Turquie – Afrique : Des investissements sociaux et économiques
Investissements, la Turquie poursuit sa politique de « partenariat stratégique » avec l’Afrique. Aider le continent par des actions humanitaires importantes mais aussi et surtout coopérer avec les différents pays afin de développer les échanges économiques bilatéraux. La Turquie démontre de plus en plus son ambition à soutenir l’Union Africaine.
Le 11 mars dernier, au Centre d’études et de réflexion sur le Hizmet à Paris, a eu lieu une discussion autour du Livre : Hizmet en Afrique : Les activités et l’importance du mouvement Gülen. Cette présentation a eu lieu en présence de son auteur et ancien ambassadeur des Etats-Unis, David H. Shinn. Dans son livre, l’homme analyse les différentes activités du mouvement Hizmet et de ceux partageant la pensée de Fethullah Gülen, un savant musulman turc, qui vit en exil en Pennsylvanie, depuis 1999. Selon le Docteur Yafes Uyarci, sociologue et président du Centre d’étude et de réflexion sur le Hizmet à Paris, bon nombre de sympathisants du mouvement prônant des valeurs comme l’égalité, la liberté, la dignité, l’altruisme, l’écologie, la moralité… et émanant de Fethullah Gülen investissent en Turquie. « Hizmet signifie en turc « au service de », ce sont souvent les entrepreneurs qui investissent là-bas », ajoute-t-il. Aujourd’hui, le gouvernement turc redouble d’efforts afin de multiplier les partenariats bilatéraux avec certains Etats. En témoignent les nombreux forums ayant eu lieu, ces dernières années, en Afrique subsaharienne et notamment en Afrique de l’Ouest. Parmi les pays concernés se trouvent, la Côte d’Ivoire avec laquelle la Turquie a déjà ratifié pas moins de neuf accords, le Ghana, le Nigeria, la Guinée… Elle poursuit donc son plan de « Partenariat stratégique » avec les pays d’Afrique de l’Ouest. D’ailleurs, selon des chiffres officiels, les investissements turcs en Côte d’Ivoire étaient de 390 millions de dollars en 2015, contre 150 millions de dollars en 2008. D’après le ministère turc des Affaires étrangères, « les échanges commerciaux entre la Turquie et l’ensemble des pays africains ont atteint 23,4 milliards de dollars en 2014, et ceux avec les Etats d’Afrique subsaharienne ont été multipliés par dix depuis 2000 », rapporte l’AFP.
L’éducation en premier lieu
Aujourd’hui, en Afrique, une centaine d’établissements bénéficient de soutiens scolaires réservés à l’élite, ayant un lien avec le courant Hizmet ont été instaurés. Cependant, les désaccords entre le pouvoir et l’instigateur de ce réseau, ont contraint le gouvernement à fermer quelques écoles. « Hizmet est un mouvement contemporain, qui se préoccupe de formes d’actions, de contenus et de sens qui sont qualitativement différents de la tradition d’affrontement qu’on voit dans les sociétés européennes. Il n’entre pas dans les catégories conventionnelles du mouvement ouvrier, dans le capitalisme industriel et dans les mouvements de gauche modernes. Le Mouvement Hizmet admet qu’une synthèse nouvelle et globale, issue du passé mais fondée sur des valeurs universelles et des réalités modernes, est nécessaire », précise Yafes Uyarci.
C’est à travers cette philosophie que des écoles fondées par des sympathisants, des bénévoles du Hizmet en Afrique ou encore des associations de dialogue ont pu voir le jour en Afrique. « Les écoles appliquent le programme de l’éducation nationale du pays. L’accent est
mis sur l’apprentissage des langues vivantes. Le turc est enseigné soit dans le programme soit proposé comme option. Il n’y a pas de cours religieux dans ces écoles, hormis peut-être dans les pays dont le programme éducatif propose ces cours. Une grande partie des enseignants sont des locaux. Les cours sont destinés à tous les jeunes du pays, donc aux Africains », ajoute Yafes Uyarci. « L’Afrique appartient aux Africains, nous ne sommes pas ici pour votre or », était le propos de Recep Tayyip Erdoğan, Premier ministre de la République de Turquie, lors de son discours au Parlement du Gabon, en janvier 2013, rapporte le communiqué du ministère turc des Affaires étrangères ayant pour intitulé : Turquie-Afrique, la solidarité et le partenariat.
Des partenariats économiques de grande envergure
« Aujourd’hui, avec la globalisation, les entrepreneurs turcs s’ouvrent sur le monde », pour Yafes Uyarci. « Les entrepreneurs turcs ont choisi d’investir l’Afrique pour les mêmes raisons que les entrepreneurs français, chinois, etc. L’Afrique propose des opportunités intéressantes dans de nombreux domaines. Avec ces ressources naturelles, les infrastructures à construire, il y a des marchés importants qui intéressent les entrepreneurs turcs. Vous avez par exemple, en Turquie, des artisans, des patrons de PME, qui s’associent pour fonder une plus grande structure et ainsi, investir en Afrique. La plupart des entrepreneurs s’engagent à former les locaux. Ils ne profitent pas seulement des occasions d’affaires. Ils forment les Africains à un métier, un savoir-faire. D’ailleurs, la Turquie favorise les échanges bilatéraux », lance-t-il.
Comme l’indique un communiqué du ministère turc des Affaires étrangères de 2014, « Il y a de nos jours des milliers d’Africains qui étudient, travaillent et vivent en Turquie et vice- versa. Turkish Airlines est devenue l’un des principaux transporteurs internationaux qui volent directement à presque 40 destinations. Il y a de plus en plus d’investissements turcs dont nombreux constituent des exemples dans leur genre, dans certains pays africains, employant la main-d’œuvre locale, utilisant les ressources produites dans le pays même et exportant des produits finis aux pays tiers. Les entreprises privées turques prévoient l’investissement de plus de 100 millions de dollars dans les 2-3 années à venir simplement à Mogadiscio. Dans la dernière décennie, le total de nos échanges commerciaux avec les pays d’Afrique subsaharienne a décuplé en volume ». Pour Yafes Uyarci, « le gouvernement actuel incite, (incitait) les patrons turcs à investir en Turquie ». A lui d’ajouter, « avec la dynamique insufflée par le Hizmet et les projets socio-éducatifs en Afrique, l’Etat en a profité pour, dans un premier temps, mettre en place des lignes aériennes directes à partir d’Istanbul vers certaines capitales africaines et a ouvert près d’une quarantaine d’ambassades sur tout le continent ». Selon un article paru dans le Monde Afrique. « … Recep Tayyip Erdogan a annoncé que la fréquence des trajets de la compagnie aérienne Turkish Airlines (premier pont entre la Turquie et l’Afrique) entre Ankara et Abidjan allait passer de quatre à sept vols par semaine. Le nombre de ressortissants turcs habitant Abidjan est passé de quatre en 2000, à 200 en 2015 ».
Un aspect social
Selon Yafes Uyarci, les investisseurs turcs du secteur privé « soutiennent les associations caritatives du Hizmet, comme « Kimse Yok Mu », une association humanitaire très active sur le continent. Cette association construit des hôpitaux, des orphelinats, propose des soins gratuits aux plus démunis, des denrées alimentaires. Les entrepreneurs soutiennent aussi, si besoin, la construction des écoles ». Certains groupes font des études de marché car les investissements sont importants. D’autres, comme les patrons de PME, ont une approche par tâtonnement. Je pense que l’aspect social que j’ai décrit compose une des différences qui distinguent les entrepreneurs turcs. Les entrepreneurs turcs investissent dans la construction, l’alimentation, les chaînes de magasins, les restaurants, les infrastructures, le mobilier, le textile. Dernièrement, un entrepreneur franco-turc est parti en Afrique, plus particulièrement au Cameroun, pour y vendre des tapis, puis des pâtes », précise Yafes Uyarci. Les secteurs visés par l’investissement en Afrique sont divers et cela motive de plus en plus d’entrepreneurs turcs à contribuer au développement du continent.