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« Créer du contenu inédit, exclusif, et local » – Tonjé Bakang, fondateur d’Afrostream

Tonjé Bakang est le fondateur de la plateforme Afrostream, un service de vidéo à la demande (VOD) qui propose exclusivement du contenu « afro. » Des films et des séries – sur un média social qui a pour partenaire la chaîne française TF1. Aujourd’hui, la start-up compte quinze employés et espère se frayer une place de choix sur un marché audiovisuel africain en pleine ébullition. Entretien.

 

Comment analysez-vous le marché audiovisuel panafricain ?

 

Le marché audiovisuel offre de plus en plus de place pour les acteurs privés. On était sur un modèle de chaînes uniques – ou nationales – qui s’ouvre désormais, et qui est donc de plus en plus concurrentiel. Plus spécifiquement en Afrique, le piratage par la vente de CD ou de clé USB a permis aux publics un accès aux fictions américaines et européennes. Ainsi, les téléspectateurs ont des attentes d’une qualité similaire. Et cette exigence met les producteurs locaux face à un enjeu important : comment, avec des moyens limités, arriver à une qualité de production satisfaisante tout en créant des histoires locales… C’est une vraie équation qui est finalement difficile à réaliser.

 

Quelle place occupe Afrostream sur ce marché ?

 

Afrostream, c’est déjà 200 000 membres, car en plus d’être un service d’abonnement payant c’est aussi le média social de la créativité afro. Nous avons un service freemium, Afrostream Life, qui offre un premier accès gratuit aux articles sur les séries, acteurs, actualité de la fiction… Pour les abonnées premium, nous avons plus de 1500 heures de contenus, que ce soit des films, des séries, des documentaires. Nous avons aussi des chaînes TV, comme la chaîne américaine BET (Black Entertainment Television) ou encore une chaîne musicale en streaming. En fait, ce que l’on veut, c’est accumuler de la vidéo à la demande et de la télé « classique » sur la même plateforme. On pense qu’il est important d’être une sorte de hub qui propose différents types de supports. C’est pourquoi nous venons aussi de lancer nos premiers podcasts de radio à la demande.

 

Votre principal partenaire est TF1. Pourquoi le groupe a-t-il choisi de vous accompagner ?

 

Ce partenariat a maintenant deux ans et demi, et il a été un accélérateur pour le développement d’Afrostream. Ce fut une grande marque de confiance que le numéro 1 européen s’associe à notre jeune start-up… Le groupe vient chercher notre expertise sur les thématiques africaines et afro-américaines, et il héberge notre service à la demande, Afrostream VOD, qui n’est disponible qu’en France. Cependant, notre service global, qui est totalement indépendant de TF1, est lui disponible dans 28 pays : 4 en Europe et 24 en Afrique.

 

Justement, avec une telle couverture, visez-vous plutôt le continent ou bien ses diasporas ?

 

D’abord, étant basés en France, nous visons tous les Français, que ce soit la diaspora ou non. Ensuite, nous développons nos efforts vers l’Afrique… par exemple, si vous êtes un abonné au Gabon, vous pouvez accéder au site internet et télécharger l’application. Mais il faut comprendre que les marchés africains sont lents à adopter la VOD, et que sans un travail sur le terrain il sera difficile de les convertir à ce type d’achat. Le fait d’avoir ajouté un média social gratuit sur notre plateforme nous permet pour l’instant de faire connaître notre marque et nous aidera peut-être à pénétrer ces marchés plus rapidement que d’autres. En résumé nous nous intéressons à tous les afro-descendants, qu’ils soient présents en Afrique, en Europe, au Brésil et pourquoi pas aussi aux Etats-Unis.

 

Pour revenir au marché continental, quel regard portez-vous sur les autres plateformes de VOD comme Netflix, iRoko ou Nuvu?

 

Je dirais que nous sommes tous en train de chercher un modèle. L’usage est encore limité par rapport au potentiel du streaming légal africain. Par exemple, si Netflix s’est lancé en Afrique, son usage ne s’est pas encore démocratisé… donc pour l’instant nous sommes tous au même niveau, qu’importe notre notoriété ou notre financement à l’international. Je pense que le marché africain doit encore être décrypté et pour l’heure personne n’a encore vraiment pris d’ascendant.

 

Et pour prendre cet ascendant, vous songez à devenir producteur ?

 

Oui, car nous travaillons déjà avec les plus grands studios américains à qui nous achetons du contenu… Mais ce n’est pas un studio américain qui produira la prochaine série premium ivoirienne ! Donc, nous avons l’intention d’essayer de cofinancer des producteurs locaux pour fournir du contenu original à nos abonnés. Qu’ils habitent dans des grandes villes ou des villes moins peuplées, qu’ils soient en Afrique francophone ou bien au Nigéria, notre public, principalement féminin, a le regard porté vers une qualité internationale mais qu’il ne retrouve pas dans sa région. Notre enjeu c’est donc d’amener, le plus rapidement possible, quelque chose d’inédit, d’exclusif, local – et de qualité internationale – mais qui aura une résonance panafricaine.


 

Auteur : Zahra Rahmouni // Photo : Tonjé Bakang – © DR

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