Teddy Kaberuka : « Umuganura nous rappelle que notre force réside dans l’unité, la gratitude et la prospérité partagée »

Sous le soleil doré du 1er août, le Rwanda s’anime au rythme des tambours, des imishanana colorés et des rires joyeux des communautés. Umuganura, fête nationale des moissons, plonge ses racines dans les cérémonies royales d’antan : le roi présidait la première récolte, offrant des prières de gratitude à Dieu pour la fertilité des terres, tandis que les paysans déposaient leurs meilleures récoltes — bananes, sorgho, haricots, patates douces — en offrande communautaire. Après l’abolition de la monarchie, la fête avait presque disparu avant d’être réintroduite en 2008 dans le cadre de la reconstruction culturelle post-génocide.
Aujourd’hui, Umuganura s’inscrit aux côtés d’autres initiatives locales comme l’Umuganda, l’Ubudehe et le Gacaca, conciliant traditions et défis contemporains, tout en offrant une solution locale aux enjeux modernes.
« Umuganura ne célèbre pas seulement la récolte, il célèbre la force de notre communauté et l’avenir que nous construisons ensemble »

Umuganura 2025, sous le thème « Umuganura, source d’unité et fondement de l’autonomie », transforme la fête traditionnelle des premières récoltes en une célébration moderne des progrès nationaux. Le festival met en lumière les réussites en agriculture, culture, éducation et croissance économique, tout en soulignant l’importance de l’effort collectif et de l’autosuffisance.
Le festival offre une plateforme essentielle aux agriculteurs, en particulier ceux organisés en coopératives et associations. Il favorise les échanges de savoir-faire, la visibilité des initiatives locales et l’accès aux marchés, permettant aux paysans d’augmenter rendements et revenus, tout en améliorant leurs conditions de vie et en renforçant la sécurité alimentaire et le développement rural.
« La prospérité que nous récoltons ensemble est le reflet de notre unité et de notre gratitude »

Si l’agriculture reste au cœur d’Umuganura, le festival célèbre aussi les progrès du Rwanda dans l’éducation, la technologie, les infrastructures et les industries créatives. Les visiteurs découvrent le savoir-faire des artisans locaux, des paniers agaseke aux bijoux et peintures racontant l’histoire de la terre et de ses habitants. Des jeunes entrepreneurs présentent des solutions technologiques innovantes, allant des applications mobiles aux technologies agricoles destinées à améliorer la productivité et la durabilité.
Umuganura favorise également un dialogue intergénérationnel. Les débats culturels réunissent jeunes et anciens pour discuter de la préservation des traditions face aux défis et opportunités de l’ère numérique. Cette interaction enrichit l’expérience du festival et forge une vision commune pour l’avenir du Rwanda, honorant le passé tout en innovant avec audace.
Le festival célèbre enfin la joie et le partage : dans les villages, villes et ambassades rwandaises à l’étranger, les communautés dansent au rythme de l’Intore et de l’Umushayayo, partagent des festins communautaires avec plantains, feuilles de manioc, céréales et viandes grillées, et exposent des innovations agricoles, des cultures en terrasses aux nouvelles variétés, montrant l’avancée du pays en matière de sécurité alimentaire.
« À travers Umuganura, nous apprenons que notre héritage culturel et nos innovations peuvent avancer main dans la main »
La diaspora rwandaise, de Beijing à Boston, maintient la tradition vivante. L’ambassadeur Olivier Nduhungirehe, lors de l’édition aux Pays-Bas en 2023, rappelait : « Où que nous soyons, Umuganura nous relie à nos racines. Il enseigne à nos enfants que la culture rwandaise ne connaît pas de frontières. »
Alors que les tambours s’éteignent et que les dernières danses se terminent, Umuganura laisse un héritage durable : il réaffirme que la force du Rwanda réside dans l’unité, la gratitude et la détermination collective à progresser ensemble.
« Umuganura est un rappel que prospérité, partage et innovation sont indissociables de notre identité nationale »
Umuganura est une initiative dont on pourrait s’inspirer sur le continent africain, car elle illustre comment valoriser les agriculteurs et les traditions locales tout en stimulant innovation, sécurité alimentaire, cohésion sociale et résilience communautaire. Elle montre que conjuguer patrimoine culturel et développement durable peut répondre efficacement aux défis contemporains partagés par de nombreux pays africains.
*Teddy Kaberuka est économiste au Rwanda