Africa Green Forum : La croissance verte au cœur de la transformation de l’Afrique
À l’occasion de l’Africa Green Forum, organisé le 7 novembre en parallèle de l’événement Ecomondo à Rimini, la question de la transition énergétique et écologique en Afrique a été abordée sous tous ses angles. Avec des délégations de huit pays africains, des experts ont discuté des stratégies pour faire de la croissance verte un moteur de développement durable pour le continent. Et un levier de coopération, stratégique, pour l’Italie.
“Ce n’est pas la première fois que nous organisons une initiative de ce type mais c’est la première fois que nous accueillons les délégations de 8 pays africains, c’est le signe de l’importance que le continent africain mérite dans le contexte de la transition écologique.” Dès les premières secondes Corrado Peraboni, PDG du groupe Italian Exhibition Group (IEG), plante le décor.
L’Africa Green Forum qui se tenait, pour sa 4ème édition, le 7 novembre à Rimini dans le cadre du forum dédié à l’économie verte et circulaire, Ecomondo, a réuni des acteurs du secteur public et privé, ainsi que des représentants d’organisations internationales, pour échanger sur les défis et opportunités liés à l’intégration d’une économie verte en Afrique. Le message est clair : la transition écologique peut et doit aller de pair avec la croissance économique du continent.
A ce titre, l’édition 2024 du forum devait marquer un tournant, avec des engagements clairs en matière de durabilité et de coopération internationale. Dans le cadre du plan Mattei notamment.
Le Plan Mattei : Vers une diplomatie de la croissance verte
Annoncé lors du sommet Italie-Afrique, qui s’est tenu à Rome les 28 et 29 janvier 2024, Giorgia Meloni présidente du Conseil italien a annoncé un nouveau « Plan Mattei pour l’Afrique », du nom du projet de développement et de coopération conçu par Enrico Mattei dans les années 1960. Un plan qui se concentre sur le secteur énergétique, autour duquel une synergie constructive pourrait être construite entre les pays africains riches en ressources et les compétences acquises par l’Italie qui se veut le fer de lance européen en matière d’économie verte.
A travers ce plan, l’Italie confirme son intérêt pour l’Afrique, et veut se démarquer des autres “puissances” présentes sur le continent, à travers une approche plus “verte”. La présence italienne en Afrique, historiquement ancienne, a été renforcée ces dix dernières années, avec le nombre de bureaux de l’Agence italienne pour le commerce extérieur (ICE) passant de 1 en 2013 à 8 en 2023. En 2022, les échanges commerciaux ont atteint 70 milliards d’euros, principalement grâce à une augmentation des importations africaines, qui ont doublé pour atteindre 47 milliards d’euros, avec une attention particulière portée sur les matières premières énergétiques en provenance d’Algérie, Libye, Égypte, et d’Afrique subsaharienne. L’Italie est ainsi le deuxième importateur mondial de produits africains et le onzième exportateur.
“Environ 320 000 personnes travaillent actuellement dans le secteur industriel des énergies renouvelables en Afrique, mais ce chiffre pourrait atteindre 8 millions d’emplois »
Désormais, à travers le plan Mattei qui vise à renforcer le partenariat entre l’Italie et les pays africains à travers le décaissement, au cours des quatre prochaines années, de fonds d’une valeur de 5,5 milliards d’euros, l’Italie, cherche à instaurer une relation plus équitable avec l’Afrique en soutenant des initiatives de croissance verte. Ainsi que l’a souligné Fabio Massimo Ballerini, Conseiller Afrique subsaharienne lors de l’Africa Green Form. “Le Plan Mattei, lancé au début de l’année, s’engage à renforcer les capacités locales, avec un objectif de durabilité ». Et le forum aura été l’occasion d’en présenter les premières réalisations : un projet de biocarburants au Kenya, financé à hauteur de 75 millions d’euros, et un centre d’excellence au Maroc pour la formation des experts africains en énergies renouvelables. “Environ 320 000 personnes travaillent actuellement dans le secteur industriel des énergies renouvelables en Afrique, mais ce chiffre pourrait atteindre 8 millions d’emplois » a assuré Paolo Cutrone de la Res4Africa Foundation. Soulignant l’importance des centres de formation comme celui du Maroc, qui a déjà formé 48 participants de 14 pays africains. Ces initiatives visent à renforcer les compétences locales et à promouvoir une croissance verte inclusive.
La diplomatie verte a également été un sujet central du forum. Alessandra Pastorelli, de la Direction générale pour la promotion du système national, a insisté sur l’importance d’une collaboration renforcée entre l’Italie et l’Afrique : « L’Afrique représente 20 % de la population mondiale mais attire moins de 3 % des investissements dans le domaine énergétique. Toutes les parties prenantes doivent se réunir pour changer cette dynamique ». Saluant les jeunes entrepreneurs africains, qu’elle considère comme des moteurs de transformation pour le continent, capables de s’inspirer des modèles de PME italiennes.
“Nous devons continuer à chercher des partenariats internationaux pour pouvoir acquérir les technologies les plus modernes et adaptées à notre contexte”
Financement et formation, c’est précisément, selon Sharon Kinyua, coordinatrice à l’Electricity Sector Association of Kenya (ESAK), ce que l’Afrique attend de la part de ses partenaires internationaux, l’Italie en particulier, en matière de coopération sur le secteur énergétique. Car si le Kenya possède un « potentiel élevé » dans le domaine des énergies renouvelables, avec une production actuelle de « 90 % d’énergie renouvelable » et un objectif de « 100 % d’ici 2030 », elle relève des défis majeurs dans la mise en œuvre des projets, notamment des délais parfois longs, ce qui ralentit l’accélération de la transition énergétique. Evoquant le programme mené par son association visant à renforcer les compétences de gestion de haut niveau dans le secteur de l’énergie, elle ajoute que « nous devons encore pousser les nouveaux diplômés à comprendre le secteur de l’énergie ».
Autre délégation africaine présente à l’évènement, la Côte d’Ivoire. Parmi elle, Ferdinand Konan co-fondateur et directeur marketing et relations publiques d’Ivoire Oilfield Services, spécialisée dans la gestion et la transformation des déchets industriels. « Nous sommes engagés dans la transformation des déchets plastiques et de pneus usagés en biodiesel grâce à la technologie de pyrolyse ». Avec une estimation de 400 millions de pneus usagés en Côte d’Ivoire, cette entreprise se fixe pour objectif de transformer ces déchets en ressources énergétiques, contribuant ainsi à la lutte contre les nuisances environnementales et sanitaires liées à ces déchets. « Aujourd’hui, nous sommes passés de 5 à 65 employés et envisageons de créer des centres de traitement dans différentes régions du pays. » Pour accompagner son expansion, l’entreprise a besoin de partenaires, techniques et financiers. La mission de Ferdinand qui participait à Ecomondo. “L’accès aux technologies avancées représente également un défi de taille. Les machines nécessaires pour traiter les déchets de manière écologique sont coûteuses et doivent souvent être importées. Nous devons continuer à chercher des partenariats internationaux pour pouvoir acquérir les technologies les plus modernes et adaptées à notre contexte.”
Même quête pour son compatriote, Moutar Kouadio, fondateur de Zorodesh Beraka, une entreprise qui a pour vocation de valoriser les déchets papiers issus des administrations publiques et privées. « Nous collectons, recyclons et transformons les papiers usagés en produits comme des mouchoirs et des papiers hygiéniques, » précise Kouadio. Avec environ 300 employés, l’entreprise a contribué à la création d’emplois verts et aspire à étendre son modèle en Côte d’Ivoire et au-delà. Cependant, l’accès aux technologies adaptées demeure un défi. « Nous sommes ici pour trouver des partenaires qui puissent nous aider à obtenir des technologies avancées pour développer notre activité”. Ajoutant au passage. « Les procédures complexes et les critères d’éligibilité aux financements verts découragent souvent les petites entreprises africaines comme la nôtre. »
“ Une formidable opportunité économique, une nouvelle source de croissance, mais aussi un levier pour la création d’emplois durables”
Pourtant ces financements existent, assure Ndiaye Gueye, Directeur des partenariats et de la coopération de la SONAGED, institution sénégalaise chargée de la gestion des déchets au Sénégal. “Aujourd’hui, au-delà des financements verts, il y a beaucoup d’opportunités en termes de partenariats qui nous permettent aujourd’hui de pouvoir mettre en place différents types d’initiatives de valorisation.” D’autant, ajoute-t-il que “nous voyons dans la gestion des déchets une formidable opportunité économique, une nouvelle source de croissance, mais aussi un levier pour la création d’emplois durables. » Même si, insiste-t-il, la transition vers une économie circulaire demande un engagement à long terme, en particulier pour « changer les comportements des citoyens et promouvoir une éducation à l’écocitoyenneté. »
D’où sa présence à Ecomondo. « La gestion des déchets au Sénégal est un défi crucial, et notre présence à Ecomondo nous permet de découvrir les meilleures pratiques mondiales et de collaborer avec des acteurs internationaux dans ce domaine. » Ce salon constitue ainsi une opportunité de mettre en avant les initiatives locales tout en s’inspirant des expériences réussies dans d’autres pays. L’objectif pour la Sonaged est d’élargir notre réseau, de nouer des partenariats stratégiques, et de contribuer activement à l’atteinte des objectifs de développement durable du Sénégal”.
“Nous devons exploiter les nouvelles solutions écologiques et les lignes de financement proposées, qui permettront d’accompagner nos entreprises vers la durabilité”
L’économie verte comme source de création de richesse et d’emploi c’est également le chemin suivi par la Tunisie représentée à l’évènement, entre autres, par le Centre Technique du Textile en Tunisie, Cettex. « Le secteur textile tunisien joue un rôle clé dans l’économie du pays, et sa compétitivité dépend aujourd’hui de l’innovation et de la transition écologique » rappelle El Mohsen Missaoui, directeur général du Cettex. En se rendant à Ecomondo, ce dernier cherche à explorer de nouvelles technologies et à établir des partenariats avec des fournisseurs de solutions écologiques afin de réduire l’empreinte carbone et la consommation d’eau dans l’industrie textile. Une industrie qui mise sur l’innovation et la durabilité pour renforcer sa compétitivité et se démarquer de ses concurrents notamment asiatiques : « L’innovation et tout ce qui touche à l’écologie et au développement durable sont les facteurs clés pour améliorer la compétitivité du secteur. » Cette transition s’accompagne de projets pilotes, comme celui visant à produire des jeans avec zéro consommation d’eau et zéro pollution, visant à positionner la Tunisie comme un acteur majeur dans l’industrie textile durable. Nous devons exploiter les nouvelles solutions écologiques et les lignes de financement proposées, qui permettront d’accompagner nos entreprises vers la durabilité. »
Ce qui était au RDV d’Ecomondo et de l’Africa Green Forum lesquels se sont conclus avec le sentiment d’une mission achevée. Des connexions ont été faites, des commandes ont été passées pour certains, des financements auront peut-être été obtenus pour les plus chanceux. Mission réussie pour IEG en attendant qui aura confirmé le positionnement de l’Italie en tant que hub pour l’économie verte et circulaire, en direction de l’Afrique notamment. Comme le souligne Corrado Peraboni : « Nous espérons que cette initiative sera considérée comme la maison de la durabilité pour l’Afrique. »
Par Dounia Ben Mohamed, à Rimini
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