Les médecins algériens sont en colère et ils le font savoir. Mais la pénurie de personnel de santé n’est pas encore d’actualité en raison d’un partenariat stratégique avec Cuba. L’île est un fournisseur officiel de médecins pour Alger.
Zahra Rahmouni, Alger
En Algérie, le mouvement de contestation des médecins résidents (l’équivalent des internes) se durcit. La dernière réunion entre les représentants du ministère de la Santé et les membres du Collectif autonome des médecins résidents algériens (Camra), a tourné cours. Il aura fallu une heure avant que les représentants des médecins ne claquent la porte du ministère de la Santé.
Mokhtar Hasbellaoui, ministre algérien de la Santé, n’a par ailleurs pas participé aux dernières négociations avec les représentants syndicaux. Il était en réalité à Cuba pour la 21ème session de la commission mixte de coopération bilatérale algéro-cubaine. Lors de cet événement, plusieurs accords d’une durée de trois ans ont été signés. L’Algérie approvisionnera toujours l’île en pétrole tandis que Cuba enverra plus de médecins en Algérie. Une annonce vécue comme une provocation par les médecins résidents algériens dont le mouvement de contestation dure depuis plusieurs semaines.
Jeudi, le ministère de la Santé a annoncé qu’une nouvelle réunion devait se tenir dimanche 4 février mais les membres du Camra attendent désormais l’intervention du premier ministre ou du président de la République.
Service militaire et service civil
Parmi les principales demandes des résidents figure l’abrogation du caractère obligatoire du service civil. Cette disposition, mise en place par une loi datant de 1984, impose aux nouveaux médecins spécialistes une affectation dans un établissement de santé public allant de un à quatre ans selon les zones géographiques du pays. De nombreux médecins affectés vers les déserts médicaux dans les zones du sud ou des hauts-plateaux dénoncent des conditions de travail archaïques nuisibles aux patients et le manque de moyens dans leur prise en charge, notamment pour le transport et le logement.
« On ne refuse pas de faire le service civil, on propose la mise en place d’un système d’incitation. Il n’est pas question qu’un médecin aille s’isoler dans le sud ou dans d’autres régions enclavées. Pourquoi devrait-il tout sacrifier pour ne rendre aucun service ? », s’interroge Amine Naili.
« On observe que depuis 1968, il y a le même système qui sanctionne alors qu’il n’y a aucune couverture sanitaire », explique Amine Nalli. «la preuve, c’est que si vous faites des sondages dans les CHU des grands hôpitaux du nord, vous trouverez que 60 à 70% des patients viennent des zones déshéritées de l’intérieur et du sud, c’est cela le vrai problème », défend-t-il. Selon ce dernier, il faut veiller à ce que le service civil ne soit pas considéré comme une solution pour une prise en charge adéquate de la santé des citoyens. Les médecins résidents dénoncent également la criminalisation de l’acte médical et le service militaire dont ils ne sont pas dispensés.
Malgré la décision de justice rendue le il y a deux semaines déclarant leur grève « illégale », les 15 000 « résidents » ne comptent pas mettre un terme à leur mouvement. Les premières revendications datent de 2011, rappelle Amine Naili. «Ils ne nous auront pas l’usure. En janvier 2018 il y a eu le boycott des examens de fin d’étude ce qui est une première en Algérie. Si ces résidents ont boycotté ces examens c’est qu’ils ne veulent pas partir en service civil. S’il y a une autre session, ils la boycotteront de nouveau ».
Le mouvement se radicalise et certains réfléchissent même à la démission collective. « On étudie la question et si c’est le cas, ce sera historique car il y a aura une véritable gêne pour tous le monde, que ce soit les médecins, les citoyens ou l’Etat ».
Des médecins cubains en Algérie, des médecins algériens en France
La baisse des importations de pétrole depuis le Venezuela a poussé Cuba à se fournir chez l’ami algérien. Cuba recevra 2,1 millions de barils de pétrole algérien en 2018, le même volume que pour l’année achevée, a indiqué un responsable de la Sonatrach à Reuters. En échange, le nombre de médecins cubains exerçant en Algérie devra augmenter. Aucun chiffre n’a été communiqué par le ministère algérien de la Santé mais depuis l’indépendance du pays, la coopération entre les deux Etats n’a jamais cessé d’exister. Des équipes médicales cubaines sont d’ailleurs présentes dans le sud et au centre, notamment à Ouargla, El Oued, Bechar, Djelfa et M’Sila. Face aux difficultés qu’ils rencontrent, certains médecins algériens ont fait le choix de quitter l’Algérie pour pratiquer en France. Paris a par ailleurs assoupli les conditions pour l’exercice de la profession de médecin pour les étrangers