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Souleymane Cissé : un héritage inoubliable

Le cinéaste malien Souleymane Cissé, figure emblématique du cinéma africain, est décédé à l'âge de 84 ans. De ses premiers pas en tant que réalisateur à son influence mondiale, Cissé a marqué l’histoire du 7ᵉ art et laissé une empreinte indélébile.

Le monde du cinéma a perdu l’un de ses plus grands visionnaires avec le décès de Souleymane Cissé, le 19 février 2025, à l’âge de 84 ans, à Bamako, la capitale du Mali. Reconnu internationalement pour son œuvre et son engagement en faveur du cinéma africain, Cissé a laissé une trace indélébile dans l’histoire du 7ᵉ art. Sa fille, Mariam Cissé, a confirmé la nouvelle, exprimant sa douleur face à la perte de « l’homme qui a consacré sa vie au cinéma et à l’art ». La cause de son décès n’a pas été précisée.

Souleymane Cissé, né le 21 avril 1940 à Bamako, était l’un des pionniers du cinéma africain. Sa carrière, qui s’est étendue sur plus de 50 ans, a été marquée par des films qui ont su capturer l’âme de l’Afrique, ses luttes, ses espoirs et ses réalités sociales. Son film Yeelen (La lumière) de 1987, une œuvre audacieuse racontant le parcours initiatique d’un jeune homme de l’ethnie bambara, a remporté le prestigieux Prix du Jury au Festival de Cannes. Il est devenu ainsi le premier réalisateur d’Afrique subsaharienne à obtenir une distinction à ce festival.

Une carrière de pionnier

Souleymane Cissé a démarré sa carrière cinématographique dans les années 1970. En 1975, il réalise Den Muso (La Jeune Fille), un film audacieux sur le destin tragique d’une jeune fille victime de viol, qui est rejetée par sa famille. Ce premier long-métrage a non seulement choqué les autorités maliennes, qui l’ont interdit, mais a également mené Cissé en prison pour avoir accepté un financement de la France. C’est durant sa détention qu’il écrivit le scénario de Baara (Travail), un film qui critique les conditions de travail et l’exploitation des ouvriers.

Tout au long de sa carrière, Souleymane Cissé a exploré des thèmes variés allant de la politique à la condition humaine, en passant par l’amour, la révolte et la quête de justice. Finyè (Le Vent, 1981) et Waati (Le Temps, 1995) font partie de son répertoire, mettant en lumière les réalités sociales et les tensions politiques qui traversent l’Afrique.

Cissé a été honoré à plusieurs reprises pour son travail. En 2023, il a reçu le Carrosse d’Or à Cannes, un prix décerné à des cinéastes qui ont marqué l’histoire du cinéma par leur audace et leur exigence artistique. Ce prix prestigieux a été une nouvelle reconnaissance de son influence sur le cinéma mondial. Il avait également été décoré à deux reprises du Grand Prix du Fespaco, le plus important festival de cinéma en Afrique, pour ses films.

Un défenseur du cinéma africain

Au-delà de sa carrière de réalisateur, Souleymane Cissé a été un défenseur acharné du cinéma africain. Il a souvent critiqué le manque de soutien des gouvernements africains à l’industrie cinématographique. Il plaidait pour une plus grande indépendance et pour un investissement local dans la production cinématographique. En 2025, juste avant sa disparition, il avait exhorté le gouvernement malien à aider les cinéastes à rendre leurs œuvres visibles au monde, notamment en construisant des salles de cinéma et en soutenant les jeunes réalisateurs.

Cissé était également l’un des fondateurs du syndicat des cinéastes d’Afrique de l’Ouest, un organisme qui a œuvré pour la reconnaissance du cinéma africain sur la scène internationale. Il croyait fermement que les cinéastes africains devaient cesser de dépendre des financements étrangers et chercher à développer une industrie autonome capable de rivaliser avec les grandes puissances cinématographiques mondiales.

Un homme d’humanité et de conviction

Les œuvres de Cissé sont une véritable exploration des réalités sociales de l’Afrique. Yeelen (1987), son chef-d’œuvre, raconte l’histoire d’un jeune homme doté de pouvoirs mystiques, qui doit échapper à son père pour échapper à un destin tragique. Ce film a été salué par des cinéastes comme Martin Scorsese, qui l’a inscrit parmi ses films préférés. Le regard humaniste et critique de Cissé sur la société malienne et africaine a inspiré de nombreuses générations de cinéastes et de spectateurs.

Cissé n’a pas seulement été un réalisateur, mais aussi un mentor pour de nombreux jeunes cinéastes africains. Son engagement envers la narration africaine et sa capacité à aborder des questions profondes et complexes avec sensibilité et humour ont fait de lui une figure respectée dans le monde du cinéma.

L’héritage de Souleymane Cissé

Le décès de Souleymane Cissé est une perte tragique pour le cinéma africain. Il laisse derrière lui un héritage cinématographique inestimable, ainsi qu’une vision claire de ce que devrait être l’avenir du cinéma sur le continent. Le ministre malien de la Culture, Mamou Daffé, a exprimé sa tristesse en soulignant que Cissé restera « un monument du cinéma africain ». D’autres figures du cinéma africain, comme le réalisateur malien Boubacar Sidibé, ont rendu hommage à sa contribution inestimable à la culture et au patrimoine africains.

Souleymane Cissé ne sera pas seulement célébré pour ses films, mais aussi pour son engagement envers la construction d’une industrie cinématographique indépendante et florissante en Afrique. À la veille du Fespaco 2025, le festival qu’il devait présider, ses idées continueront d’inspirer les générations futures de cinéastes.

Une œuvre toujours vivante

L’œuvre de Souleymane Cissé perdure à travers ses films, ses idées et son influence sur l’industrie cinématographique en Afrique. De Den Muso (1975) à Waati (1995), chaque film raconte une histoire essentielle de l’Afrique, enrichie par les défis, les réalités et les espoirs du continent. Son influence ne se limite pas au Mali ou à l’Afrique, mais s’étend bien au-delà, avec une reconnaissance internationale qui le place parmi les plus grands cinéastes du monde.

Cissé a montré que le cinéma pouvait être un moyen puissant de raconter des histoires africaines authentiques et d’influencer la perception du continent dans le monde entier. Le cinéma africain a perdu un de ses plus grands maîtres, mais son héritage continuera de briller dans les salles de cinéma et dans les cœurs des cinéphiles du monde entier.

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