui ne fera pas de déplacement au Gabon tout au long de son mandat même s’il recevra Ali Bongo à l’Élysée, assurera le 12 octobre 2012, depuis Dakar, que « le temps de la Françafrique est révolu : il y a la France, il y a l’Afrique, il y a le partenariat entre la France et l’Afrique, avec des relations fondées sur le respect, la clarté et la solidarité ». Écorchant au passage son prédécesseur qui n’avait pas hésité à lancer, en terre terrangaise, « le drame de l’Afrique est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire ». Mais finalement, à cette promesse de rupture, le mandat de François Hollande se traduira par une augmentation de la présence militaire française en Afrique, le silence radio sur les coups d’État constitutionnels et autres entraves aux droits de l’homme, et une défense des intérêts économiques français, loin d’être assumée, mais plus évidente.

2016, l’année des coups d’État électoraux

« Le 6 mai 2012, l’élection de François Hollande a suscité beaucoup d’espoirs en Afrique. À quelques jours de la prochaine échéance, quel est le bilan de la politique africaine de Hollande ? » interroge et résume Régis Essono, responsable du groupe Afrique EELV (Europe Écologie Les Verts). « On a vu le Président fermer les yeux sur des manquements démocratiques, recevoir, entre autres, Sassou-Nguesso accusé de crime contre l’humanité, et la présence militaire française augmenter en Afrique ». De fait, les chiffres sont plus que révélateurs. Le nombre de « coups d’État constitutionnels » a explosé au cours de ces cinq dernières années : « 2016 notamment aura été l’année des coups d’État électoraux. Ils n’ont jamais été aussi nombreux. Alors que depuis 1990, on en comptait une douzaine, en 2016 on en aura quatre d’un coup. Face à cela, le silence de la France mais également de la communauté internationale ». Au même titre que l’Assemblée Nationale et le Chef du gouvernement qui n’ont plus leur mot à dire sur la politique africaine française, une prérogative de l’Élysée avec, autour du Chef de l’État, Jean-Yves Le Drian, Ministre de la Défense, Laurent Fabius, Ministre des Affaires Étrangères, Hélène Le Gal et Thomas Mélonio, en guise de conseillers Afrique. Des personnages qui vont orienter la feuille de route de Hollande vers un axe clair : face à la perte d’influence de Paris, sur le plan économique mais également politique, la France, sous couvert de lutte contre le terrorisme, renforce sa présence militaire en Afrique. Un tournant marqué par le Sommet sur la paix et la sécurité, organisé en décembre 2013 à Paris et qui donnera suite, notamment, aux guerres maliennes et centrafricaines.

« On se rend compte finalement qu’il n’y a pas de vision politique mais une réaction face au constat de la perte de vitesse des entreprises françaises en Afrique »

Là encore, les chiffres sont plus qu’explicites : sur 13 000 hommes à l’étranger, 10 000 militaires français opèrent en Afrique. Et si les alliés d’hier dans la région ne sont plus de la partie, de nouveaux acteurs entrent en jeu, un en particulier : Idriss Déby, Président du Tchad, qui reprend la main sur le contrôle des trafics transsahariens en lieu et place de Kadhafi. La situation politique interne, la fraude électorale et les arrestations d’opposants et journalistes, n’empêchera pas Déby de devenir une pièce maîtresse de la nouvelle stratégie africaine française, versus François Hollande. Laquelle vise à redonner à la France son poids en Afrique, alors qu’elle est fortement concurrencée y compris dans son pré-carré, par les nouveaux « amis de l’Afrique », les Chinois toujours, mais également les Turcs à l’offensive agressive, sans oublier les Marocains, chantres de la coopération sud-sud, officiellement alliés de Paris mais de plus en plus redoutables adversaires… Pour ne citer qu’un chiffre : de 60 % des exportations françaises vers l’Afrique en 1960, la proportion chute à 5 % en 2015. L’armée devient alors l’outil sécurisant les intérêts français sur le continent. A l’image de la base militaire française au Niger, située à quelques mètres du site d’exploitation d’uranium d’Areva et qui assure l’approvisionnement.

Reste à savoir si cette stratégie s’avère payante. Alors que le budget octroyé aux crédits militaires explose – plus de 3,4 md d’euros en 2016 dont 70% alloués à l’Afrique – force est de constater que la France continue à perdre du terrain sur le continent, dans sa zone d’influence comme en Afrique anglophone où elle piétine, pis, le désamour des populations africaines pour la France se renforce. « On se rend compte finalement qu’il n’y a pas de vision politique mais une réaction face au constat de la perte de vitesse des entreprises françaises en Afrique, déplore Julie Owono, avocate, responsable Afrique d’Internet sans frontières. Il ne faut pas se leurrer, la France n’est pas une puissance pour rien. Mais elle ne peut plus arriver avec ses gros sabots et faire la loi sans que les populations réagissent. Cela nourrit les frustrations qui ne restent pas qu’en Afrique ». L’heure est donc au renouvellement de la politique africaine de la France. « Ce qui va se passer en RD Congo, Tchad, Gabon – estime Régis – va peser sur les relations France-Afrique ». A suivre donc…


 

Auteur : Dounia Ben Mohamed // Photos : 1. François Hollande en visite à Dakar, octobre 2012, © Elysée – 2. Sommet de Bamako, janvier 2017, © Elysée

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