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ZLECAf : un marché continental qui prend forme et attire les capitaux

La première expédition commerciale de la Namibie dans le cadre de la ZLECAf, lancée le 30 juin depuis le port de Walvis Bay, illustre la concrétisation progressive du marché unique africain. Si les ambitions sont immenses, les premiers signaux sont mesurés, mais porteurs d’un basculement économique. La Banque mondiale anticipe un effet démultiplicateur sur les investissements directs étrangers, avec une hausse potentielle de 120 %.

Le 30 juin 2025, depuis le port de Walvis Bay, la Namibie a franchi une étape symbolique : sa première cargaison commerciale sous la bannière de la ZLECAf. Orchestrée par la ministre des Relations internationales et de la Coopération, Selma Ashipala-Musavyi, cette expédition marque l’entrée officielle du pays dans l’accord de libre-échange continental africain. Bien que modeste, ce premier envoi s’inscrit dans une dynamique continentale de plus en plus visible, où l’intégration économique n’est plus un simple projet politique, mais une réalité naissante sur le terrain.

Aujourd’hui, le commerce intra-africain ne représente qu’environ 15 % du commerce total du continent – un paradoxe pour une région aussi vaste et diverse

La Zone de libre-échange continentale africaine, signée en mars 2018 à Kigali et entrée en vigueur en janvier 2021, est présentée comme la plus ambitieuse réforme commerciale du continent depuis l’indépendance. Avec ses 55 pays signataires, 1,3 milliard d’habitants et un produit intérieur brut cumulé de plus de 3 400 milliards de dollars, la ZLECAf a pour objectif de supprimer progressivement 90 % des droits de douane sur les marchandises, d’harmoniser les règles commerciales et de stimuler les échanges interafricains. Aujourd’hui, le commerce intra-africain ne représente qu’environ 15 % du commerce total du continent – un paradoxe pour une région aussi vaste et diverse.

Le déploiement du cadre juridique avance, avec des protocoles adoptés sur l’investissement, la concurrence, le commerce numérique et la propriété intellectuelle. À mesure que les barrières tarifaires cèdent, les freins non tarifaires (procédures douanières, règles d’origine, infrastructures) apparaissent comme le prochain grand chantier. C’est précisément sur ces points que les progrès restent lents, bien qu’encourageants. Des initiatives pilotes, comme la Guided Trade Initiative lancée en octobre 2022, ont permis à des pays comme le Kenya, le Ghana, le Rwanda ou le Cameroun de tester l’accord sur des exportations ciblées : café, produits céramiques, thé ou engrais.

Selon les projections, elle pourrait générer une augmentation de 9 % des revenus réels d’ici 2035 à l’échelle du continent, sortir 50 millions de personnes de l’extrême pauvreté

Mais les attentes dépassent largement la fluidité commerciale. Un récent rapport de la Banque mondiale, publié en juin 2025, souligne un potentiel transformateur massif si la ZLECAf est pleinement mise en œuvre. Selon les projections, elle pourrait générer une augmentation de 9 % des revenus réels d’ici 2035 à l’échelle du continent, sortir 50 millions de personnes de l’extrême pauvreté, et surtout, attirer un surcroît massif d’investissements directs étrangers. « Avec un cadre réglementaire unifié et une amélioration des infrastructures, la ZLECAf pourrait entraîner une hausse de 111 à 159 % des IDE étrangers, et jusqu’à 85 % des IDE intra-africains », affirme le rapport.

Ces prévisions s’appuient notamment sur le renforcement de la sécurité juridique pour les investisseurs, la simplification des formalités douanières et la création de corridors logistiques efficaces. Des outils comme le PAPSS (Pan-African Payment and Settlement System), mis en place par Afreximbank, facilitent désormais les transactions en monnaies locales, réduisant la dépendance au dollar et à l’euro.

L’alignement des législations nationales avec les protocoles de la ZLECAf demeure inégal

Malgré ces signaux positifs, le chemin vers une intégration économique pleinement opérationnelle reste semé d’obstacles. L’alignement des législations nationales avec les protocoles de la ZLECAf demeure inégal. La faiblesse des infrastructures de transport et d’énergie freine les flux de marchandises. Enfin, la montée en capacité des petites et moyennes entreprises locales, pourtant au cœur de l’économie africaine, reste marginale.

Mais les lignes bougent. Des pays comme le Sénégal, le Ghana, l’Afrique du Sud ou le Maroc investissent massivement dans les plateformes logistiques et les parcs industriels intégrés. L’Afrique ne manque ni de ressources, ni de volonté politique. Ce qui restait hier un projet d’élite commence, à travers des exemples concrets comme celui de la Namibie, à se traduire en opportunités tangibles pour les entreprises du continent.

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