Tourisme : un potentiel freiné par des angles morts stratégiques
Présenté lors du salon WTM Africa en avril 2025, le rapport State of the African Industry: Ignite Africa! dresse un constat sans concession. Alors que le continent regorge d’atouts touristiques et bénéficie d’un regain d’intérêt mondial, des lacunes persistantes freinent sa pleine envolée. Marchés négligés, infrastructures déficientes et manque d’inclusion freinent un secteur pourtant porteur de croissance…

Avec 45 millions d’arrivées internationales en 2024 selon l’OMT, le tourisme africain a presque retrouvé ses niveaux d’avant la pandémie. Le rapport State of the African Industry: Ignite Africa!, publié par Big Ambitions et présenté à la conférence WTM Africa 2025, souligne néanmoins un paradoxe : l’Afrique attire, mais ne convertit pas encore tout son potentiel.

Nous avons besoin d’une vision plus stratégique et plus inclusive du tourisme en Afrique
Natalia Rosa, directrice de Big Ambitions, structure sud-africaine à l’origine du rapport
Des marchés à fort pouvoir d’achat ignorés
Parmi les principaux « angles morts » dénoncés par le rapport figure l’absence de stratégie pour séduire les voyageurs asiatiques et moyen-orientaux. Ces touristes, dont la dépense moyenne atteint 15 000 dollars par séjour, voyagent souvent en famille ou en groupes, recherchent des expériences exclusives et disposent d’un fort pouvoir d’achat. Pourtant, ils restent largement ignorés dans les campagnes de promotion africaines.
« Le marché chinois, par exemple, représentait plus de 155 millions de touristes sortants en 2019, mais moins de 1 % d’entre eux visitaient l’Afrique », précise le rapport. Même constat pour les pays du Golfe, dont les ressortissants sont très friands de tourisme de luxe et d’aventure.
Une inclusion encore très limitée
Autre public oublié : les voyageurs neurodivergents (personnes avec autisme, TDAH, troubles dys…), un marché évalué à 60 milliards de dollars par an dans le monde. L’Afrique reste en retard sur l’accessibilité et l’adaptation des services touristiques à ces clientèles spécifiques, alors même que des destinations comme l’Australie ou le Canada en font un axe majeur de leur stratégie.
« Intégrer les besoins des voyageurs neurodivergents n’est pas seulement une question d’éthique, c’est une immense opportunité économique », affirme le rapport. Très peu d’hébergements ou de sites africains offrent aujourd’hui des aménagements adaptés, comme des parcours sensoriels réduits ou des outils de communication visuelle.
Des infrastructures en décalage avec l’ambition
L’infrastructure constitue un autre frein majeur. De nombreuses destinations manquent encore de connexions aériennes directes, de routes praticables ou d’hébergements de qualité. Selon le Travel and Tourism Development Index 2024 du Forum économique mondial, seuls 5 pays africains figurent dans le top 100 mondial en termes de compétitivité touristique.
Le rapport pointe aussi un manque de coordination entre les acteurs publics et privés pour améliorer l’expérience voyageur : retards à l’aéroport, signalétique inadéquate, connectivité numérique insuffisante…
L’espoir dans la technologie et l’IA
Le rapport se veut cependant optimiste sur le rôle des nouvelles technologies, notamment l’intelligence artificielle. Chatbots multilingues, expériences immersives, systèmes de recommandation personnalisée : l’IA pourrait combler certaines lacunes et rendre le tourisme africain plus compétitif. Plusieurs startups locales, comme la kényane Tripitaca ou la sud-africaine AITAfrica, proposent déjà des solutions intégrées basées sur l’IA.
L’Afrique a l’avantage de pouvoir adopter directement les solutions les plus avancées sans passer par les étapes intermédiaires
Natalia Rosa
Repenser la stratégie continentale
Le rapport Ignite Africa! appelle les décideurs à repenser l’offre touristique du continent en misant sur l’innovation, l’inclusion et la diversification des marchés. Il insiste sur l’urgence de développer des politiques ciblées, de former les acteurs du secteur aux nouveaux besoins des voyageurs, et de mieux promouvoir l’Afrique en tant que destination mondiale moderne, accessible et plurielle.
« L’Afrique ne peut plus se permettre d’être timide face à une industrie qui pèse plus de 9 000 milliards de dollars au niveau mondial », conclut le rapport. « Elle doit saisir sa chance maintenant. »
Consulter le rapport : State of the African Industry: Ignite Africa!