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Tech : le futur numérique de l’Afrique se dessine

Alors que les initiatives tech se multiplient à travers le continent, une dynamique profonde est en marche pour bâtir une économie numérique inclusive, souveraine et tournée vers l’innovation. Un tournant décisif pour l’Afrique. Baromètre annuel de la santé numérique du continent, Gitex Africa aura confirmé la tendance : L’Afrique ne veut plus être spectatrice de la révolution numérique mondiale, elle veut en être moteur.

Par Dounia Ben Mohamed, à Gitex Africa, à Marrakech

Du 14 au 16 avril 2025, Marrakech a accueilli la troisième édition de GITEX Africa, affirmant plus que jamais son statut de rendez-vous incontournable pour la tech africaine. Avec une affluence record, des délégations internationales de haut niveau et des annonces stratégiques majeures, l’événement a pris des allures de catalyseur du numérique sur le continent. Plus qu’un simple salon, GITEX Africa s’impose désormais comme le baromètre annuel de la santé digitale de l’Afrique — une véritable place de marché du futur africain, où se croisent ambitions locales et visions globales.

Avec une édition 2025 qui a franchi un nouveau cap : plus de 45 000 participants venus de 130 pays, 1 450 exposants, et plus de 350 investisseurs représentant quelque 200 milliards de dollars d’actifs sous gestion ont convergé vers la cité ocre. Installé au cœur de Marrakech, le salon a réuni en un même lieu les principaux acteurs de la transformation numérique du continent.

Mais au-delà des chiffres, c’est l’énergie qui émanait du salon qui marquait les esprits : files interminables devant les pitchs, animations en continu sur les stands, démonstrations d’intelligence artificielle, de fintech ou encore de greentech… Le pavillon des startups africaines, en particulier, a été le plus fréquenté. De jeunes pousses venues du Nigeria, du Kenya, d’Égypte, du Sénégal, du Maroc, de RDC ou encore de Tunisie y ont capté toute l’attention.

L’Afrique qui innove, l’Afrique qui attire

Au cœur du dispositif : les startups. Concours, démonstrations, sessions de matchmaking, tout a été pensé pour les valoriser. Le Supernova Challenge a ainsi permis à plusieurs d’entre elles de décrocher financements et visibilité.

Les investisseurs, venus de Dubaï, Londres, Lagos ou Casablanca, ont répondu présents pour repérer les futurs champions. Signe d’une maturité croissante du secteur, les investisseurs africains étaient aussi nombreux que les étrangers.

GITEX Africa est devenu plus qu’un simple événement — c’est une force motrice derrière la transformation numérique de l’Afrique

promettait Trixie LohMirmand, directrice générale de Kaoun International, organisateur du salon.

Des annonces stratégiques fortes

De fait, la dynamique impulsée s’est aussi traduite par une série d’annonces structurantes marquantes ont eu lieu en marge de l’évènement, soulignant l’engagement croissant des acteurs majeurs dans le développement de l’innovation numérique en Afrique. Visa a renforcé son implication sur le continent en annonçant un investissement dans deux fintechs africaines, Konnect et Paytic, dans le cadre de son programme Africa Fintech Accelerator. Cette initiative vise à soutenir les startups fintech en Afrique, afin de promouvoir l’inclusion financière. Proparco, la branche de l’Agence Française de Développement (AFD), a également pris des engagements significatifs en annonçant un partenariat stratégique avec plusieurs startups africaines. Cette collaboration vise à stimuler l’innovation numérique en apportant des financements et un accompagnement aux entreprises technologiques émergentes. Par ailleurs, TAMWILCOM, l’institution marocaine de financement, a signé un partenariat avec l’accélérateur régional Flat6Labs pour soutenir les startups marocaines en phase de démarrage. Ce partenariat met l’accent sur l’accès à des financements, du mentorat, et un réseau d’investisseurs pour favoriser la compétitivité des entreprises technologiques émergentes au Maroc. Ces annonces démontrent un renforcement des écosystèmes numériques africains et un soutien accru à l’innovation technologique sur le continent.

Des capitaux africains pour une tech africaine

Un autre signal fort : la présence de fonds d’investissement panafricains tels que Future Africa, Launch Africa ou Anava (Tunisie), ce dernier annonçant une injection de 3,5 millions d’euros dans le fonds New Era, axé sur l’IA, la biotech et la greentech.  « En Afrique, la demande de compétences en IA devrait augmenter de 36 % entre 2020 et 2025, indique Simon See, responsable mondial du Nvidia AI Technology Center, lors du GITEX Africa 2025. Cette croissance est alimentée par la jeune population du continent, ainsi que par ses investissements dans les start-ups et l’innovation. »

Un enjeu géopolitique croissant

La dimension politique n’a pas été en reste. Des délégations ministérielles du Nigeria, de Côte d’Ivoire, du Rwanda, d’Égypte, d’Arabie Saoudite ou encore de France ont arpenté les allées du salon. Le numérique est désormais un levier stratégique pour les États. « GITEX AFRICA 2025 est un lieu de rencontre privilégié entre décideurs, investisseurs et innovateurs pour accélérer l’intégration numérique du continent et favoriser des partenariats à fort impact » assure Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée chargée de la Transition numérique et de la Réforme de l’administration.

Un écosystème en structuration

L’Afrique ne veut plus être spectatrice de la révolution numérique mondiale : elle veut en être moteur. En 2024, selon la Banque africaine de développement, plus de 600 hubs technologiques étaient actifs sur le continent. D’après Partech Africa, les startups africaines ont levé 3,5 milliards de dollars en 2023, contre 4,6 milliards en 2022. Si le Nigeria, le Kenya, l’Égypte et l’Afrique du Sud concentrent plus de 80 % des investissements, des écosystèmes dynamiques émergent au Sénégal, en Tunisie ou au Ghana.

La tech « Made in Africa » continue de convaincre : Flutterwave, Wasoko, InstaDeep… Autant d’innovations africaines qui rivalisent désormais avec les modèles importés.

Malgré la baisse des volumes, les investisseurs internationaux restent convaincus que la tech africaine offre un potentiel de croissance à long terme, notamment dans les services essentiels

commente Cyril Collon, General Partner chez Partech Africa, lors de la présentation du rapport annuel 2024 sur le capital-risque en Afrique

Vers un marché numérique africain unique

Certains pays font de cette ambition une priorité. A l’instar du Rwanda, le Sénégal, Côte d’Ivoire et Togo accélèrent la digitalisation de leurs services publics.

Le numérique est devenu un catalyseur du développement inclusif. C’est une nouvelle forme d’indépendance, qui repose sur la maîtrise des infrastructures, des talents et des données

Lacina Koné, directeur général de Smart Africa

L’alliance qu’il dirige réunit 40 pays africains, représentant plus d’un milliard de personnes, autour d’un objectif commun : faire de l’Afrique un marché numérique unique d’ici 2030.

Des défis persistants, mais une vision claire

Malgré cet élan, des obstacles demeurent. En 2023, 63 % de la population africaine n’était toujours pas connectée à Internet, selon l’Union internationale des télécommunications. Les coûts d’accès, le manque d’infrastructures rurales, et les inégalités touchant femmes et jeunes restent des freins majeurs.

Pour autant, l’Afrique affirme de plus en plus sa souveraineté numérique. Les autorités de régulation, telles que l’ARTP au Sénégal ou la NCA au Ghana, se dotent de compétences accrues en données, IA ou cybersécurité.

Une vision africaine du numérique de demain

GITEX Africa 2025 a mis en lumière les tendances structurantes du moment : IA générative, cybersécurité souveraine, cloud africain, e-santé, climat et tech verte. Des panels ont exploré des thèmes comme « L’IA pour l’agriculture », « La tech contre la désinformation » ou encore « Femmes et tech en Afrique ».

Confirmant la tendance : l’Afrique ne veut plus être un terrain d’expérimentation. Elle veut concevoir, coder, réguler et exporter sa propre vision du numérique. Et ce futur, elle le construit dès maintenant, prochain arrêt pour les acteurs de cette révolution silencieuse mais décisive : Paris, en juin 2025, où VivaTech accueillera une large délégation africaine. L’occasion de poursuivre les échanges, de consolider les partenariats et de rappeler, une fois encore, que l’avenir numérique du monde passe aussi par l’Afrique.

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