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Tchad : impact économique de la fermeture des frontières

La décision du gouvernement tchadien de fermer la longue frontière septentrionale du pays, le 5 janvier, pourrait être salutaire pour empêcher la traversée des combattants de l’Etat islamique. Cependant, cette décision aura sans doute un impact économique sur les populations et les pays voisins.

Le Premier ministre tchadien, Albert Pahimi Padacké, a ordonné la fermeture de la longue frontière de son pays avec la Libye pour empêcher la traversée des combattants de l’Etat islamique. Le gouvernement a déclaré la zone comme étant une zone militaire parce que les militants menacent de s’infiltrer dans son territoire, selon le gouvernement.

« Il y a des rapports systématiques en Libye selon lesquels des militants se déplaceraient vers le sud après leur défaite à Syrte. Par conséquent, le Tchad craint que les combattants fuient vers le sud en passant par la frontière, et le pays pourrait prendre des mesures immédiates, » a déclaré Padacké dans un communiqué publié le jeudi 5 janvier.

 « La fermeture de la frontière a des conséquences dramatiques »

Eric Nadjibe, économiste et expert national en finances publiques, explique que le Tchad est un pays enclavé et que la Libye est donc l’un de ses principaux partenaires commerciaux : en particulier pour le côté nord qui en importe la plupart de ses produits et y exporte du bétail. Ainsi, cette décision devrait avoir des répercussions économiques négatives sur la région septentrionale du pays.

« La fermeture de la frontière avec la Libye a déjà un impact très négatif sur les régions de Kanem et Barh El Gazel: les prix des matières premières ont doublé juste une semaine après la fermeture de la frontière », a déclaré Mahamat Zen Kassim, commerçant associé.

Une aubaine pour le Cameroun et le Soudan

Du point de vue historique, le Tchad est un pays de commerçants. Les anciens royaumes de Kanem, Borno et Wadai ont établi leur pouvoir sur le commerce avec l’Egypte, le Soudan et la Libye durant la période coloniale. Le commerce s’est intensifié tout récemment avec la Libye. Par conséquent, l’économie d’une grande partie du nord du Tchad, qui dépend exclusivement de la Libye, sera certainement affectée en cas d’instabilité durable dans les régions frontalières.

Par exemple, si la Libye est un pont vers les marchés du Moyen-Orient pour les exportateurs de bovins tchadiens, les commerçants vont sans doute préférer d’autres ponts alternatifs à savoir le Soudan et le Cameroun pour leurs transactions.

« En tant qu’importateurs tchadiens,  nous n’avons, actuellement,  d’autre moyen que de faire des affaires avec le Soudan. Nos liens familiaux et tribaux par-delà les frontières, nous ont permis de maintenir des réseaux commerciaux ailleurs qu’au Tchad en Afrique », a indiqué M. Kassim.

Produire localement ?

Après la fermeture des frontières entre le Nigéria et le Tchad, les entreprises tchadiennes ont perdu 50% de leurs revenus, a déclaré Abubakar Assair, Consul Honoraire du Tchad à Kano, dans une interview accordée à Daily Trust à Yola, au Nigeria.

Il précise aussi que de nombreux habitants du Nord sont économiquement plus rattachés au sud de la Libye qu’à N’Djamena. Néanmoins, il explique que tous ces événements obligent à se poser une seule question : « après sa décision, le gouvernement tchadien sera-t-il obligé de booster la production locale ? »

Investissement à long terme

Pour Eric Nadjibe le moment est venu que le gouvernement de diversifie l’économie nationale, produise localement et investisse dans des biens publics nationaux : « Nous avons besoin d’un financement à long terme pour un système plus productif et plus diversifié. »

N’Djamena observe avec appréhension le déroulement des événements qui décideront de l’avenir de son voisin et partenaire le plus important et semble être conscient qu’une instabilité durable en Libye pourrait avoir des conséquences économiques dramatiques et affecter aussi bien la politique intérieure que la géopolitique régionale.


 

Auteur Idriss ZACKARIA // Photos : Nadjibe Eric, Expert national en finances publiques © Idriss ZACKARIA

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