ArchivesLe dossier du mois

Élections France, Pour qui vote l’Afrique ?

Tout changement de locataire à l’Élysée a des incidences en Afrique. Aussi c’est avec un vif intérêt que dans les coulisses des palais, l’élection 2017 est suivie. Chacun ayant son favori…

Par nos correspondants à Rabat, Alger, et Kinshasa

 

Si les instituts de sondage multiplient les pronostics à la veille du premier tour de l’élection présidentielle française, en Afrique également l’heure est aux paris. Dans les coulisses des palais notamment où chacun a son favori. En général, celui qui répondra aux mieux à ses intérêts. Ainsi, à Rabat, sans surprise, le cœur penche à droite. « Le Maroc a toujours eu d’excellentes relations avec la droite française, » indique Hicham Rahil, membre de l’Association d’Amitié Franco-Marocaine, aussi proche des cercles politiques marocains que français. Avant de souligner : « L’État marocain lui ne soutient personne. Il travaillera avec le président élu, quelle que soit sa couleur politique ». Cette précision faite, il poursuit : « Mais mon association et moi–même soutenons François Fillon ».

« Le Maroc a toujours eu d’excellentes relations avec la droite ».

Pour une raison simple : « Le Maroc a toujours eu d’excellentes relations avec la droite ». Sous Sarkozy notamment. Par l’intermédiaire de Rachida Dati, d’origine marocaine, qui aura participé à renforcer les liens entre Paris et Rabat.  « Mais pas seulement, avec Chirac également, aujourd’hui avec Fillon. Parce que la droite ne soutient pas les séparatistes, ils ont toujours été plus fermes avec les groupes terroristes ». Allusion au Front séparatiste Polisario « régulièrement reçu par les ministres socialistes alors que jamais un homme politique de droite ne les a soutenus ». Autre spécification de taille : « Attention, il s’agit de la droite modérée non de l’extrême droite ». Fillon donc. « Un homme d’État, qui a de l’expérience. Quand on voit la situation en France, on ne peut même plus se balader sur les Champs Élysées… Et puis de toute façon la gauche est divisée entre Mélenchon et Hamon qui n’arrive même pas à fédérer  au sein de son propre parti ni à avoir le soutien des ministres socialistes ! ».

Quid de Macron qui a rendu visite au voisin ennemi, l’Algérie ? « Macron c’est le candidat des Français, il est libre d’aller où il veut. Mais on peut se poser la question, alors que la France a colonisé plusieurs pays, pourquoi n’évoquer que l’Algérie. Ensuite, entre la France et l’Algérie il est question de réconciliation, de laisser le passé derrière eux, pourquoi revenir là-dessus ? De toute façon il faut qu’il se situe, à droite ou à gauche. C’est un banquier, on le sait. Qui finance sa campagne ? Il y a beaucoup de questions autour de lui. C’est pourquoi au Maroc on a tendance à pencher pour Fillon, un homme d’État, avec de l’expérience, et dont la formation politique a toujours soutenu la cause nationale ».

« Benoît Hamon, ce n’était pas forcément le favori, mais il fait partie de la famille. »

Au Sénégal, où la politique passionne presque autant que le football, l’avis est plus partagé. Pour un conseiller qui murmure à l’oreille des leaders du pays de la terranga, et pas seulement, « tout est question de filiation ». « Au Sénégal, comme en France, il y a des familles politiques. Ainsi chaque famille a son candidat. Même si le pays, insulté par Sarkozy, garde une préférence pour le parti socialiste. Benoît Hamon, ce n’était pas forcément le favori, mais il fait partie de la famille ». Sachant qu’ici, tous ou presque ont été reçus.

« Dakar c’est une étape incontournable pour la classe politique française de la même manière que Paris reste la maison-mère pour les acteurs politiques sénégalais. D’autant que pour certains, les relations sont anciennes. Certains sont passés par l’ENA, ils ont fait leurs classes avec des hommes politiques français, c’est sûr, ça crée des liens ». Du moins, « pour les anciens ». « Avec la jeune génération, c’est très différent. Ils ont tendance à s’émanciper des anciens réseaux type Françafrique. Du coup, pour eux, la tendance c’est plutôt Macron. On le voit un peu comme l’Obama à la française. Il est jeune, charismatique, parle business. Ça passe bien ici… comme ailleurs sur le continent ». Car à défaut de croire en une rupture dans les relations France-Afrique, du moins côté français, la jeunesse africaine voit dans le candidat d’En Marche, une forme de renouveau. Y compris dans les rapports qu’entretient la France avec ses anciennes colonies. Quant à Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon ? « C’est amusant parce que tous les deux gagnent des points, du côté de la rue plus que du pouvoir, pour la même raison : leur franc-parler. En Afrique on adore ça, c’est tellement loin de ce dont on est habitué… »

« On commence à voir des sympathisants pour les extrêmes, de droite comme de gauche. Et ça c’est assez nouveau »

Du côté de Kinshasa également les extrêmes intéressent au même titre qu’ils interpellent. « On commence à voir des sympathisants pour les extrêmes, de droite comme de gauche. Et ça c’est assez nouveau », observe Roger Ndaywel autre conseiller en communication proche des réseaux de pouvoir en Rd Congo, à la tête du cabinet CEO LN Communication. Même si la tendance générale reste « partagée ». « Il y a une catégorie de personnes qui se retrouve en Macron, ni à gauche, ni à droite. Il fédère dans les deux camps, il inspire une certaine idée de la France de demain ».

Pourtant, quelques mois plus tôt, Fillon avait la préférence. « Déçus de Hollande, et du socialisme plus largement, beaucoup étaient très clairement pour Fillon. Sans les scandales, il serait resté favori ». Et du côté du pouvoir ? « Entre Hollande et Kabila, ça n’a jamais été le grand amour. Donc, de toute façon, un socialiste non. Mais manifestement, pour l’instant ils ne se positionnent pas. Ils attendent sans doute l’issue du premier tour. Là, ils chercheront sans doute à se rapprocher d’un candidat. Il y a de fortes chances, de mon avis, qu’ils penchent pour Macron. Éventuellement Fillon s’il est au second tour ». Tout se jouera donc en le 23 avril et le 7 mai.


 

Auteur : ANA // Photos : 1. Chirac fut sans doute le plus « africain » des présidents français, avec de très nombreux séjours sur le continent, ici, à Brazzaville avec son homologue Sassou Nguessou © DR 2. Fillon effectuera, en tant que premier ministre, plusieurs déplacements en Afrique. Ici à Abidjan © DR 3. Emmanuel Macron lors de sa visite en Algérie © DR

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page