Tunisie : The Dot Landing, l’incubateur qui courtise les entrepreneurs de la diaspora tunisienne
The Dot, Hub d'innovation digitale en Tunisie, lance l’offre gratuite « Landing » dédiée aux entrepreneurs de la diaspora en Europe. Un programme ciblé, financé à moitié par Meet Africa (Expertise France) et la région Ile de France.
Par Mérième Alaoui, à Paris
Rassemblés à la Maison de la Tunisie à Paris, juste avant l’été, les organisateurs tiennent leur deuxième réunion d’information. « Ces entrepreneurs ont quitté le pays pour leurs études, ou n’y ont jamais vécu. Notre rôle est de les informer de ce qui se passe au pays », explique Asma Chebbi, coordinatrice du programme pilote « Dot Landing », lancé en mai dernier pour deux ans. Officiels tunisiens, investisseurs, entrepreneurs ou simples curieux, ils étaient plusieurs dizaines venues essentiellement de la région parisienne. Le thème du jour : « les startups tech, véritable eldorado en Tunisie et au-delà en Afrique. Où en est-on sur les mécanismes de financement ? Quels sont les secteurs porteurs ? Et qu’en est-il de la nouvelle loi Start up Act 2 ? ».
Autant de questions posées, mais avec le même objectif : Rapprocher l’écosystème des startups tunisiennes avec sa diaspora.
« En plus de l’information, il s’agit de détailler les différentes ressources clés offertes. À commencer par un catalogue avec des prestataires recommandés par la communauté », poursuit la coordinatrice. L’autre principale composante est l’assistance et le soutien à travers un volet expertise, juridique, fiscale, comptable, mais surtout personnalisée.
Enfin, pour les projets les plus avancés, Dot Landing, héberge gratuitement la jeune entreprise pendant 4 mois avec l’accès aux services tunisiens sur site. « Être sur place est la meilleure façon de créer des synergies, d’agrandir le réseau, mais aussi et peut-être surtout, de tester le marché tunisien », pointe Asma Chebbi.
La diaspora compte 1,7 million de ressortissants soit 14,7% de la population totale. Un TRE sur dix déclare avoir réalisé des investissements en Tunisie, soit 9,8%
Pour ce petit pays en terme démographique (12 millions d’habitants), la diaspora qui compte 1,7 million de ressortissants, soit 14,7% de la population totale, est très importante. Avec 83,3% installée en Europe, dont la moitié en France, il s’agit d’une jeune population. Par exemple, 34% ont entre 30 et 39 ans. « Un vivier de compétences, de réseau et d’opportunités.Un potentiel important d’autant plus pour les start-up tech », résume Asma Chebbi.
Ceci représente, à ses yeux, un capital humain très important. « Elle peut devenir un partenaire startup voir public via une coopération institutionnelle. La diaspora doit être considérée comme acteurs à part entière et puissant de la vie politique, sociale et économique », a-t-elle indiqué.
Une diaspora courtisée, qui est déjà très entrepreneuse. Un tunisien résident à l’étranger (TRE) sur dix, déclare avoir réalisé des investissements en Tunisie, soit 9,8% ( 44,4% dans la construction, 29,8% dans l’immobilier, 14,8% dans l’agriculture, 6,7% dans le commerce et 3,8% industrie).
À côté, les transferts d’argent de la diaspora représentent 6% du PIB de la Tunisie. En 2021, ils ont atteint 8.618 MDT a annoncé la Banque centrale de Tunisie (BCT).
L’autre force de la Tunisie, c’est la qualité des ressources humaines. La Tunisie a tout un potentiel de savoir-faire avec plus de 10 000 diplômés d’études supérieures. Le chiffre d’affaires du secteur des TIC en 2020/ 2021 est de 4 milliards dollars, avec 2500 entreprises et un effectif de 120 000 emplois. Un secteur qui va bénéficier d’une nouvelle vision avec le plan de développement 2023-2025, révèle Wissem El Mekki, directeur des économies numériques, au ministère des technologies de la communication.
Notre fonds de fonds (ANAVIA) a une taille cible de 100 millions d’euros et vise à investir dans plus de 13 fonds d’investissement dédiés aux startups
À la tribune, Hasna Kourda, fraîchement récipiendaire du prix Innovation Award de LVMH, et qui a compté dans la première cohorte de startup hébergées par The Dot, confirme. « J’ai toujours voulu travailler dans mon pays, et si ma startup est née en Grande Bretagne, une trentaine de nos techniciens, sur un total de 40, sont en Tunisie », rappelle la créatrice de Save Your Wardrobe, une plateforme d’entretien de vêtements haut de gamme, dans un circuit court.
Déjà lancés sur le marché ou non, les entrepreneurs attendent plus de données sur l’investissement qui reste la question la plus sensible. Pour multiplier les acteurs, Smart Capital finance en plus des startup, des fonds. « Notre fonds de fonds (ANAVIA) a une taille cible de 100 millions d’euros et vise à investir dans plus de 13 fonds d’investissement dédiés aux startups », explique Fares Seaidi, responsable des investissements, Smart capital. Cette dernière est par ailleurs, la structure chargée de gérer le programme national, Startup Tunisia. Projet décliné sous trois volets dont le fameux Start Up Act.
Le cadre juridique de labellisation pour les Startups qui se lancent ou s’installent en Tunisie. Un passage obligé garanti par la loi fondatrice de l’écosystème. Sa nouvelle version, Startup Act 2, se fait attendre. « Il y a un premier draft, mais qui n’est pas encore mature, reconnaît Wissem El Makki. On entre dans plusieurs détails de cette loi transversale, ce qui la rend difficile à adopter ».
Startup Act 2 est très attendu dans le pays et même au-delà, en Afrique. En effet, la pionnière Tunisie reste la référence pour tous les autres États du continent qui ont modélisé leur système.
« Si on regarde le texte d’origine, (promulgué en 2019 NDLR) la Start Up Act a été faite pour que la Tunisie soit un hub, mais nous avions pensé en premier lieu à la diaspora », se souvient le directeur des économies numériques, au ministère des technologies de la communication. « Mais si la diaspora nous intéresse, il n’y a pas de particularités réservées à cette population. Nous nous adressons à tous les Tunisiens de la même manière », ajoute Fares Saidi.
En attendant les avancées législatives, les candidatures pour intégrer The Dot Landing, sont ouvertes et le resteront tout au long des deux années du programme et traitées « au fil de l’eau », précise Asma Chebbi. « Les secteurs en pointe sont la tech évidemment avec un intérêt très important lié à l’IA. Les idées qui peuvent aider à régler des problématiques tunisiennes avec l’IA sont particulièrement regardées ».
Pour en savoir plus : The Dot Landing