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Tribune : L’Afrique en 2022 face au Mythe de Sisyphe

L’actualité de la Covid-19 domine le monde depuis novembre 2019. L’humanité qui a célébré le passage du nouvel an avec ferveur espère venir à bout de cette menace avec le vaccin que nombre d’adeptes de la théorie du complot présentent comme la potion néolibérale parfaite. 

Par Adama Wade*

Si l’Afrique est relativement épargnée par la pandémie, elle reste socialement et économiquement la zone la plus impactée par le virus. Pour preuve, à la récession de 2020, la première depuis 25 ans, la partie subsaharienne devrait, rapporte le FMI dans son rapport d’octobre 2021, enregistrer une croissance de 3,7% en 2021, en dessous de la moyenne  mondiale estimée à 6% en 2021 et 4,9% en 2022.

Sur 2022, le trend de la SSA (Afrique Subsaharienne) devrait s’établir à 3,8% toujours en deçà de la moyenne mondiale. Il s’agit d’une rupture de la longue logique de convergence des revenus observée entre 2003 et 2020 entre l’Afrique, le monde émergent dans l’ensemble et les pays développés.

Quant au PIB réel de la région du Moyen-Orient et de l’ Afrique du Nord (MENA), il devrait progresser de 4,1 % en 2021 et en 2022 après avoir enregistré une contraction de 3,2 % en 2020. Cette zone devrait connaître une forte inflation sous l’effet de la profession des prix des aliments et de l’énergie.

« L’inversion des logiques de convergence entre le Nord et le Sud est synonyme du creusement des revenus et d’une marginalisation »

Ainsi, les deux régions africaines, rigoureusement distinctes dans les rapports du FMI (l’Union Africaine a du pain sur la planche) sont confrontées aux mêmes défis quoique à des niveaux de développement et de couverture vaccinale différents.

L’inversion des logiques de convergence entre le Nord et le Sud est synonyme du creusement des revenus et d’une marginalisation. Les modèles des économies exportatrices de matières premières ont montré leurs limites. Les 54 pays africains reproduisent depuis les indépendances le mythe de Sisyphe avec une combinaison des cycles de croissance et de récession qui les ramènent toujours au commencement. Le Rocher revient toujours au pied de la montagne.

La reprise est conditionnée moins aux cours des matières premières qu’aux campagnes de vaccination. Avec à peine 3% de personnes ayant reçu deux doses, la rive Sud du Sahara aura besoin de beaucoup plus de temps pour parvenir à l’immunité collective même si encore, il faut le dire, une certaine anomalie, “irrationnelle peut être” mais “réelle” au vu des statistiques, fait que la résistance des subsahariens des zones tropicales à ce virus est suffisamment établie pour mériter des investigations et une documentation scientifique. 

« Si le reste du monde devrait renouer avec la croissance d’avant crise d’ici 2023, l’Afrique, elle, est condamnée à faire deux fois plus de croissance pour rattraper son retard »

Si le reste du monde devrait renouer avec la croissance d’avant crise d’ici 2023, l’Afrique, elle, est condamnée à faire deux fois plus de croissance pour rattraper son retard. Ces efforts doivent être consentis, qui plus est, dans un contexte d’explosion de la dette publique. N’ayant pas le pouvoir du recours de la planche à billet avec une inflation maîtrisée, l’Afrique est dépendante de ses réserves en devises et devrait par conséquent suivre des mesures disciplinaires sans lesquelles les programmes avec le FMI et les partenaires internationaux peuvent ne pas être reconduits. 

En outre, le continent est confronté à la vulnérabilité par rapport à l’inflation importée en raison de sa dépendance aux produits alimentaires qui viennent s’ajouter à une vulnérabilité par rapport aux changements climatiques. L’autre grand défi est sécuritaire avec la diagonale du Sahel (le Sahelistan ?) et la déstabilisation de l’Ethiopie, un pays que l’on croyait à jamais sortie du cycle infernal des famines et des guerres civiles. 

« Face à tant d’obstacles, l’intégration africaine est la réponse la plus pérenne et la plus complète aux défis économiques et sociaux »

Face à tant d’obstacles, nous pensons que l’intégration africaine est la réponse la plus pérenne et la plus complète aux défis économiques et sociaux. 

La ZLECA appliquée immédiatement libèrerait le continent de sa facture d’importation alimentaire (50 milliards de dollars ) et lui donnerait le pouvoir non négligeable de la planche à billet si dotée d’un Trésor fédéral. Mais qu’on est loin de cette intégration compte tenu des tentations nationalistes et individualistes pouvant pousser certains dirigeants à jouer la carte étroite du sauve-qui-peut.

* Adama Wade est directeur de la publication de Financial Afrik 

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