Universités africaines : moteurs d’innovation, de talents et de compétitivité globale
Damien Mouzoun, CEO d’Ayina Think Tank, explique comment les hubs universitaires africains transforment l’enseignement supérieur en véritables moteurs d’innovation et d’entrepreneuriat. De l’exploitation des tech hubs et des économies créatives à la promotion de la collaboration régionale et de la croissance inclusive, Mouzoun met en lumière les opportunités et les défis pour attirer et retenir les talents, renforcer la R&D et connecter les universités africaines à la scène mondiale.

Quels sont les principaux atouts des hubs universitaires africains pour attirer et retenir les talents ?
Les hubs universitaires africains, notamment les tech hubs émergents et les initiatives d’économie créative, possèdent des atouts uniques. Ils offrent un terrain fertile pour l’innovation « bottom-of-the-pyramid », répondant directement aux besoins des industries locales et aux défis sociétaux. Cette approche attire des talents motivés par l’impact concret de leur travail.
Le « nouveau modèle de production de connaissances », caractérisé par des approches transdisciplinaires, hétérachiques et ouvertes, permet de générer plus efficacement des solutions innovantes. Ce cadre dynamique séduit particulièrement les jeunes esprits agiles. Les succès observés au Nigeria, en Afrique du Sud, au Kenya et en Ouganda illustrent cette capacité à créer non seulement des connaissances nouvelles, mais aussi des emplois, stimuler les écosystèmes entrepreneuriaux et améliorer la qualité de vie grâce à la technologie.
De plus, la forte connexion avec des agendas politiques plus larges – égalité des genres, emploi des jeunes, lutte contre la pauvreté, éducation – donne aux talents un sens profond de contribution, au-delà des gains économiques. La nature collaborative de l’entrepreneuriat créatif et l’ancrage dans des réseaux sociaux solides favorisent un environnement de soutien pour le développement des talents.
Quels défis majeurs freinent le développement de ces hubs et l’internationalisation des universités africaines ?
Malgré ces forces, de nombreux défis subsistent. Le phénomène de la « fuite des cerveaux », où les meilleurs talents académiques quittent le continent pour des institutions étrangères, reste préoccupant. Il est alimenté par des conditions de travail médiocres, une rémunération insuffisante, un manque d’opportunités de recherche et l’instabilité politique.
Les universités traditionnelles font face à des contraintes de ressources et un faible engagement industriel, créant un décalage entre l’enseignement et les besoins du marché. La structuration disciplinaire traditionnelle limite aussi l’innovation transdisciplinaire demandée par l’industrie.
Par ailleurs, la faible priorité accordée aux industries créatives et culturelles dans certaines politiques nationales freine l’investissement et le développement des infrastructures nécessaires. Enfin, le manque de politiques robustes en Enseignement Supérieur, Science, Technologie et Innovation (HESTI), Recherche et Développement (R&D) et Entrepreneuriat, ou la capacité limitée à les appliquer, crée un environnement instable pour une croissance durable et compétitive à l’international.
Comment Ayina soutient-elle les universités africaines pour améliorer leur visibilité et compétitivité mondiale ?
Ayina Think Tank joue un rôle central comme intermédiaire entre économie créative, politiques, jeunesse et développement local. L’organisation plaide pour le rôle stratégique de l’enseignement supérieur dans le développement de la R&D, la promotion d’une créativité innovante et la reconnaissance internationale de la qualité académique.
Nos actions principales consistent à combler les écarts en jouant un rôle de lien entre décideurs, industrie et institutions académiques, afin que les besoins industriels orientent les programmes et que la recherche se traduise en solutions concrètes. Nous menons un plaidoyer pour des réformes en soutenant le développement et la mise en œuvre de politiques robustes en Enseignement Supérieur, Science, Technologie et Innovation (HESTI), Recherche et Développement (R&D) et Entrepreneuriat, en mettant particulièrement l’accent sur l’investissement en R&D pour atteindre l’objectif de 1 % du PIB fixé par l’Union africaine. Nous facilitons également les collaborations en promouvant des partenariats entre universités africaines, conseils de recherche internationaux et agences donatrices afin d’accroître les ressources et la visibilité mondiale des institutions africaines. Enfin, nous contribuons au renforcement des capacités en soutenant des initiatives visant à former la main-d’œuvre africaine aux compétences scientifiques et technologiques, en mettant un accent particulier sur l’accompagnement des femmes en STEM à travers des programmes de bourses, de mentorat et de stages industriels.
Quelles initiatives pour favoriser la mobilité intra-africaine des étudiants et l’échange de connaissances ?
Ayina soutient et recommande vivement plusieurs initiatives. L’organisation encourage le développement de centres régionaux d’excellence, à l’image de ceux financés par la Banque africaine de développement, afin d’attirer les talents et de faciliter la mobilité des étudiants et chercheurs.
Elle plaide également pour l’harmonisation des qualifications afin de simplifier la reconnaissance des diplômes à travers le continent.
De plus, Ayina promeut la création de plateformes numériques permettant de connecter chercheurs, étudiants et entrepreneurs, favorisant ainsi la mobilité virtuelle et l’échange de connaissances.
Enfin, l’organisation soutient le développement de réseaux et de programmes de mentorat pour instaurer une véritable communauté académique panafricaine.
Quelles technologies ou stratégies pourraient transformer les universités africaines en centres d’excellence ?
La transformation numérique et l’intégration des technologies de la 4ᵉ révolution industrielle, telles que l’intelligence artificielle, la robotique, l’Internet des objets, l’impression 3D et le Big Data, sont essentielles pour enrichir l’enseignement et la recherche.
Les curricula doivent être adaptés à la demande du marché et renforcer les liens avec l’industrie, en s’appuyant sur des partenariats, des incubateurs et le capital-risque pour garantir la pertinence et l’expérience pratique des étudiants.
Le développement d’écosystèmes entrepreneuriaux, incluant formation, financement initial et mentorat, permet de former des créateurs d’emplois plutôt que de simples chercheurs d’emploi.
Le modèle de « triple hélice », favorisant une collaboration étroite entre université, industrie et gouvernement, crée un environnement synergique pour l’innovation.
Il est également crucial de développer une infrastructure inclusive et accessible, reliant zones urbaines et rurales, et en soutenant les hubs privés par des ressources et des programmes de formation.
L’investissement en recherche et développement doit être renforcé pour atteindre l’objectif de 1 % du PIB africain, en partenariat avec les conseils de recherche et les bailleurs internationaux.
Enfin, des stratégies sensibles au genre, telles que des programmes dédiés aux filles et aux femmes en STEM, comprenant bourses, mentorat et projets communautaires, permettent de libérer tout le potentiel du talent féminin.