L’intégration en Afrique de l’Est : choix ou nécessité?
Selon le Rapport sur l’Index de l’Intégration Régionale en Afrique (ARII 2016), de toutes les Communautés Economiques Régionales, la Communauté de l’Afrique de l’Est est la région la plus intégrée. La CAE envisage maintenant de jouer un rôle non économique dans la région, et ce pour la stabilité régionale, car tous les Etats membres sont confrontés à des difficultés politiques communes.
«Un Peuple, Une Destinée» – voilà le slogan de la Communauté d’Afrique de l’Est qui a été rétablie en 2001. Conçue pour rassembler et créer un bloc commercial économique, elle vise à éliminer les barrières tarifaires et non tarifaires et à promouvoir la libre circulation des biens, des services et des facteurs de production entre eux.
Une question de choix et de nécessité
Les priorités d’intégration reposent sur divers secteurs, tels que les transports, les communications, le commerce et l’industrie, l’immigration, la sécurité et la promotion des investissements dans la région.
Selon M. Mubiru Salim, expert en affaires douanières à l’Office des Recettes de l’Ouganda; elle fut initiée en 1897 avec la construction de la ligne des Chemins de fer Kenya – Ouganda. À ce moment-là, il était nécessaire d’ouvrir des lignes reliant l’Afrique de l’Est au reste du monde par la connexion ferroviaire au port de Mombasa. Tout au long de l’histoire, des initiatives d’intégration « nécessaires » ont été entreprises. Cependant, dans les années 1970, le processus d’intégration a pris un coup lorsque les États partenaires ont décidé d’adopter des politiques commerciales individuelles au détriment de l’approche d’intégration.
- Mubiru explique que dans l’histoire récente, des pays comme la Tanzanie et le Burundi n’ont pas participé au processus d’intégration à travers l’initiative du Territoire Unique Douanier (SCT), en raison de l’avantage concurrentiel acquis par les pays participants (l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie). Mais le reste des États membres ont adhéré au processus d’intégration, « ainsi, l’intégration économique de l’Afrique de l’Est, dans une perspective historique, a été à la fois un choix et une nécessité. »
Une intégration cruciale
Tant que les experts ne réussissent pas à s’entendre sur ce qui est déjà arrivé ou même sur « ce qui fonctionne » en Afrique, certains experts et panafricanistes pourraient encore affirmer de façon crédible que l’intégration économique de l’Afrique de l’Est est cruciale.
Adoum Goc, ancien responsable de la Communauté Economique et Monétaire des Etats de l’Afrique Centrale (CEMAC) au Tchad, a déclaré que « si l’Afrique était divisée en petits pays et blocs régionaux pendant la colonisation, certains dirigeants panafricains ont immédiatement compris après l’indépendance que l’Afrique devait oublier les schémas théoriques de type panafricain, notamment le type néocolonial (une union douanière) ou les États-Unis d’Afrique. » Et en conséquence, au milieu des années 1960, on a proposé de diviser l’Afrique en régions économiques, en modèles d’intégration plus rentables et plus productifs, et en adoptant des secteurs prioritaires de développement tels que l’agriculture, l’industrie, l’électricité, le transport et la formation.
Pour Salim, il semble que l’intégration économique de la CAE peut être un modèle pour d’autres sous-régions africaines : « Actuellement, le Soudan du Sud et la République Démocratique du Congo (RDC) ont demandé à rejoindre la Communauté de l’Afrique de l’Est, et d’autres blocs régionaux ont été établis sur le modèle de la CAE, il est donc clair que la CAE peut être un modèle. »
Intégration économique et politique
De nombreux observateurs pensent que la CAE est la seule communauté ayant une vision de fédération politique. En effet, dans le traité instituant la CAE, les Etats membres ont décidé d’étendre et d’intensifier leur intégration politique, sociale et culturelle. Mais Mr Goc prévient qu’il y a « une énorme controverse entre les dirigeants africains dans le cadre du processus d’intégration politique. »
Cependant, des résultats sont déjà là, et pour M. Mubiru, il ne faut pas oublier le rôle de la Diaspora : « Au niveau des gouvernements, le processus est en cours pour l’intégration des autorités fiscales et d’autres organismes tels que le Bureau des normes, les autorités de réglementation pharmaceutique, les administrations portuaires et même les organismes de sécurité… Mais il y a aussi la Diaspora qui constitue une formidable partie de la communauté des affaires de la CAE, et qui contribue à la balance commerciale des États membres à travers les devises étrangères qu’elle rapatrie chez eux… Certainement, la diaspora peut jouer un rôle central au processus d’intégration. »
Ainsi, il semble évident qu’il existe un certain nombre de leviers qui peuvent favoriser l’intégration au sein des pays africains, mieux que de seules intégrations purement politiques. Cependant, cela nécessite des institutions et organismes spécialisés, liés les uns aux autres et dans les pays, pour un processus à long terme.
AUTEUR Idriss ZACKARIA // Photo Idriss ZACKARIA, legends: Mr ADOUM GOC & MUBIRU SALIM