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Tourisme : une industrie qui reprend…et se renouvelle

Annoncée, elle se confirme ! L’industrie touristique renoue avec la croissance après des années plombées par la Covid 19. L’occasion pour les acteurs du secteur de nourrir de nouvelles ambitions, de diversifier, de développer de nouvelles niches.

Analyse Par Dounia Ben Mohamed

Un rapport sur le secteur de l’hôtellerie et de l’accueil publié en janvier a révélé que “les voyages et le tourisme en Afrique ont un potentiel de croissance immense après avoir montré une reprise post-pandémique plus rapide que prévu”. L’étude, co-réalisée par  Moore et dmg events, témoigne de l’optimisme des acteurs du secteur de 17 pays africains quant aux perspectives du secteur.

« Même avec les défis auxquels le secteur est confronté, près de 82 % des personnes interrogées étaient positives pour les six prochains mois, tandis que 90 % étaient positives pour le secteur au cours des un à deux ans à venir », souligne Evan Schiff, directeur de portefeuille chez dmg events.

La reprise est en marche dans toute l’Afrique et les opportunités pour les opérateurs hôteliers et hôteliers sont vastes

Un optimisme nourri par une reprise de l’activité en 2022, après deux années plombées par la pandémie Covid 19 qui a coûté, selon la société allemande de données sur le marché et les consommateurs Statista, 87 milliards de dollars au secteur du tourisme africain. « Il s’agit d’une forte augmentation par rapport aux -73 % enregistrés pendant la pandémie dans le monde. L’Afrique subsaharienne accusait un retard de 43 % par rapport à ses indicateurs de performance clés d’avant la pandémie, mais la reprise est en marche dans toute l’Afrique et les opportunités pour les opérateurs hôteliers sont vastes », poursuit Evan Schiff. Car, même si les taux d’occupation restent inférieurs à ceux d’avant la pandémie, les premiers chiffres de 2023 confirment la tendance. À savoir: le tourisme international est en bonne voie de revenir aux niveaux d’avant la pandémie, avec deux fois plus de personnes voyageant au cours du premier trimestre de 2023 qu’à la même période de 2022, selon le Baromètre OMT. 235 millions de touristes ont voyagé à l’étranger au cours des trois premiers mois, soit plus du double de la même période de 2022. Plus de 960 millions de touristes ont voyagé à l’étranger l’année dernière, ce qui signifie que les deux tiers (66 %) des chiffres d’avant la pandémie ont été récupérés.

Et si le Moyen-Orient a enregistré la meilleure performance en tant que seule région dépassant les arrivées de 2019 (+ 15 %) et la première à récupérer les chiffres d’avant la pandémie au cours d’un trimestre complet; l’Afrique a atteint 88 % des niveaux d’avant la pandémie. “Le début de l’année a montré une fois de plus la capacité unique du tourisme à rebondir, relève le secrétaire général de l’OMT, Zurab Pololikashvili. Dans de nombreux endroits, nous sommes proches ou même au-dessus des niveaux d’arrivées d’avant la pandémie. Cependant, nous devons rester attentifs aux défis allant de l’insécurité géopolitique, des pénuries de personnel et de l’impact potentiel de la crise du coût de la vie sur le tourisme, et nous devons veiller à ce que le retour du tourisme assume ses responsabilités en tant que solution à l’urgence climatique et en tant que moteur d’un développement inclusif.”

L’Afrique, qui fait également face à ses défis, et à d’autres, retrouve toutefois une partie de son attractivité et le tourisme son poids, important dans les économies africaines. A l’image du Kenya qui a vu les revenus du tourisme augmenter de 83% en 2022. Même s’ils n’ont pas retrouvé les niveaux d’avant pandémie, le Kenya, moteur économique de l’Afrique de l’Est, retrouve sa position de destination touristique majeure du continent, grâce notamment à sa faune. En 2022, quelque 1,5 million de touristes ont visité le Kenya, des visites en hausse de 70 % par rapport à 2021, mais n’atteignant toujours pas les niveaux d’avant la pandémie, avec un tourisme qui contribuait, avant le Covid, au PIB à hauteur de 10 %, et malgré la levée progressive des restrictions. En 2019, environ 2 millions de touristes ont visité le pays d’Afrique de l’Est. Les touristes américains sont les plus nombreux en 2022, représentant 16 % des arrivées, devant ceux d’Ouganda (12 %), du Royaume-Uni (10 %) et de Tanzanie (10 %).

Au Rwanda, également, les revenus du tourisme sont en hausse, pour atteindre 445 millions de dollars américains en 2022, soit une hausse de 171,3 % par rapport à l’année précédente. Le pays a attiré environ 110 000 visiteurs dans ses parcs nationaux en 2022, enregistrant une augmentation de 142,4 pour cent par rapport à 2021, selon le rapport. Le pays, qui vise à atteindre les 800 millions de dollars d’ici 2024, est devenu mondialement connu pour ses gorilles, une attraction touristique unique dans la région, qui a généré des revenus de 113 millions de dollars, selon un rapport publié par le Rwanda Development Board (RDB). “Nous avons également constaté une augmentation de 40,5 % des recettes totales des biens et services en 2022. C’est un signe positif de mouvement dans l’économie, malgré la perturbation de la chaîne d’approvisionnement mondiale “, a déclaré Clare Akamanzi, directrice général du RDB. Et pour atteindre ses nouvelles ambitions, le Rwanda bénéficie désormais de l’ouverture de la première ligne aérienne directe entre Paris et Kigali au Rwanda, opérée par la compagnie nationale Rwandair. Avec une rotation assurée 3 fois par semaine par RwandAir, Paris sera la 25e destination desservie par la compagnie nationale alors que le pays développe plusieurs niches, telle que le tourisme d’affaires, sportif ou écologique, pour renforcer son attractivité touristique.

Egypte, Afrique du Sud, Maroc dans le trio de tête

Mais il reste encore loin derrière le Maroc, 3ème pays d’Afrique le plus attractif pour le tourisme. Les secteurs du tourisme et du commerce au Maroc ont beaucoup souffert au cours des deux dernières années en raison de la pandémie de COVID-19, mais le pays a lancé une série de mesures pour aider à revenir aux records d’avant la pandémie. « Le secteur du tourisme a fait preuve d’une bonne résilience et a réussi à retrouver ses performances d’avant le COVID, grâce à une série d’initiatives lancées par le gouvernement pour remettre l’activité touristique sur les rails avec ses réalisations du passé », a déclaré le ministre marocain du Tourisme Fatim Zahra. Ammor a déclaré le mois dernier.

Résultat, le cabinet de conseil espagnol Bloom Consulting a ainsi classé le Maroc parmi les meilleurs endroits pour les touristes, classant le royaume comme la troisième destination la plus attractive du continent pour le tourisme. Avec un « BBB » Country Brand Ranking (CBS), le Maroc se classe au 43ème rang mondial du tourisme. Encore derrière l’Égypte qui demeure en tête du continent en tant que pays le plus attractif pour le tourisme, et l’Afrique du Sud, à la deuxième place au niveau continental et au 41e au niveau mondial, tandis que Maurice et la Tanzanie se sont classées respectivement quatrième et cinquième. Cinq pays qui restent les destinations phares du tourisme en Afrique. Et ses dernières entendent bien le rester.

A commencer par le Maroc qui s’est doté d’une nouvelle feuille de route pour attirer 17,5 millions de touristes d’ici 2026 et récolter au passage 120 milliards de dirhams de recettes en devises et 200 000 nouveaux emplois, 80 000 directs et 120 000 indirects. Une relance de l’industrie touristique de 6,1 Md MAD (595 M$) sur quatre ans qui passe par la modernisation des infrastructures touristiques, de la diversification de l’offre et de l’amélioration de la desserte aérienne. Ce, afin de « repositionner le tourisme comme un secteur clé de l’économie nationale », et en faire une des premières destinations touristiques mondiales selon un communiqué du cabinet du premier ministre et booster un secteur qui  représente 7% au produit intérieur brut (PIB) du Maroc.

La capacité aérienne dédiée à l’Afrique a augmenté de 65% par rapport à l’année dernière

Le Maroc n’est pas le seul à miser sur l’aérien pour développer son activité touristique. Alors que la capacité aérienne dédiée à l’Afrique a augmenté de 65% par rapport à l’année dernière, à la fois baromètre et moteur de l’industrie touristique, le secteur aérien africain est en plein essor tandis que les voyages aériens internationaux vers l’Afrique rebondissent. Marqué notamment par le retour des touristes chinois en Afrique. Le dernier Baromètre du tourisme mondial de l’Organisation mondiale du voyage des Nations Unies confirme que le retour des touristes chinois, le plus grand marché émetteur du monde en 2019, augmentera considérablement le nombre d’arrivées internationales en Afrique et les ramènera aux niveaux de 2019. Cette année-là, les arrivées internationales chinoises ont été enregistrées à 155 millions, soit plus du double des arrivées entrantes en Afrique, qui ont totalisé 68,8 millions au cours de cette période.

Ces dernières années, il y a eu un intérêt accru pour l’exploration de l’Afrique en général

Les afro-américains également confirment leur intérêt pour le continent, motivés par des voyageurs à la recherche d’expériences de «retour aux sources», ce qui s’inscrit dans une tendance plus large d’intérêt général accru pour les voyages en Afrique parmi les consommateurs à la recherche d’expériences culturelles. « Ces dernières années, il y a eu un intérêt accru pour l’exploration de l’Afrique en général », a déclaré Laurence Pinckney, PDG de ZenBiz Travel LLC. Les offices de tourisme d’Afrique du Sud et du Ghana et leurs publicités et promotions ont apporté une contribution significative à ce réveil ».

Encourager le tourisme intra-africain

Reste une niche à exploiter tant son potentiel est important : le tourisme intra-africain. Réunis à Gaborone, au Bostwana, en octobre dernier pour le Forum sur le leadership du tourisme en Afrique, dont le principale objectif est de promouvoir le tourisme intra-africain, les principaux opérateurs touristiques africains se sont engagés à le promouvoir. Mais l’activité fait face à des défis de taille à commencer par des routes en mauvais état; des vols limités dans certaines parties de l’Afrique qui obligent à passer par une plaque tournante régionale, voire à l’extérieur du continent, pour les vols de correspondance vers les pays voisins; sans oublier la question des visas. Une donne que l’entrée en vigueur de la ZLECAf devrait corriger. En réduisant les avantages au tourisme, les pays d’Afrique connaîtront un énorme trafic en provenance du bloc BRICS notamment et un énorme afflux de devises.

Pour l’heure, le commerce intra-africain figure parmi l’un des moteurs de la nouvelle croissance du secteur. Une approche poursuivie par le Kenya entre autres qui se concentre sur la promotion du tourisme régional en raison de l’incertitude sur les marchés traditionnels. « Pour réorganiser le secteur, notre objectif à partir de 2023 comprendra le développement de stratégies qui auront un impact sur une population plus large, améliorant ainsi les moyens de subsistance des Kenyans. Cela comprendra la promotion du tourisme régional pour améliorer les performances des marchés africains et le développement de produits de niche tels que le tourisme de croisière, le tourisme d’aventure, le tourisme culturel et sportif », avait annoncé en début d’année Peninah Malonza, secrétaire du Cabinet kenyan pour le tourisme. Sur les 1,48 million de touristes qui ont visité le Kenya, 43 % (641 975) venaient d’Afrique, principalement pour affaires et pour rendre visite à de la famille ou à des amis. Il s’agit désormais d’augmenter ce nombre, en ciblant les touristes africains. « Le Kenya est l’un des pays pilotes pour le marché unique du transport aérien en Afrique, et cela stimulera considérablement nos efforts dans ce sens ». En octobre 2022, le Kenya et l’Ouganda ont signé un accord pour promouvoir le tourisme régional en promouvant conjointement les plages et les parcs de la région.

En Afrique du Sud également, les Africains sont des touristes recherchés. “En 2022, les arrivées de touristes africains ont dépassé de 9 % leur nombre de 2019. Cela reflète le fait que ce groupe a connu une reprise plus rapide que les touristes étrangers, et même s’ils ne sont peut-être pas très dépensiers, les Africains continuent de jouer un rôle vital dans la reprise globale de notre industrie touristique. Et si certains de ces visiteurs peuvent ne pas être considérés comme des touristes de loisirs, si l’on ne considère que les arrivées par voie aérienne, à l’exclusion des visiteurs transfrontaliers, les chiffres pour les quatre premiers mois de 2023 se situent à 89 % des niveaux de 2019, indiquant une forte résurgence”, indique le ministre du tourisme sud-africain. Reste des défis majeurs, l’octroie des visas, le coût de la destination comparée à d’autres du continent, ainsi que des inquiétudes quant à la sécurité, et des perceptions négatives de l’Afrique du Sud.

Près des deux tiers des voyageurs recherchent des efforts de développement durable lorsqu’ils voyagent

En attendant, en Afrique du Sud comme ailleurs, le tourisme s’oriente de plus en plus vers une démarche de développement durable. Une demande clairement exprimée par les touristes. Selon les données d’un rapport du World Travel & Tourism Council (WTTC) et du groupe Trip.com, près des deux tiers des voyageurs recherchent des efforts de développement durable lorsqu’ils voyagent. Cela inclut également la capacité de pouvoir soutenir la communauté locale, et il existe de nombreuses initiatives de soutien comme Pack for a Purpose et le programme AmericaShare de Micato Safari soutenant l’éducation des enfants en Afrique de l’Est.

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