A la uneL'editorial

Tribune « Il est temps de parfaire les solutions africaines aux crises alimentaire et climatique du continent »

Il n’y a pas de plus grand défi, en matière de changement climatique, que d’assurer que l’Afrique puisse se nourrir elle-même.

Par William Ruto; Akinwumi Adesina; Patrick Verkooijen

Actuellement, la Corne de l’Afrique subit la pire sécheresse qu’elle ait connue en quarante ans, et l’UNICEF prévient que 20 millions d’enfants risquent de souffrir gravement de la faim, de la soif et de la maladie.

Cette crise est d’autant plus urgente qu’il ne s’agit pas d’un événement exceptionnel, mais de la nouvelle normalité de l’Afrique. La hausse des températures mondiales est en train de bouleverser les régimes pluviaux dont dépendent des centaines de millions de petits exploitants agricoles. De grandes parties de l’Afrique se réchauffent à un rythme deux fois supérieur à la moyenne mondiale, mettant en danger un demi-milliard de personnes.

Cette nouvelle normalité – vivre avec le changement climatique – exige une nouvelle réflexion et une nouvelle approche. Nous devons libérer les pays du cycle sans fin du sinistre et de la reprise. Au lieu d’aides aux sinistrés, nous avons besoin d’investissements. Au lieu d’une aide alimentaire, nous avons besoin de solutions climato-intelligentes pour la production alimentaire.

Penser plus grand

Les réponses aux problèmes existent. Certaines des meilleures idées sont déjà mises en œuvre par de jeunes entrepreneurs africains. Il s’agit notamment de start-ups comme Irri-hub, fondée par Eric Onchonga, qui aide les petits exploitants à faire face à la sécheresse actuelle grâce à une technologie de collecte de l’eau de pluie et à des systèmes d’irrigation à énergie solaire. Une autre est AgriTech Analytics, fondée par Maryanne Gichanga, qui utilise l’imagerie satellite, l’analyse de données et l’internet des objets pour détecter les parasites et les maladies des cultures, et conseiller les agriculteurs sur l’état des sols. Les agriculteurs qui utilisent ces services ont connu une augmentation spectaculaire du rendement de leurs cultures, qui leur a permis d’accéder plus facilement au crédit pour l’achat d’engrais et de semences.

Ces solutions climato-intelligentes touchent déjà des dizaines de milliers d’agriculteurs. Mais pour que l’agriculture du continent soit à l’abri du changement climatique, nous devons en atteindre des millions d’autres. L’Afrique a servi de terrain d’essai pour une gamme prometteuse d’outils d’adaptation aux changements climatiques. Ce dont nous avons besoin à présent, ce sont des investissements pour les mettre à la disposition des agriculteurs du continent.

Pour recevoir un soutien financier accru, l’adaptation au climat ne doit plus être perçue comme un moyen d’atténuer les risques, mais comme la meilleure opportunité économique dont nous disposons pour garantir un avenir viable et durable.

Investir dans la réussite

Les arguments économiques en faveur de l’investissement dans l’adaptation aux changements climatiques sont solides. Le Global Center on Adaptation (GCA) a estimé que seulement 15 millards de dollars par an – moins que le coût de fonctionnement du métro de New York – suffiraient à financer une meilleure gestion de l’eau, des infrastructures, la restauration des terres et des services d’information sur le climat dans toute l’Afrique.

Ces actions génèrent généralement 5 dollars de bénéfices pour chaque dollar investi, selon le GCA. En effet, l’adaptation aux changements climatiques, lorsqu’elle est bien menée et à grande échelle, génère une cascade d’avantages économiques, sociaux et environnementaux. Pensez à des cultures plus robustes, à de meilleurs rendements, à des revenus agricoles plus élevés et plus durables, à l’accès au crédit, à des communautés plus saines et, au niveau national, à une plus grande sécurité alimentaire, à des factures d’importation de denrées alimentaires moins élevées, à un commerce plus équilibré et à des économies plus résilientes dans l’ensemble.

En revanche, l’inaction coûte des centaines de milliards de dollars chaque année, notamment en termes d’aide aux sinistrés et de reconstruction. Le Kenya, à lui seul, estime qu’il perd entre 3 et 4.4% de son PIB par an à cause des multiples impacts du réchauffement climatique. Aujourd’hui, le continent importe déjà plus de 100 million de tonnes de céréales, pour un coût annuel de 75 milliards de dollars.

Les aides en cas de sinistre sont des coûts irrécupérables. L’adaptation aux changements climatiques est un investissement dans un avenir plus résilient.

Élaborer une nouvelle approche

C’est pourquoi l’Afrique tente une nouvelle approche. En 2021, les 55 États membres de l’Union africaine ont décidé de soutenir un plan visant à accélérer l’adaptation aux changements climatiques sur l’ensemble du continent. Le programme d’accélération de l’adaptation en Afrique (AAAP) est un exemple de la manière dont l’Afrique réfléchit collectivement à son avenir. Le groupe de la Banque africaine de développement (BAD) s’est engagé à y consacrer 12,5 milliards de dollars. On espère que les donateurs et les financiers du secteur privé y investissent le même montant. Des projets sont déjà en cours.

This is why Africa is trying a new approach. In 2021, the 55 member states of the African Union agreed to back a plan to accelerate climate adaptation across the continent. The Africa Adaptation Acceleration Program (AAAP) is an example of how Africa is thinking collectively about its future. The African Development Bank Group (AfDB) has pledged $12.5 billion toward it. It is hoped donors and financiers in the private sector will match this amount. Projects are already underway.

Dans le domaine de l’agriculture, la Banque africaine de développement a pour objectif d’élargir l’accès aux technologies numériques intelligentes face au climat et aux services agricoles et financiers axée sur les données pour au moins 30 millions d’agriculteurs. Dans la Corne de l’Afrique, la banque investit 350 million de dollars pour adapter les services agricoles numériques, notamment les informations sur les marchés, les produits d’assurance et les services financiers aux besoins des petits exploitants agricoles. L’objectif est d’accroître la résilience des communautés agricoles et de créer de nouveaux emplois du XXIe siècle dans le domaine de l’agritech.

En augmentant les investissements dans l’adaptation au climat, l’Afrique ambitionne de devenir autosuffisante en matière de production alimentaire et à économiser 50 milliards de dollars qu’elle consacre chaque année aux importations. La Banque africaine de développement qualifie ces dépenses de « non viables, irresponsables et inabordables » et de « totalement inutiles ». Les chefs d’État de 34 pays africains, réunis à Dakar au début de l’année se sont accordés là-dessus.

Lors du Sommet « Nourrir l’Afrique» qui s’est tenu en janvier, ils se sont engagés à mobiliser 50 milliards de de dollars pour parvenir à la souveraineté alimentaire sur l’ensemble du continent. « Il est temps que l’Afrique se nourrisse elle-même et libère pleinement son potentiel agricole pour contribuer à nourrir le monde », ont déclaré les dirigeants.

La transition de l’Afrique vers un avenir plus résilient a déjà commencé. Pour maintenir la dynamique, le Kenya accueillera en septembre un sommet africain sur le climat auquel participeront des dirigeants mondiaux et des représentants du secteur privé. Ce sommet présentera certains des meilleurs projets d’adaptation aux changements climatiques sur le terrain et tentera de combler le déficit de financement du plan d’action pour l’adaptation aux changements climatiques. Le continent qui a le moins contribué au changement climatique mondial est celui qui déploie le plus d’efforts pour s’adapter à ses effets. Cela mérite assurément le soutien de tous.

*William Ruto est le président du Kenya ; Akinwumi Adesina est président de la Banque africaine de développement ; Patrick Verkooijen est le PDG du Global Center on Adaptation.

Source : Newsweek

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page